Les conditions de la vérification d’écriture
Actualités du droit - Gilles Devers, 13/06/2012
Les faits : on m’oppose un acte portant ma signature, et l’affaire parait bien vraisemblable, mais je conteste que la signature soit la mienne. Question : le juge est-il tenu d’ordonner une vérification d’écriture ? (Cour de cassation, Première chambre civile, 12 juin 2012, n° 11-18.438)
L’affaire est très simple. Un distributeur de matériel de peinture de carrosserie avait mis en dépôt un stock de peintures et de matériel auprès d’une petite entreprise de carrosserie, une EURL, donc en réalité un artisan. Celui-ci, qui n’était plus intéressé, avait demandé au distributeur de rependre son stock avant la fin du contrat, ce qui a été fait. Mais, visant les termes du contrat, le distributeur avait ensuite assigné l’artisan pour obtenir le paiement d’indemnités.
Réponse de l’artisan : « Le contrat que vous me présentez, je ne l’ai jamais signé. Je reconnais le cachet commercial qui est le mien, mais la signature n’est pas la mienne. Ce contrat est un faux et un montage grossier ». Une défense que l'on entend souvent.
On imagine l’argument en réponse du distributeur : « Ce contrat est fait pour toutes nos affaires, et vous l’avez signé pour obtenir le dépôt du matériel. Vous avez demandé la reprise du stock, et nous appliquons le contrat. Ce que vous dites est grave car vous m’accusez d’usage de faux. Alors soyez logique et portez plainte au pénal ».
La cour d’appel d’Orléans, dans un arrêt du 31 mars 2011, avait donné tort à l’artisan au motif qu'il en restait à des affirmations et ne démontrait pas que le contrat était un faux.
La Cour de cassation casse
La Cour vise deux articles du Code de procédure civile.
D’abord, l’article 287 qui pose le principe.
« Si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte. Si l'écrit contesté n'est relatif qu'à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres ».
Ensuite, l’article 288 qui traite des modalités de la vérification d’écriture.
« Il appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d'écriture.
« Dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l'une des parties, qu'ils aient été émis ou non à l'occasion de l'acte litigieux ».
Pour la Cour de cassation, il résulte de ces textes que lorsque l’écriture ou la signature d’un acte sous seing privé sont déniées ou méconnues, il appartient au juge de vérifier l’acte contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte.
L’erreur d’analyse serait de considérer que le juge peut passer outre la contestation « s’il peut statuer sans en tenir compte », et c’est ce qui s’était passé, comme si l’évidence de la situation s’imposait contre un artisan qui cherchait à se défendre maladroitement…
On verra, dit la Cour de cassation, car pour résoudre l’affaire, on ne peut se passer du contrat. Le dépot est une donnée de fait, non contestée, mais il en va différemment des indemnités définies par le contrat. Et il se trouve que « l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ». Aussi, le juge doit engager la procédure de vérification d’écriture, et l’artisan n’a pas besoin de déposer une plainte pénale. La signature, ça compte.