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Ah, si Nicolas Sarkozy avait fait ça !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 20/12/2014

Le plus déplorable dans cette comparaison est qu'elle accule la France à un arbitrage scandaleux : non pas entre le vice et la vertu, la morale publique ou sa violation, mais entre une présidence dévoyée hier et un pouvoir aujourd'hui lâche et hypocrite.

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Comme souvent en fin de semaine, les sujets se multiplient.

Le démantèlement d'Alstom et les 4,1 millions d'euros qui seront octroyés à Patrick Kron pour l'accord avec General Electric (Mediapart) et qu'il a l'intention de conserver m'auraient permis, à nouveau, d'évoquer la remarquable personnalité de mon frère Pierre si injustement décrié et qui, lui, avait restitué les 4 millions d'euros que, pourtant, il avait mérités par son travail.

J'ai été tenté aussi d'ajouter ma pierre à la controverse, pour i-Télé, des pro et des anti-Zemmour mais je ne voudrais pas me spécialiser dans les seules polémiques relatives à ce brillant essayiste et à Robert Ménard.

A cause des fuites sur la vie privée du président de la République, celui-ci est convaincu que "certains de ses faits et gestes sont suivis de près" et ses proches "suspectent l'entourage de Nicolas Sarkozy" (Le Monde).

On aurait pu espérer qu'après le quinquennat de ce dernier, François Hollande, pour l'état de droit et la gestion des indélicatesses, situations équivoques, douteuses dans son environnement immédiat, soit obsédé par autre chose et seulement préoccupé par l'heureuse volonté de faire l'inverse de son prédécesseur.

Malheureusement, force est de considérer qu'il a au contraire choisi la facilité de la similitude et que, par exemple, l'affaire d'Aquilino Morelle aujourd'hui ressemble, sur un autre registre, à l'affaire de François Pérol hier.

Aquilino Morelle a rejoint l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) au début des années 1990.

Conseiller influent et écouté à l'Elysée, avec François Hollande, il avait dû démissionner, le 17 avril dernier, dans des conditions humiliantes pour son orgueil et, paraît-il, la considération qu'il s'attachait sans mesure, à cause de suspicions graves de conflit d'intérêt pour sa proximité avec un laboratoire pharmaceutique alors qu'au nom de l'IGAS il avait accablé le laboratoire Servier sur le Mediator.

Auxquelles s'était ajouté un épisode ridicule concernant ses chaussures.

Une enquête administrative a naturellement été ouverte à l'IGAS qui s'est, semble-t-il, partagée entre pro et anti-sanctions.

La sanction à l'encontre d'Aquilino Morelle aurait dû relever de l'autorité de nomination, donc de l'Elysée et ainsi de François Hollande.

Pourquoi celui-ci refuse-t-il d'accomplir la démarche qui lui est dévolue ? En effet, comme le souligne un haut fonctionnaire, "Pourquoi Hollande ne pourrait-il pas prononcer une sanction? Aurait-il peur de Morelle ?".

Interrogation d'autant plus lourde de sens qu'Aquilino Morelle a le projet de publier, comme une menace, un livre qui va "saigner".

L'étrange n'est pas seulement dans ce refus, de la part du président, d'assumer sa responsabilité mais dans l'élaboration d'un décret exclusivement consacré à l'IGAS et qui va être prochainement soumis pour avis au Conseil d'Etat. Il sera intitulé, sans équivoque, de "délégation de compétences des sanctions disciplinaires réformant le décret statutaire de l'IGAS".

Avec ce futur décret clairement destiné à Aquilino Morelle, le chef de corps de l'IGAS aura le pouvoir de sanction.

Les autres corps d'inspection demeureront sous l'empire du texte ancien.

Outre qu'on imagine, même sans présumer une maligne dépendance, le lien et l'influence possibles entre l'Elysée et la tête de l'Igas, le chef de celle-ci n'aura plus l'embarras douloureux du choix pour sévir : il n'aura à sa disposition que l'avertissement et le blâme (Le Figaro).

On aboutit à ce paradoxe que l'opportunisme et la crainte expliquent : on ne pouvait pas faire autrement que de contraindre Morelle à la démission mais il convient aussi, et dans un mouvement à rebours choquant, d'épargner au président la charge de sanctionner et de favoriser une mansuétude "politique" pour le transgresseur. Tout cela est indécent pour une République.

Il est manifeste, sans surestimer les facultés de nuisance et la portée des secrets d'Aquilino Morelle, que le processus qu'on s'apprête à mettre en oeuvre est seulement voué à complaire à l'intéressé en veillant à préserver le pouvoir de tout ressentiment ou vengeance de sa part. En le ménageant, il nous ménagera !

Mais si Nicolas Sarkozy avait, à la lettre, procédé de la même manière, que n'aurait-on pas entendu et lu ? Les grandes orgues de la dénonciation auraient été en pleine action et l'ancien président aurait ajouté ce triste fleuron à son palmarès déjà chargé.

Mais, pour François Hollande, tout paraît "normal", même ce que son autorité fabrique pour se protéger.

Le plus déplorable dans cette comparaison est qu'elle accule la France à un arbitrage scandaleux : non pas entre le vice et la vertu, la morale publique ou sa violation, mais entre une présidence dévoyée hier et un pouvoir aujourd'hui lâche et hypocrite.


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