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Le bonheur s'invente

Justice au singulier - philippe.bilger, 25/01/2013

Le bonheur s'invente et nous invente en même temps. Nos cerveaux sont faits pour autre chose.

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Qu'est-ce qui nous rend heureux ?, s'interroge gravement Le Figaro Magazine qui fait appel à des "philosophes du bonheur pour savoir ce qui se passe dans notre cerveau".

Une telle approche est à vous dégoûter du bonheur. A force de nous démontrer d'où il vient, on nous le fait perdre.

Qu'on nous laisse le cueillir dans le hasard et par la surprise. Qu'il vienne comme une délicieuse grâce ou avec une douceur discrète, peu importe, mais qu'on nous épargne les fatalités organiques qui le feraient disparaître ou revenir.

Les inventeurs du bonheur, c'est nous.

D'abord parce que nous sommes les seuls à pouvoir, à devoir résister au charme sombre de la mélancolie, à la volupté des crépuscules et à cette lucidité amère qui nous fait croire que tout est fichu quand en réalité tout commence.

Ensuite, parce qu'il n'est pas une minute de notre existence où, de manière subreptice ou éclatante, nous ne soyons conduits à découvrir et à goûter les mille facettes contrastées, contradictoires mais intenses de la béatitude. Celle éprouvée par notre voisin ne sera pas la nôtre. La fraternité réside dans sa recherche obstinée alors que, la conquête opérée, on s'aperçoit que nos appétences n'ont rien de commun entre elles.

Les corps, l'amour et l'éternité tout à coup sensible.

La certitude d'être vraiment quelques secondes, quelques minutes.

La fulgurance qui vous prend au coeur et vous démontre que cela vaut la peine d'être là, sur cette terre, aux côtés de certaines personnes qui vous tiennent chaud et qu'on a choisies. Les familles deviennent réellement une richesse quand, imposées par le sentiment, elles règnent par le besoin qu'on a d'elles.

La parenthèse magique qui évite qu'on s'angoisse sur son destin, sa condition, mais qu'on prend avec plénitude tout ce que le monde offre, le visage familier des choses, la respiration tranquille de la nature, l'évidence de sa présence au milieu des autres.

La joie de deviner une multitude de petits riens comme de merveilleux bijoux qui viennent orner notre quotidienneté.

L'espérance du bonheur, de le percevoir proche, imminent et irrésistible, est sans doute le bonheur le plus profond, le plus subtil. Une promesse inégalable.

Tous ces bonheurs que chacun laisse venir en lui et de lui et qui rendent inutiles les leçons et les décrets du volontarisme. On peut vouloir être heureux mais quand le bonheur survient, ce n'est jamais parce qu'on l'a sifflé mais grâce à sa disponibilité aimable qui tout à coup lui a donné envie de venir faire un tour dans cette humanité plutôt que dans telle autre.

Le bonheur s'invente et nous invente en même temps.

Nos cerveaux sont faits pour autre chose.


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