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Rixe mortelle sur l’A13: un verdict sous haute surveillance

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 21/04/2013

L'impressionnant dispositif de sécurité déployé tant à l'extérieur du palais de justice de Versailles qu'à l'intérieur de la salle d'audience, où une cinquantaine de policiers avaient pris place, témoignait du caractère hautement sensible du verdict rendu vendredi 19 avril par … Continuer la lecture

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L'impressionnant dispositif de sécurité déployé tant à l'extérieur du palais de justice de Versailles qu'à l'intérieur de la salle d'audience, où une cinquantaine de policiers avaient pris place, témoignait du caractère hautement sensible du verdict rendu vendredi 19 avril par la cour d'assises des Yvelines. Au terme de plus de neuf heures de délibéré, elle a prononcé des peines de 5 à 20 ans d'emprisonnement contre les huit principaux accusés de la rixe mortelle survenue le 27 juin 2010 en bordure de l'autoroute A13. La décision a été accueillie dans un profond silence des deux côtés de la barre et du public.

Pour la partie civile, plus que le nombre d'années de prison, c'est le mot qui importait. En déclarant quatre accusés coupables d'"homicide volontaire", la cour et les jurés ont dit à la famille de Mohamed Laidouni que le mari, le fils, le frère qu'ils ont vu mourir sous leurs yeux dans un déchaînement de violence a bien été victime d'un meurtre et non pas seulement d'une bagarre qui a dégénéré comme le soutenait la défense. "Vous devez juger ces hommes pour ce qu'ils ont fait et pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire qu'ils doivent être considérés comme des meurtriers. Vous devez dire que la mort de Mohamed Laidouni n'est pas un accident, ni une mort involontaire" avait plaidé l'avocat de la famille, Me Francis Szpiner.

Mais ce verdict a également été accueilli avec un relatif soulagement sur les bancs de la défense, après les lourdes réquisitions - de quatorze à trente ans de réclusion criminelle - prononcées par l'avocate générale. Car pour les avocats de la défense, ces deux semaines de débats ont été une épreuve.

Il y avait d'abord l'émotion suscitée dans l'opinion publique par ce fait divers d'une violence inouïe, le tabassage à mort d'un homme en quarante secondes pour une simple histoire de pare-choc froissé. "Pourquoi cette affaire a t-elle eu un tel retentissement? La réponse, c'est que chacun se dit qu'il peut être victime. Nous prenons tous l'autoroute, nous partons en vacances, nous roulons tranquillement, nous sommes détendus et soudain, le drame. Voilà pourquoi cette histoire nous touche. Elle renvoie une image de violence insupportable", avait souligné Me Szpiner en plantant son regard dans ceux des jurés.

Il y avait surtout le récit, accablant pour les accusés, du déroulé des événements et du comportement des uns et des autres après l'accrochage sur l'autoroute. D'un côté, une famille qui propose un constat amiable et appelle la police quand le ton commence à monter. De l'autre, une voiture roulant sans assurance, un coup de fil passé aux copains de la cité voisine des Mureaux - "Vous voulez faire les Français, vous êtes morts, ici on est chez nous" - ces phrases terribles lancées par la bande venue à la rescousse et qui, dans une salle d'audience, font très mal - "On va vous tuer, vous enterrer devant votre mère" - les coups qui pleuvent aussitôt sans une explication, les images des caméras de surveillance montrant deux hommes prendre du recul sur l'autoroute pour frapper plus fort un corps déjà à terre, les voitures des agresseurs qui démarrent en trombe et s'enfuient après le drame, les mensonges, les tentatives de concertation et les menaces proférées contre un témoin, puis le rejet de toute responsabilité pendant l'enquête. "Au début, avait raconté le juge d'instruction cité à la barre des témoins, on avait l'impression, à écouter les accusés, que c'étaient eux les victimes parce qu'ils avaient reçu des coups".

"Mohamed Laidouni est une victime choisie, désignée parce qu'il a enfreint les règles. Appeler la police, c'est trop insupportable, avait observé l'avocate générale. La police n'a pas à s'occuper de leur territoire. Lorsqu'ils ont un conflit, c'est la cité qui doit le régler et personne d'autre".

Il y avait enfin, à l'audience, ce face à face entre une famille endeuillée et un pack de jeunes hommes tenus par des liens d'amitié et de solidarité, au casier judiciaire parfois un peu chargé, qui livraient du bout des lèvres des éléments de leur personnalité et obéissaient avec réticence aux exhortations de leurs conseils à reconnaître leur culpabilité. Et quand l'un d'entre eux, par colère après une allusion qui lui avait déplu, s'aventurait à lancer: "Si les autres continuent à m'enfoncer ou à nier, je sors tout", il se voyait aussitôt rappelé à l'ordre par l'un de ses voisins de box - "Tu n'es qu'une balance!" - qui ramenait chacun au silence.

Neuf des dix accusés étaient renvoyés devant la cour d'assises pour meurtre et encouraient donc trente ans de réclusion criminelle. Un "crime de groupe" qui masquait une difficulté à déterminer avec précision le rôle et donc la responsabilité judiciaire de chacun mais qui risquait de peser lourdement dans le délibéré. A cette tentation, la cour et les jurés ont résisté, opérant un tri entre le "noyau dur" des quatre hommes reconnus coupables de meurtre et de trois autres contre lesquels sont retenus des "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner" sur Mohamed Laidouni. Enfin, deux accusés ne sont condamnés que pour avoir échangé des coups avec les autres membres de la famille Laidouni. La seule jeune femme du groupe, qui conduisait le véhicule lors de l'accrochage sur l'autoroute A13 n'a pas échappé à la sévérité de la cour. Reconnue coupable de violences et de non assistance à personne en danger, elle a été condamnée à quatre ans de prison dont un an avec sursis et arrêtée à l'audience. Plusieurs accusés ont annoncé leur intention de faire appel.


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