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Bertrand Cantat, éternel accusé ?

Justice au singulier - philippe.bilger, 10/08/2013

Bertrand Cantat sera le seul coupable à perpétuité.

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Une avocate parisienne, Me Yaël Mellul, spécialisée dans les violences conjugales, veut faire poursuivre Bertrand Cantat pour avoir causé le suicide de son épouse Krisztina Rady le 3 janvier 2010, deux ans après que lui-même soit sorti de prison après sa condamnation pour son implication criminelle dans la mort de Marie Trintignant.

Il serait injurieux de penser que Me Mellul est motivée par un désir de publicité, une envie de se faire connaître en cette période creuse pour beaucoup de cabinets d'avocats.

Elle admet elle-même que sa seule préoccupation en l'occurrence est celle d'une militante qui ne cache pas qu'elle n'est mandatée par personne. Ni par une association de défense des droits des femmes ni par les parents de Krisztina Rady.

Sa volonté d'alerter le procureur de Bordeaux sur le seul fondement d'un livre : L'amour à mort, est pour le moins sujette à caution, de même d'ailleurs que son interprétation de certains de ses extraits qui décrivent une Krisztina Rady abattue, face à un Bertrand Cantat violent, voire "fou", et désireuse de s'enfuir. Me Mellul en déduit "qu'à l'examen très attentif de ce message, on voit que pour elle la seule issue, c'est le suicide" (20 minutes).

Sans aller plus loin, quelle présomption que de prétendre établir un tel constat alors que d'une part tout suicide est un mystère qui ouvre des perspectives vertigineuses sur l'être qui a résolu de s'effacer et sur ceux qui restent et qui l'entouraient et que d'autre part évoquer un "suicide forcé" par des violences psychologiques est téméraire.

Persiste, dans n'importe quel contexte, même le plus oppressant, l'infinie liberté qui demeure pour celui ou celle qui souffre ou subit un quotidien difficile, voire douloureux. Il est absurde - et indélicat - de faire passer le suicide pour une implacable solution scientifique à un problème de vie et d'humanité infiniment complexe et sans doute nuancé, voire contrasté.

Ces coups et blessures volontaires qui auraient entraîné la mort de Krisztina Rady, Bertrand Cantat se voyant reprocher les premiers sans avoir voulu la seconde, représenteraient une qualification pénale choquante, plus fondée sur une idéologie que sur la nécessaire alliance de la plausibilité du droit et de la vérité de la vie.

Me Mellul semble tenir pour acquis le lien entre les violences psychologiques, si elles sont établies, et l'acte suicidaire de la victime. En raisonnant de la sorte, elle frappe à coups de marteau sur le velours tragique et chaotique du destin d'un couple déchiré. Elle présuppose ce qu'elle serait bien en peine de pouvoir démontrer parce que Krisztina Rady a emporté avec elle les secrets qui ont justifié son existence jusqu'au 2 janvier 2010 puis sa décision fatale du 3.

Au-delà de l'obsession d'une nouvelle mise en cause de Bertrand Cantat, j'ose souligner que la démarche de Me Mellul fait trop vite bon marché, pour plus de couples qu'on ne le dit ou qui l'avouent, non pas des bienfaits de psychologies tourmentées même dans les couples les plus complices et les plus heureux mais de l'engrais positif et créateur des tensions, des contradictions et des affrontements qui ne détruisent pas la félicité ni la passion mais leur permettent au contraire de durer avec intensité.

A force de prétendre raboter tout ce qui de près ou de loin risque de porter atteinte à une harmonie et à une concorde irréalistes plus dangereuses que l'apport maîtrisé des conflits, on va tendre à nous fabriquer un monde qui certes sera idéal mais n'aura plus de tête, d'humeur, de sang, de corps et de mains pour paraphraser Sartre dans sa réplique à Camus.

Je continue à ne pas imputer à Me Mellul la vulgarité d'une promotion personnelle mais il y a dans le métier d'avocat une sorte d'envie permanente de faire justice de tout bois et de pousser à la roue pour que toutes les controverses, tous les aléas de la vie trouvent leur traduction judiciaire.

On ne sait pas si Bertrand Cantat doit être puni pour avoir fait véritablement du mal ou seulement, parce que cette avocate militante, devant n'importe quelle violence conjugale réelle ou prétendue, psychologique ou non, se l'approprie et est prête à se battre jusqu'au dernier Cantat pour manifester hautement ce en quoi elle croit. Au risque de torturer ou d'oublier le droit et l'équité.

Bertrand Cantat sera le seul coupable à perpétuité.


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