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La particularité des relations individuelles dans le contexte sportif de haut niveau balaye la faute grave

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Stéphane Bloch, Gratiane Kressmann, 21/10/2014

Quelques mois après l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles (Versailles, 23 janvier 2014 n°13/00608 - « La nécessaire distinction entre harcèlement moral et stress dans les relations de travail en matière sportive » par S. BLOCH et G. KRESSMANN), la Cour d’appel de Limoges confirme à son tour la particularité des relations individuelles dans le contexte sportif de haut niveau. Elle rappelle que le comportement d’un entraîneur (« coach ») est justifié par la nécessité de mener une équipe vers la victoire et ne peut être confondu avec du harcèlement moral (Limoges, 17 mars 2014, n°13/00183).
En l’espèce, un entraineur d’une équipe professionnelle de basketball a été licencié pour faute grave par le club qui l’employait en raison de faits de harcèlement moral.

La lettre de licenciement faisait état d’une « attitude arbitraire, humiliante et répétée » de l’entraîneur à l’égard d’une joueuse de l’équipe.

Pour motiver la faute grave et fonder le licenciement, le club s’appuie notamment sur le fait que l’entraîneur a écarté la joueuse de deux séances d’entraînements « caractérisant une atteinte manifeste à la dignité » de la joueuse, par son isolement et par sa mise à l’écart de l’équipe, « la privant arbitrairement de l’exercice de son activité professionnelle ».

Le Conseil de prud’hommes de Limoges, dans un jugement en date du 24 février 2012,a toutefois conclu que le licenciement de l’entraîneur ne reposait pas sur « une faute grave » et revêtait par conséquent « un caractère abusif ».

Le Club a interjeté appel du jugement.

Dans son arrêt, la Cour rappelle, à titre liminaire, la nécessaire influence du contexte sportif sur l’appréciation des faits en matière prud’homale :

« L’appréciation de la réalité et de la gravité de la faute invoquée doit être faite au regard du contexte sportif de haut niveau dans lequel les faits se sont produits.»

De plus, la Cour ajoute que l’entraîneur « était lui-même tenu d’atteindre certains objectifs sportifs ».

En prenant en compte ce contexte sportif de haut niveau et le professionnalisme dont fait état l’entraîneur, la Cour a jugé que les faits litigieux ne se résument qu’à « deux incidents » qui ne peuvent être considérés comme fautifs puisque ne portant pas atteinte à la santé ou la dignité de la joueuse (ie. élément essentiel pour constituer un harcèlement moral au terme des dispositions de l’article L1152-1 du code du travail).

La jurisprudence semble constante sur ce point et retient que ces agissements « sont l’expression de la nécessaire pression mise en œuvre par l’entraîneur » pour aider les joueurs à se surpasser, à développer leurs compétences et à les rendre plus performants.

Cette décision illustre une nouvelle fois la façon pragmatique dont le juge des relations du travail prend en considération la « pression » et l’émulation qui existent nécessairement dans le sport de haut niveau.


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