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Nicolas Sarkozy et Pascale Clark : le FN leur doit beaucoup !

Justice au singulier - philippe.bilger, 23/04/2012

C'est ce journalisme-là, ce piètre professionnalisme, cet esprit toujours partisan à l'égard de la même qui, avec la stratégie dangereusement suicidaire (pour une démocratie responsable et pour lui-même) menée en 2012 par Nicolas Sarkozy, ont accru l'influence et le poids du FN dans notre espace républicain. Certes, on expose doctement que le populisme monte partout (Libération) mais il ne faudrait pas oublier que derrière les analyses il y a des coupables: ceux qui exploitent les peurs du peuple et ceux qui avec désinvolture, dérision ou mauvaise foi les nient.

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Marine Le Pen et le FN ont atteint au premier tour un niveau impressionnant. Ils ont laissé le Front de gauche à bonne distance. Puis-je dire que leur succès n'est pas surprenant ?

En effet, une lucidité exceptionnelle n'était pas nécessaire pour comprendre que la répétition mécanique de la campagne de 2007 en 2012 provoquerait sinon un séisme du moins un bouleversement qui ne semble pas d'ailleurs avoir permis une prise de conscience du Pouvoir. Qu'en 2007 la démarche de Nicolas Sarkozy, qui ne draguait pas le FN mais visait à l'étouffer, ait brillamment porté ses fruits constitue une donnée d'évidence mais comment un tacticien aussi avisé que lui, inspiré par Patrick Buisson persuadé qu'on n'a pas à changer une ligne qui a gagné, n'a-t-il pas perçu que cette volonté de redite allait aboutir à l'inverse ? Non pas au délitement de l'extrême droite mais au contraire à son renforcement. Puiser une première fois dans son vivier l'a asséché, une seconde l'a rempli. En 2012, l'obsession, et d'une manière de plus en plus ostensible, d'aller sur les terres du FN - en dépit du caractère parfois acceptable des mesures projetées - n'a pas manqué de favoriser ce qu'on prétendait réduire, tant la démagogie est en définitive plus négative qu'efficace. A plusieurs reprises, comme d'autres, je n'ai cessé d'attirer l'attention de la droite sarkozyste sur les errements "buissonniers" d'une stratégie qui faisait tourner en grimace et en caricature les avancées et les espérances de 2007.

Ce constat opposant 2007 à 2012 était d'autant plus facile à établir que, toute polémique et sectarisme mis à part, le bilan du quinquennat en matière de sécurité et de justice était rien moins qu'exemplaire. Par conséquent, cette surenchère tardive - surtout depuis janvier 2012 - ne pouvait pas apparaître comme la consécration d'un processus estimable mais plutôt pour la dernière cartouche d'une arme en mauvais état de fonctionnement. On ne pillait pas le FN parce qu'on avait gagné mais à rebours parce que, sans éthique républicaine, on croyait n'avoir plus rien à perdre (Le Monde).

On n'a pas assez évalué la dévastation civique que les modalités même de la campagne de Nicolas Sarkozy ont opérée. Avant la critique du fond, ils ont été nombreux ceux qui, à droite comme au centre, ont été honteux à cause de la mise en oeuvre de mécanismes à la fois improvisés et vulgaires qui ouvertement ne s'assignaient pour ambition que de récolter des voix au FN ou dans sa mouvance sans se préoccuper des effets démocratiques d'une telle quête à la transparence guère ragoûtante.

Marine Le Pen, pour sa part, se flattait d'être l'original qu'on copiait avec tant d'indécence, et engrangeait en dépit du traitement discriminant que la plupart des médias lui faisaient subir. Ce qu'elle perdait en aval chez eux, elle le gagnait en amont grâce à Nicolas Sarkozy. Il est plus que probable que son parti, adoptant la politique du pire (selon ses critères), empêchera la réélection de celui qui l'a vitupéré tout en s'attachant à lui comme une sangsue. Sa démarche, sans doute de vote blanc, aura pour finalité de  faire exploser la droite et son mimétisme aveugle, pour espérer en tirer bénéfice après le 6 mai (20 minutes, nouvelobs.com).

Il serait injuste de n'imputer le score du FN qu'à ce dernier, si on veut bien aussi considérer que le talent de Marine Le Pen y était pour quelque chose, même sans imparfait du subjonctif. D'autres responsables existent, mais intouchables et contents d'eux. Je fais référence à ces quelques journalistes dont Pascale Clark est la représentante emblématique, surtout pour le pire.

Lors de cette campagne, combien de fois, et sans qu'on puisse accuser Marine Le Pen de jouer à la persécutée quand son dynamisme, sa pugnacité et sa résistance étaient reconnus, les citoyens, téléspectateurs et auditeurs ont été frappés de constater le courage sans risque et la grossiéreté sans allure de certaines personnalités médiatiques à son encontre ! Il était évidemment hors de question d'afficher la même partialité et d'avoir le même ton à l'égard des autres candidats même les plus discutables. Ce qui comptait et vous donnait la Légion d'honneur du journalisme militant, c'était de "se payer" Marine Le Pen pour bien montrer à quel point on était, soi, parfait républicain contre une interlocutrice condamnée avant même d'avoir proféré le moindre mot. Personne ne m'interdira de me scandaliser de telles pratiques qui ravalent l'exercice médiatique au rang d'une opération de commando et qui, surtout, suscitant l'indignation devant l'inéquité, favorisent paradoxalement l'essor de celui ou de celle qu'elles s'acharnent à pourfendre.

Je ne confonds pas les entretiens menés dans la vigueur, avec une contradiction informée - Anne-Sophie Lapix, Michel Field ou Patrick Cohen - avec les échanges délibérément belliqueux à la Pascale Clark ou très orientés comme sur TF1 avec Laurence Ferrari, ensuite tout sourire avec le si plaisant Jean-Luc Mélenchon !

C'est ce journalisme-là, ce piètre professionnalisme, cet esprit toujours partisan à l'égard de la même qui, avec la stratégie dangereusement suicidaire (pour une démocratie responsable et pour lui-même) menée en 2012 par Nicolas Sarkozy, ont amplifié l'influence et le poids du FN dans notre espace républicain. Certes, on expose doctement que le populisme monte partout (Libération) mais il ne faudrait pas oublier que derrière les analyses il y a des coupables : ceux qui, pour se sauver ou s'accroître, exploitent les peurs du peuple et ceux qui avec désinvolture, dérision ou mauvaise foi les nient.

Oui, le FN doit beaucoup à Nicolas Sarkozy et à Pascale Clark.


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