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Responsabilités parentales : report ou enterrement ? (564)

Planète Juridique - admin, 24/05/2014

L’annonce surprise le 22 mai de la suspension des débats à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi « Autorité parentale et intérêt de l’enfant » laisse perplexe et, dès lors, amène à s’interroger sur les suites possibles. Difficile de croire à … Continuer la lecture

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avocats006_17_1L’annonce surprise le 22 mai de la suspension des débats à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi « Autorité parentale et intérêt de l’enfant » laisse perplexe et, dès lors, amène à s’interroger sur les suites possibles.

Difficile de croire à l’argument officiel selon lequel on était court dans le temps, même si 300 amendements, notamment émanés de l’opposition, restaient à examiner. Le vote était programmé, sauf erreur, pour le 26. En quelques jours on avait déjà examiné 400 amendements ; nul ne fait mystère que la plupart étaient purement formels et n’appelaient pas à débat. Admettons que l'opposition jouait de tous les atouts parlementaires pour freiner l'examen de la proposition négligeant totalement d'apporter des réponses aux problèmes de la vie quotidienne abordés,  reste que dans le passé on a vu des stratégies d’obstruction bien plus musclées être déjouées aisément.

On serait quand même prêt croire le gouvernement dans l'explication avancée, les autres seraient bien plus préoccupantes.

A-t-on craint de se heurter à nouveau à la rue ?  Si la rupture idéologique n’est pas cautérisée avec certaines extrémistes familiaux depuis l’adoption de la loi improprement qualifiée de « Mariage pour tous »,  on imagine mal une resucée de la « Manif pour tous » sur le statut du beau-père ou la médiation familiale.

Autre hypothèse : des divisions exacerbées et insurmontables entre le ministère de la justice et celui de la famille. Certes elles existent, mais on voit difficilement le nouveau premier ministre ne pas trancher clair, net et rapidement.

Des divisions au sein de la majorité notamment avec ceux qui ne trouvent pas dans ce texte ce qu’ils attendent depuis longtemps sur les procréations médicalement assistées ? Ceux-là, somme toute, se sont faits discrets dans la dernière période, géopolitique oblige, devant la fermeté présidentielle et l’annonce à terme d’un texte sur la filiation venant du Sénat qui pourra leur offrir une vraie fenêtre de tir.

On peut imaginer tout simplement que la grogne d’une partie de la majorité manifestée lors des débats d’orientation de ce nouveau gouvernement ne trouve ici une traduction avec le refus de vote d’une partie des parlementaires sur ce texte technique certes, mais aussi de société, pour bien trahir leur refus des dernières orientations libérales prises par le président de la République.

Bref, on se perd en conjectures. Le Canard enchainé apportera sans doute prochainement l’explication !

avocat_jeuneReste à faire avec.

Bonne ou mauvaise chose que ce report ? On peut être partagé.

Indéniablement, le texte initial était mauvais dans son écriture technique, limité dans son ambition et surtout suscitait de nombreuses réticences par l’état d’esprit développé où l’enjeu était plus de se repartir de pouvoirs entre adultes que prendre en compte les droits des enfants. D’ailleurs on n’osait même pas assumer le concept.

Ces critiques prenaient essentiellement leur origine dans les conditions même de conception de cette PPL où, dès le jour du retrait par François Hollande du projet de projet de loi dite famille pas encore écrit, les parlementaires de gauche avaient décidé à travers l’annonce de deux PPL de ne pas laisser le dernier mot à la rue. Une proposition de loi  serait consacré à l’autorité parentale, une autre à la filiation.

Et d’écrire en catastrophe une loi sur un sujet délicat, sans disposer des travaux préparatoires menés dans le cadre du  travail animé par Dominique Bertinotti, ministre de la famille sortante, que le gouvernement leur a refusé, et se référant, sans en faire mystère, aux groupes de pression comme celui des pères en colère juchés sur les grues ou des beaux-pères complexés de ne pas disposer d’un « papier » les légitimant dans leurs compétences.

Préparé à la va-vite, sans réflexion en profondeur, on débouchait en avril sur un projet insatisfaisant qui, par certains cotés, rallumait des conflits que le gouvernement souhaitait initialement apaiser.

Exemple typique avec ce que certains appellent « le statut du beau-père » négligeant totalement qu’au quotidien les enfants sont souvent avec des adultes qui par-delà le conjoint d’un parent juridique doivent exercer à leur égard des responsabilités. On pense aux grands-parents, aux travailleurs sociaux et tout simplement aux enseignants.

Au lieu de poser dans la loi un principe simple, valable pour tous, du style « Toute personne légitimement en charge d’un enfant est en droit et en devoir d’exercer les responsabilités liés aux actes de la vie quotidienne », on invente un dispositif complexe où il faut rédiger une convention entre les deux personnes qui élèvent l’enfant au quotidien, texte devant recueillir l’accord du parent qui vit ailleurs, le tout plus ou moins homologué devant notaire ou en justice et, bien sûr, révocable à tout moment. Bonjour le contentieux ! Et surtout de quoi décourager les banlieues. Cette convention devra être revue chaque fois que le parent juridique « refera » sa vie. Une usine à gaz qui aura du mal à se mettre en place.

Surtout ce dispositif a l’inconvénient de ne pas répondre au problème de tous ces enfants qui ne feront pas l’objet d’une convention ! On rappelera qu’un million et demi d’enfants sont concernés. On privatise à l’extrême la vie privée – c’était au passage le projet Morano – et on en oublie que la loi a pour objectif de répondre au  problème de tous.  Il fallait un texte général qui affirme que l’enfant est sous la responsabilité de l’adulte avec lequel il se trouve et il doit respecter cette autorité. Il faut en finir avec le « Qui t’es toi ? T’es pas mon père ! Va te faire voir».

La résidence alternée a elle aussi supporté beaucoup de critiques. Sa systématisation peut poser problème quand il faut au contraire faire du sur-mesure. En revanche accordons que c’est une avancée que de dire que l’enfant aura une double résidence du coup se sentira chez lui chez ses deux parents. Le Parlement en adoptant cette disposition aura contribué à faire bouger les lignes et à sortir de la logique d’adultes à laquelle il a succombé trop facilement.

Il n’est pas neutre que l’on parle de l’intérêt de l’enfant, notion tarte à la crème où chacun projette ce qu’il veut, légitimant tous les mauvais coups, y compris législatifs, portés aux droits de enfants (1). Un droit est ou n’est pas. Un juge ou quiconque n’a pas à évaluer l’intérêt de celui qui entend exercer son droit.

Et pour le coup les auteurs de la PPL ont eu peur en parlant des droits de l’enfant d’assumer qu’ils tiennent l’enfant pour une personne. Plus prosaïquement ils ont voulu – on frise le ridicule – se distancier du slogan de la rue versaillaise.

Tout aussi grave en refusant de substituer responsabilité et autorité la gauche parlementaire est en permanence taxée de laxisme marque qu’elle n’entend pas désapproprier les parents de leur pouvoir sur les enfants. Jugulaire ! Jugulaire !

La manière dont le débat sur les châtiments corporels, qualifié de débat sur la fessée, a été escamoté, d’un revers de main, c’est le cas de le dire, est caractéristique. Moyennant quoi la France patrie autoproclamée des droits de l’homme et fer de lance tout aussi auto proclamé de l’Europe renvoie au placard la campagne du Conseil de l’Europe et l’engagement d’ores et déjà acquis de 27 des Etats-membres sur l’abolition des châtiments corporels et en arrière fond pour une autre idée de l’éducation.

On en oubliait que l’autorité est au service de la responsabilité. Fort heureusement à la demande du gouvernement et de Laurence Rossignol, nouvelle ministre de la famille, on a introduit le mot responsabilité dans le titre de la loi. Victoire symbolique, mais pas négligeable. On regrettera d’en être réduit là quand on aspirait à bien plus.

Pour l’honnêteté – et la crédibilité - du propos ne négligeons quand même pas une victoire symbolique des débats de la semaine écoulée à laquelle nous ne croyions plus dans une bataille de plusieurs décennies : la révision de l’article 371 du code civil en substituant « Parents et enfants se doivent réciproquement respect, considération et solidarité » quand depuis Napoléon on en était à « A tout âge l’enfant doit honneur et respect à ses parents ».

Outre que le mot honneur est aujourd’hui désuet sauf dans les milieux mafieux, il fallait introduire la réciprocité qui ne nie pas les responsabilités des uns vers les autres, puis en fin de vie des autres vers les uns.

L’erreur de l’Assemblée est d’en rester à « Parents et enfants » quand avec l’allongement de la durée de la vie il eut fallu écrire « Ascendants et des enfants » pour introduire toutes les générations dans la boucle familiale.

En d’autres termes, ce texte limité – on est loin de ce que nous avancions dans le rapport sur les «  Nouveaux droits des enfants « remis à Mme Bertinotti  (2)- et ce mauvais texte de loi a le mérite d’exister. il contient déjà de petites avancées comme la suppresssion de l'idée de droit de visite et d'hébergement, mais significatives Il doit aller jusqu’au bout du chemin parlementaire pour s’améliorer encore et encore.

016D’autres débats délicats sont en perspective notamment sur l’audition de l’enfant en justice été son droit de saisir le juge que certains régissent encore. Et puis il faut voir comment on promeut la médiation familiale sans rendre tous les couples malades du fait de leur explosion. Quelle place faire à l’enfant dans cette médiation : la médiation familiale n’implique-t-elle pas la présence de l’enfant sinon on doit parler de médiation parentale ?

 

 

 Espérons que ce brusque et imprévisible retour en atelier de la loi permettra que ce texte ait plus de corps avant d’aller au Sénat. En tout état de cause les problèmes qu’elle aborde appellent des réponses et à une pédagogie pour contribuer à apaiser les tensions au sein des familles en identifiant nettement les responsabilités complémentaires de chacun et … le droits de l’enfant à faire valoir ses droits quand les adultes se divisent.

On accepterait un report pour amélioration. Un retrait pur et simple signifierait que la gauche n’a pas de convictions, ni de colonne vertébrale politique sur ces sujets. Impensable. 

Ce texte reviendra vite, n’en doutons pas !

(1) M° Pierre Verdier in JDJ

(2) « De nouveaux droits pour les enfants ?  Oui dans l’intérêt même des adultes et de la société », janvier 2014 consultable sur www.rosenczveig.com

 


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