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Arche de Zoé : les prévenus contestent avec vigueur des « contre-vérités »

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 23/11/2013

Est-ce le caractère presque intime de la petite salle d'audience nichée dans un recoin du palais de justice de Paris ? L'extinction des caméras et des micros ? La bonhommie du président de la cour, Jean-Marc Heller, et la rudesse … Continuer la lecture

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Est-ce le caractère presque intime de la petite salle d'audience nichée dans un recoin du palais de justice de Paris ? L'extinction des caméras et des micros ? La bonhommie du président de la cour, Jean-Marc Heller, et la rudesse bienveillante de l'avocat général, Etienne Madranges ? Toujours est-il que quelque chose a changé dans l'attitude d'Eric Breteau et Emilie Lelouch, qui comparaissent depuis mercredi 19 novembre devant la cour d'appel sur leur responsabilité dans le fiasco humanitaire de l'Arche de Zoé, ce projet de rapatriement en France d'une centaine d'enfants du Darfour, brutalement interrompu par leur arrestation le 25 octobre 2007 à l'aéroport d'Abéché (Tchad).

Aux premières heures du procès, tous deux étaient apparus, visage buté, répondant par des phrases courtes, hostiles, aux questions de la cour sur la raison de leur défection devant le tribunal en décembre 2012 (ils n'étaient venus que le jour du délibéré pour entendre leur condamnation à deux ans de prison ferme). S'ils ont refusé de participer au premier procès, ont-ils indiqué, c'est parce qu'ils avaient "aussi peu confiance dans la justice française que dans la justice tchadienne" qui a prononcé contre eux une peine de 8 ans de travaux forcés. Mais cette attitude verrouillée a peu à peu cédé à la volonté de s'expliquer et de défendre ce projet d'exfiltration des enfants du Darfour,  dont ils continuent de penser qu'il était légitime.

A l'avocat général qui lui demande quel est, selon lui, son degré de responsabilité dans cette affaire, Eric Breteau répond : "Il est de 100 %. C'est moi qui ai imaginé cette opération et c'est moi qui l'ai conduite à l'échec. Des reproches, je m'en fais tous les jours mais je conteste les délits [escroquerie au préjudice des familles adoptantes, exercice illicite de l’activité d’intermédiaire pour l’adoption et aide à l’entrée ou au séjour irrégulier de mineurs] pour lesquels je suis poursuivi."

Méthodiquement, le président reprend une à une les étapes de cette aventure et souligne les ambiguïtés dont elle a été parsemée. L'appel lancé aux familles susceptibles d'accueillir des enfants sur des forums consacrés à l'adoption, les assurances données sur la légalité de l'opération au nom de la Convention de Genève sur les réfugiés, la mention rassurante d'un "collectif d'avocats" qui se révélera creux, la dissimulation du véritable objectif  de l'opération à l'égard des autorités tchadiennes, et le peu d'attention accordée aux mises en garde qu'ils avaient reçues. "Vous ne trouvez pas, avec le recul, que tout cela fait un peu bricolage ?", lui demande le président. "Nous étions dans un contexte d'urgence. Quand on passe des mois sur le terrain, les procédures administratives paraissent un peu dérisoires", répond Eric Breteau, qui ajoute: "On peut me reprocher mon optimisme, mon allant et mon entrain. Mais ça ne remet pas en cause ma bonne foi."

Emilie Lelouch lui succède à la barre, tout aussi décidée à combattre les "contre-vérités" répandues selon elle sur cette affaire. "J'ai changé, dit-elle. Je suis prête à affronter le regard des gens, celui des juges. L'année dernière, j'étais trop en colère." Du dossier d'instruction, elle connaît chaque page, pointant là ses faiblesses ou ses erreurs, n'hésitant pas à reprendre le président sur une approximation, martelant sa certitude que la majorité des enfants prêts à être embarquer vers la France étaient bien des orphelins du Darfour et non pas de nationalité tchadienne, comme l'indique un rapport  de l'Unicef réalisé après leur arrestation. "J'ai fait un travail d'identification et je les ai beaucoup observés. Les enfants ne trichent pas", assène-t-elle.

Elle défend avec la même vigueur que son compagnon les arrangements auxquels ils se sont livrés pour maquiller le projet d’exfiltration. "On n’est pas intervenu dans un pays pauvre. On n’est pas intervenu en Afrique, mais dans une zone de guerre. Tout ce que l’on a fait s’explique par ça. Moi, j’ai perdu, les enfants sont là-bas."


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