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Deux pierres supplémentaires à l’édifice jurisprudentiel de la notion d’offre anormalement basse : Commentaire de l’arrêt du Conseil d’Etat du 29 octobre 2013, département du Gard

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Benjamin Touzanne, 5/12/2013

Par un arrêt du 29 octobre 2013, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la question de savoir si une offre présentée par un candidat évincé à une procédure de passation, conduite en vue de l’attribution d’un marché public était, ou non, anormalement basse au sens de l’article 55 du code des marchés publics (CE, Département du Gard, req. n° 371233).
(CE, Département du Gard, req. n° 371233).

La question de la qualification d’une offre d’anormalement basse est souvent posée au juge administratif. Que ce soit de la part du candidat dont l’offre a été rejetée pour ce motif, par le candidat évincé qui tente de faire annuler la procédure en s’attaquant à l’offre présentée par l’attributaire ou, enfin, par le pouvoir adjudicateur lui-même (ou par la société attributaire, intervenante à l’instance de référé précontractuel), qui tente de démontrer que ce dernier requérant a lui-même présenté une offre anormalement basse, qui aurait dû être rejetée sur ce motif, afin de lui faire perdre tout intérêt lésé pour l’ensemble des manquements invoqués devant le juge (TA Rennes, 21 mars 2013, Société de gestion de terminaux informatiques, req. n° 1300704) voir également notre article « L’accès au juge des référé précontractuel est restreint pour le requérant dont l’offre est non conforme ou dont la candidature est irrecevable »).

Selon l’article 55 du code des marchés publics:, lorsqu’au cours d’une procédure de passation, le pouvoir adjudicateur se retrouve confronté à une offre qui lui paraît anormalement basse, il est dans l’obligation d’engager le candidat dans une sorte de procédure contradictoire en deux temps pouvant conduire au rejet de l’offre (en pratique, ce qui est présenté comme une possibilité par l’article 55 du code des marchés publics est une obligation qui pèse sur le pouvoir adjudicateur : celui-ci doit rejeter l’offre anormalement basse – pour exemple, CE, 1er mars 2012, Département de la Corse du Sud, req. n° 354159).

Dans un premier temps, le pouvoir adjudicateur doit demander, par écrit, les précisions utiles et vérifier les justifications fournies. L’article 55 fournit une série d’ « aspects » sur lesquels peuvent porter les justifications apportées par le candidat. Dans un second temps, le pouvoir adjudicateur peut, soit décider de juger l’offre présentée, considérant que les justifications du candidat sont recevables, soit rejeter son offre par une décision motivée. Le juge opère un contrôle restreint, limité à l’erreur manifeste d’appréciation, sur la décision de rejet du pouvoir adjudicateur opposée sur ce motif.

L’apport de l’arrêt commenté porte sur ces deux étapes.

En premier lieu, le Conseil d’Etat a souhaité préserver la libre appréciation des pouvoirs adjudicateurs pour définir quelles précisions et justifications ceux-ci devaient solliciter des candidats. Il juge en effet que ceux-ci ne sont pas tenus de poser aux candidats soupçonnés d’avoir présentés une telle offre, de « questions spécifiques », contrairement à ce que soutenait le requérant dans l’affaire commentée.

En second lieu, l’arrêt précise que si les pouvoirs adjudicateurs sont tenus de motiver leur décision de rejet, l’absence de motivation ne constitue pas un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence dans le cas où les motifs de la décision sont parvenus, au cours d’une instruction de référé précontractuel, suffisamment de temps avant que le juge ne statue, afin de permettre au candidat évincé de contester utilement cette décision.

Sur ce point, le juge administratif adopte, logiquement, la solution qui gouverne la communication des motifs du rejet des offres jugées qui doivent être transmis aux candidats évincés en application des articles 80 et 83 du code des marchés publics (CE, 6 mars 2009, Syndicat mixte de la région Auray-Belz-Quiberon, req. n° 321218).

En l’espèce, le Conseil d’Etat après avoir annulé l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, a rejeté la demande présentée par le requérant, jugeant que le département n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation et se fondant sur le fait que l’offre présentée par le candidat évincé était largement inférieure à l’estimation du pouvoir adjudicateur et à la moyenne des offres des autres candidats ainsi qu’au barème indicatif pour des missions de ce type établi pas la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques. Il n’a, dès lors, pas été convaincu par les justifications apportées par le requérant qui se prévalait de sa longue expérience et du contexte économique difficile.




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