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Première analyse d’un accord de rupture conventionnelle collective par la juridiction administrative

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Patrick berjaud, Elena blot, 21/11/2018

Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a été saisi d’un recours contre une décision de validation d’un accord de rupture conventionnelle collective par la DIRECCTE. TA Cergy Pontoise, 16 octobre 2018, n°1807099
Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a été saisi d’un recours contre une décision de validation d’un accord de rupture conventionnelle collective par la DIRECCTE.

C’est la première fois que la juridiction administrative était amenée à statuer sur la légalité de la décision de l’administration.

En l’espèce, les requérants contestaient la décision de validation de l’autorité administrative sur les fondements suivants :

- L’employeur n’aurait pas respecté le délai d’information préalable de la DIRECCTE s’agissant de l’ouverture des négociations ;
- Les instances représentatives du personnel n’avaient pas été préalablement consultées par l’employeur ;
- La volonté de conclure l’accord était motivée par des difficultés économiques ;
- La DIRECCTE n’aurait pas contrôlé l’opportunité de certaines clauses pourtant impératives.

Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise permet d’apporter quelques précisions sur l’application de ce nouveau dispositif, faisant le choix d’une application assez stricte des critères légaux.

• Sur la consultation du CHSCT :
L’article L.1237-19 du code du travail prévoit que l’autorité administrative doit être « informée sans délai de l’ouverture d’une négociation », ce qui suppose que l’information doit être préalable à la première séance de négociation.

Or en l’espèce, la DIRECCTE avait été informée le 1er février alors que les négociations avaient déjà été entamées le 10 janvier précédent.

Sur ce point, le tribunal administratif a considéré que l’observation de ce délai, dont l’objet principal est de permettre à l’administration d’exercer un suivi de la négociation collective, n’était pas prescrite à peine de nullité et qu’il n’était pas démontré que son inobservation avait affecté négativement la procédure de validation.

• Sur la consultation des instances représentatives du personnel :
Les requérants reprochaient à la DIRECCTE d’avoir validé l’accord alors que le CHSCT n’avait pas été consulté par l’employeur sur le projet d’accord collectif.

Pour autant, la loi prévoit uniquement l’information préalable du CE ou du CSE « dont les modalités et les conditions doivent être fixées par l’accord collectif », et non une consultation avec remise d’avis.

Aussi, le tribunal administratif a rejeté cet argument soulevé par les requérants et a précisé que l’absence de consultation du CE ou du CSE sur le fondement de ses compétences générales est d’ailleurs « sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ».

• Sur le recours à la rupture conventionnelle collective motivé par des circonstances économiques :
Les requérants reprochaient également à la DIRECCTE d’avoir validé l’accord malgré les motifs économiques qui étaient à l’origine de sa conclusion.

Le tribunal administratif a rejeté cet argument en apportant d’importantes précisions :

- Il n’appartient pas à la juridiction de contrôler le choix de l’employeur de recourir à une rupture conventionnelle collective plutôt qu’à un PSE ;

- Le motif économique des suppressions d’emploi n’impose pas la mise en place d’un PSE dès lors que la direction s’engage expressément dans l’accord à ne pas procéder à des licenciements pour motif économique pendant une période de 12 mois ;

Il convient de préciser sur ce dernier point que la fixation d’une durée de 12 mois a été jugée « raisonnable » et « de nature à établir l’absence de contournement des règles relatives au licenciement pour motif économique ».

• Sur le contrôle de l’opportunité des clauses impératives contenues dans l’accord :
Les requérants soutenaient enfin que les clauses fixant les conditions que doit remplir le salarié pour bénéficier de l’accord, les modalités de présentation et d’examen des candidatures ou encore les critères de départage des potentiels candidats étaient contraires au principe d’égalité de traitement.

Là encore, le tribunal a rejeté cet argument en estimant que la DIRECCTE devait uniquement réaliser un contrôle de la légalité et non de l’opportunité, et qu’ainsi il ne lui appartenait pas de « contrôler les modalités de mise en œuvre de la rupture conventionnelle collective fixées par l’accord collectif et librement négociées entre l’employeur et les organisations syndicales, mais seulement de s’assurer de la présence des clauses ».



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