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Nicolas Bonnemaison, l’homme fragile

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 13/10/2015

Le moment viendra où le débat sur la fin de vie s'imposera à la cour d'assises du Maine-et-Loire devant laquelle comparaît l'ex-médecin urgentiste de Bayonne, Nicolas Bonnemaison, 54 ans, accusé d'avoir « volontairement attenté à la vie » de sept … Continuer la lecture

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Nicolas Bonnemaison, lundi 12 octobre.

Nicolas Bonnemaison devant la cour d'assises du Maine-et-Loire, lundi 12 octobre.

Le moment viendra où le débat sur la fin de vie s'imposera à la cour d'assises du Maine-et-Loire devant laquelle comparaît l'ex-médecin urgentiste de Bayonne, Nicolas Bonnemaison, 54 ans, accusé d'avoir « volontairement attenté à la vie » de sept de ses patients « par l’emploi ou l’administration de substances de nature à entraîner la mort ». Mais au premier jour de son procès en appel, lundi 12 octobre, c'est un homme, rien qu'un homme, pourrait-on dire, qui s'est présenté devant ses nouveaux juges.

Les cinq heures d'interrogatoire de personnalité menées par la présidente Anne Leprieur laissent une impression étrange. Un mélange de concentration et d'absence, de fermeté et de désinvolture et par-dessus tout, une volonté de lisser un parcours biographique pourtant très accidenté. Fils d'un chirurgien et d'une infirmière, élevé au sein d'une fratrie de quatre enfants dans la petite ville basque d'Hasparren, Nicolas Bonnemaison semble avoir eu une destinée toute tracée. Sa « vocation » de médecin naît très tôt, dans la clinique de son père où travaille aussi sa mère. « Ma deuxième maison », dit-il.

Une scolarité un peu laborieuse ne le détourne pas de son objectif et c'est tout naturellement qu'une fois son baccalauréat en poche, il entre à la faculté de médecine de Bordeaux. Il triple sa première année – une hépatite B l'a épuisé – et ressent vite une « certaine lassitude » face aux exigences de ses études. La présidente l'interrompt une première fois. Dans le dossier d'instruction, cette « lassitude » se traduit autrement. L'étudiant a 23 ans lorsqu'il est hospitalisé dans un service psychiatrique pendant quinze jours. « Un mauvais moment », dit-il en admettant tout de même qu'il a été suivi de quatre années de prise de traitement antidépresseur.

Le drame survient lorsque Nicolas Bonnemaison est âgé de 26 ans. Son père, qui a quitté quelques années plus tôt sa mère pour refaire sa vie avec une femme plus jeune dont il a eu un enfant, va très mal. Son couple s'est défait, sa clinique qui rencontre de graves difficultés financières est menacée de fermeture. Un jour de janvier 1987, le chirurgien demande à des amis la clef de l'appartement de son ex-compagne sous un prétexte anodin et se sectionne l'artère fémorale. « Un suicide de chirurgien », dit sobrement Nicolas Bonnemaison. Le jeune homme traverse une nouvelle période sombre, qui entraîne une interruption provisoire de ses études.

« J'ai ressenti le besoin de faire un break », dit-il, toujours avec la même économie de mots. « Vous aviez parlé de dépression pendant l'instruction », corrige la présidente.

- Oui, peut-être. J'ai en effet vu un psychiatre à ce moment-là.

Devenu interne, il effectue son stage à l'hôpital de Bayonne où naît son envie de se spécialiser dans les soins palliatifs et la fin de vie, auxquels il consacre sa thèse. Entre-temps, il a rencontré sa femme Julie, médecin anesthésiste. Une première fille naît en 2001, une seconde en 2003. La réussite professionnelle semble elle aussi au rendez-vous, Nicolas Bonnemaison passe avec succès le concours de praticien hospitalier et poursuit sa carrière à l'hôpital de Bayonne.

– Ça a été de très belles années, très heureuses.

Nouvelle interruption de la présidente.

– Il semble que pendant ces années que vous dîtes très heureuses, vous avez repris un traitement antidépresseur...

Nicolas Bonnemaison hésite.

– C'est pas faux. C'est tout à fait possible.

La carrière de Nicolas Bonnemaison se poursuit, le médecin apprécié de ses pairs devient chef du service des urgences, puis responsable d'un pôle qui comprend, outre les urgences, le SAMU et le service de réanimation en 2007. Le poste est lourd, trop lourd pour Nicolas Bonnemaison qui vit au même moment une aventure amoureuse avec une cadre hospitalière. Elle le quitte, il plonge. Nouveau traitement antidépresseur. A deux reprises, en 2008, il est hospitalisé en psychiatrie. En arrêt de travail pour une durée de six mois, il démissionne de toutes ses responsabilités.

C'est cet homme fragile qui revient à l'hôpital de Bayonne en novembre 2009 et auquel on confie la direction de l'Unité hospitalière de courte durée (UHCD). Il assure qu'à cette époque, tout va très bien. Entre mars 2010 et juin 2011, il procédera à des injections d'Hypnovel et de Norcuron sur sept de ses patients en fin de vie, sans en référer à l'équipe soignante et à leurs familles.


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