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Maire d'Aix, ex-députée, c'est tout ?

Justice au singulier - philippe.bilger, 9/07/2012

D'une certaine manière, c'est un défi qui est lancé à Maryse Joissains : que sa représentation médiatique lui interdise dorénavant d'être réellement caricaturale.

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Maryse Joissains, maire d'Aix-en-Provence, vient de perdre son fauteuil de députée.
Je n'aurais pas eu l'idée de consacrer un billet à ce personnage certes haut en couleur et en propos si elle n'avait pas fait l'objet d'un portrait remarquable par Christine Clerc dans Marianne.
Avec ce texte on se trouve en face de ce qu'il y a de meilleur dans le journalisme : mettre de la vie, de la complexité et de l'imprévisible dans une existence qu'on n'aurait connue, sinon, qu'à cause de ses errements et de ses vulgarités. D'un coup la journaliste vous contraint, alors qu'on écoutait à la porte, à entrer dans la pièce et à rencontrer celui dont jusque-là on a seulement entendu parler.
Maryse Joissains, comme tous ceux qui s'intéressent à la politique et à cette magnifique ville d'Aix-en-Provence où se déroulent chaque année, grâce à Paule Constant, les formidables Journées des Ecrivains du Sud, j'en avais eu vent et à l'évidence une approche même superficielle laissait présumer une nature hors du commun. Pour le pire et le meilleur.
Le pire, je l'ai entrevu quand je l'ai rencontrée et que mon impression n'a guère été positive, sans que je puisse faire valoir une analyse très poussée mais seulement la perception d'une vulgarité et d'une familiarité trop ostensibles pour ne pas désarçonner.
Par la suite, j'ai entendu : "les valeurs de Marine Le Pen, je les ai toujours défendues", ce qui pouvait choquer mais au moins révélait une franchise et une lucidité sur elle-même.
En revanche, la manière scandaleuse dont elle a dénié à François Hollande toute légitimité après son élection le 6 mai, en se moquant notamment de son manque de prestance et "de ses petits bras qu'il agitait lors des meetings", a ravalé Maryse Joissains au rang d'une harengère de la politique auprès de laquelle Nadine Morano obtiendrait un prix d'élégance et Nicolas Sarkozy un certificat d'allure.
J'en étais resté là, sur cette esquisse de portrait à la fois pauvre et déprimante.
J'avoue, lisant, que je ne m'attendais pas à une telle saga : parents communistes, pauvreté, tragédies familiales, son mari Alain Joissains, alors qu'il va être réélu maire, condamné, malheurs privés, sa fille atteinte d'un cancer puis guérie, maintenant sénatrice des Bouches-du-Rhône, Maryse Joissains affreusement déçue par sa défaite aux élections législatives alors que Nicolas Sarkozy l'avait emporté dans cette 14ème circonscription, les ragots sur la présence constante auprès d'elle de son chauffeur et factotum Omar Achouri dont elle soutient avec cran "qu'il n'est pas mon amant. Il est plus que cela : un ami fidèle".
Elle est maire, elle n'est plus que maire d'Aix-en-Provence. Elle avait compris, avant certains adversaires qui l'avaient méprisée, que cette ville avait changé et qu'en dépit du Festival et de la culture, ou peut-être à cause d'eux, l'esprit collectif était devenu plus populaire, en tout cas plus hostile à l'élitisme.
Quelles que soient mes préventions d'avant qui demeurent, je ne peux pas tenir pour rien cette existence multiple, contrastée, avec ses hauts et ses bas, ses malheurs et ses remontées, ce destin d'une personnalité qui est bien plus que les aberrations qu'elle profère, bien plus que maire, bien plus qu'ex-députée : une femme à l'égard de laquelle, pour tout ce qu'elle a vécu et subi, il m'est impossible de ne pas éprouver une sorte de respect instinctif.
Celui-ci n'est pas plus détruit par ses insanités politiques que nous ne sommes dégradés par nos imperfections quotidiennes ou nos déviations médiocres. Peut-être faut-il accepter l'idée morose que dans la vie publique il y a des natures dont les talents et l'efficacité doivent payer une considérable rançon pour être acceptés : vulgarité, mépris ou arrivisme forcené. Il n'empêche qu'il serait malhonnête de s'attacher à une histoire et de la juger sans l'appréhender dans le détail, en se glissant dans l'entrelacs des mille événements officiels et cachés qui tissent une destinée. Le blanc et le noir paraissent alors si sommaires !
C'est le miracle des portraits, de ce portrait. Rien n'a changé mais tout est différent. Christine Clerc parvient non pas à nous rendre sympathique Maryse Joissains - ce n'est pas son but - mais à nous mettre en garde : attention, derrière la surface, il y a une vraie personne !
Le journalisme devient un véritable humanisme quand il nous oblige à considérer l'humain dans l'humain occulté par tant de masques, de provocations et de préjugés.
D'une certaine manière, c'est un défi qui est lancé à Maryse Joissains : que sa représentation médiatique lui interdise dorénavant d'être réellement caricaturale.


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