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Simplisme sur le viol conjugal !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 30/10/2018

Ceux qui détestent le simplisme sur le viol conjugal ne sont pas moins indignés que les autres par l'horreur des viols incontestables de la proximité ou de l'imprévisibilité. Ou par le viol conjugal quand il est indiscutable et qualifiable pénalement.

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Il n'est pas interdit de se pencher avec retard sur une controverse médiatique qui fait réfléchir. Elle concerne le viol conjugal.

Elle m'intéresse d'autant plus que je crois avoir eu à la cour d'assises de Paris la première affaire de viol conjugal et que l'accusé avait été condamné.

Le CSA a reçu récemment plus de 650 saisines relatives à l'émission de Cyril Hanouna "Touche pas à mon poste" (C8). Les chroniqueurs avaient réagi à une question - selon moi, totalement indécente dans ce cadre - posée sur Twitter par Fun Radio : "Charlotte ne supporte pas que son mec lui fasse l'amour la nuit quand elle dort. Vous trouvez cela normal ?" 51% de non, 49% de oui (Le Parisien).

La Secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes a rappelé la loi: "s'il y a pénétration obtenue sous la menace, la contrainte ou la surprise", il s'agit d'un viol.

Géraldine Maillet, chroniqueuse de TPMP, s'en est prise à Marlène Schiappa : "Elle est en train de judiciariser les relations entre les hommes et les femmes...Mettre le mot "viol" aujourd'hui pour ce cas précis de Charlotte, ça n'a aucun sens, voilà. C'est presque très dangereux pour tout le monde...". Delphine Wespiser, ancienne Miss France, l'a approuvée.

Au contraire Gilles Verdez a accusé Fun Radio de faire "l'apologie du viol conjugal", soutenu par Benjamin Castaldi.

Face à l'émoi suscité par cette empoignade, comme malheureusement c'est devenu la règle Géraldine Maillet et Delphine Wespiser se sont excusées sur Twitter, la première regrettant "des propos sans doute trop expéditifs".

D'abord quelle légèreté, quelle désinvolture de croire qu'on va pouvoir traiter une sujet de cette importance pour le comportement humain et conjugal de cette manière, avec la vulgarité assumée d'un questionnement sommaire !

Ensuite comment ne pas relever que les rudes polémiques causées par l'affaire Weinstein et la multiplication des signalements et des plaintes souvent tardifs sur le harcèlement, les agressions sexuelles ou les viols ont créé un climat contraignant à un total manichéisme ? La nuance, la précaution et le doute dans ce domaine sensible deviennent presque une faute grave. Comme un défaut d'éthique, une offense à la cause féministe forcément irréprochable !

Enfin, sorti de l'idéologie du pour ou contre, du militantisme à tout coup accusateur ou d'une indifférence ou moquerie viriles, qui connaît véritablement ce sujet complexe qui n'a pas à être abordé sur Twitter ?

Entre la parfaite courtoisie et la liberté entière du rapport intime entre un homme et une femme et le viol indiscutable, il existe des degrés, des ambiguïtés, de vraies ou de fausses contraintes, d'apparentes acceptations qui n'en sont pas réellement, des surprises attendues, espérées ou totalement traumatisantes. Qualifier de viol de manière péremptoire tout lien qui n'aura pas fait l'objet d'un consensus en bonne et due forme est méconnaître la richesse de l'humain et les infinies variations du désir ou de l'injonction.

Faire-lamour

Pour la justice criminelle, si la menace peut sembler, avec une plaignante de bonne foi - elle ne deviendra victime qu'avec l'arrêt condamnant le violeur - assez facile à établir, la contrainte est déjà plus malaisée à démontrer et sans approuver forcément cet argument de défense, combien de fois ai-je entendu cette affirmation que la plaignante en plusieurs moments aurait eu la possibilité de partir, de s'enfuir !

On imagine ce que la surprise, pour un Barreau intelligent et pugnace, peut alors susciter comme explications ! A-t-elle été authentique ou feinte, constitué à tout instant la démonstration d'une liberté forcée ou asservie ou a-t-elle dérivé vers une forme de consentement ?

Contrairement à ce qu'a prétendu une représentante d'Osez le féminisme, j'ai connu très peu d'acquittements de coupables de viol. Tant généralement la sincérité, la douleur et les larmes de la victime étaient le plus accablant des réquisitoires, qui emportait la conviction des jurés.

Ce qui est vrai de la cour d'assises est encore plus vrai du "viol conjugal" dans le huis clos d'une quotidienneté qu'on a le droit de présumer heureuse ou au moins éloignée de l'enfer. Plutôt que de se lancer des anathèmes en se condamnant à des positions trop expéditives (dont Géraldine Maillet n'avait pas à se repentir : elles n'étaient pas indignes), il aurait mieux valu approfondir tout ce qui dans un rapport conjugal, même la femme dormant, n'impose pas de prendre à la lettre ce qu'elle a pu signifier avant.

Si cette dernière a fixé comme impératif absolu son refus d'être possédée en toutes circonstances quand elle dort, l'homme est clairement au fait et passer outre de sa part relèverait du viol. Mais se trouve-t-on toujours face à des alternatives aussi simplistes ? Le non d'avant peut devenir relatif, voire se muer en oui pendant.

Accepter que même pour les crimes, surtout ceux liés à l'intimité, on ne soit pas assujetti à l'inanité du Tout ou Rien me semble représenter une démarche intelligente et sensible.

Ceux qui détestent le simplisme sur le viol conjugal ne sont pas moins indignés que les autres par l'horreur des viols incontestables de la proximité trompeuse ou de l'imprévisibilité brutale.

Ou par le viol conjugal quand il est indiscutable et qualifiable pénalement.


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