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Chercheurs, fossiles et produits dérivés

Paralipomènes - Michèle Battisti, 29/06/2013

Dans le cadre d’une de ses missions, un paléontologue avait photographié  le fossile qu’il avait découvert. Cette photo a été  publiée dans un magazine scientifique auquel il avait envoyé son  article et reprise ensuite par plusieurs revues papier et sur Internet. Mais la photo peut-elle

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Fossile poissonDans le cadre d’une de ses missions, un paléontologue avait photographié  le fossile qu’il avait découvert. Cette photo a été  publiée dans un magazine scientifique auquel il avait envoyé son  article et reprise ensuite par plusieurs revues papier et sur Internet. Mais la photo peut-elle être  reproduite sur des T-shirts qui sont vendus ?

Mise en garde. La réponse à cette question anonymisée et légèrement modifiée, qui  ne vise qu’à rappeler quelques principes, n’est pas en mesure de se substituer à un conseil juridique.

Selon les conditions d’utilisation du site Public Library of Science (PLOS), le site sur lequel figure l’article : « All articles and accompanying materials published by PLOS on PLOS Sites, unless otherwise indicated, are licensed by the respective authors of such articles for use and distribution by you subject to citation of the original source in accordance with the Creative Commons Attribution License » [1].

Une licence Creative Commons très large

N’ayant pas vu de mentions contraires accompagnant l’article, la photographie apparaît sous une licence Creative Commons (CC) BY autorisant toute modification et toute reproduction, y compris à des fins commerciales, mais imposant l’indication du nom de l’auteur.

C’est ce contrat qui définit les conditions d’utilisation de l’article et des illustrations qui l’accompagnent. Donc, en dehors du fait que le nom de l’auteur n’ait pas été mentionné (ce qui semble être le cas de ces produits dérivés et qui peut être sanctionné [2]), la personne qui a reproduit la photographie en aurait le droit.

Une atteinte au droit moral ?

Mais l’utilisation sur un T-shirt peut heurter le droit moral du créateur par absence de crédits (mention du nom de l’auteur)  mais aussi pour atteinte à l’intégrité de l’œuvre pour un usage estimé non approprié. Bien que la licence CC choisie par PLOS soit une licence générique et non celle qui est adaptée au droit français, on y précise bien que la licence ne saurait affecter le droit moral.

La personne qui voudrait s’opposer à une utilisation de ses créations mises en ligne sur PLOS, aussi large que celle qui est prévue par défaut par le site de cet éditeur, doit prendre la précaution de le mentionner expressément. Ce qui n’a pas été fait.

Dans le cas présent, pour une utilisation commerciale de ce type, le droit moral pourrait être avancé.

Imposer la mention du nom de l’auteur et de la source ? A défaut de retrait pur et simple ?

Une création au sens du droit d’auteur ?

La question se pose en effet, car ce que l’on a repris sur le T-shirt, c’est l’empreinte du fossile et non la photographie elle-même. Il n’y aurait pas de création au sens du droit d’auteur – il s’agit d’une découverte [3]) – et le vendeur de produits dérivés serait dans ses droits.

La photo elle-même est-elle originale ? Elle semble l’être mais cette appréciation est très subjective. Ainsi, par exemple, l’ombre utilisée pour donner du « cachet » à cette photographie est, peut-être, un procédé banal. Non originale, elle pourrait être reproduite librement.

Je crains donc qu’il ne soit difficile de s’opposer à la reproduction de l’image de ce fossile sur ces T-shirts.

Ill. Fossile de poisson, Thomas Bresson, Wikimédia Commons  CC by

Notes


[1] En l’absence de toute mention particulière à côté de l’article ou dans les conditions générales d’utilisation du site, le texte et les photographies qui les accompagnent sont protégés par le droit d’auteur « classique ». Même s’ils sont librement accessibles, toute réutilisation, en dehors d’un  usage privé, implique une demande d’autorisation ad hoc.

[2] L’auteur peut aussi exiger l’anonymisation.

[3]  A propos de la polémique autour de la grotte Chauvet,  dans un champ voisin mais différent car il s’agit ici des droits pouvant être revendiqués par le propriétaire d’un  bien archéologique, en 2001 la Cour de cassation avait admis que le propriétaire pouvait contrôler les usages commerciaux de son bien. Pour Marie Cornu, l’image des découvertes archéologiques ne saurait être confisquée par le propriétaire ou par l’État car il s’agit d’éléments du patrimoine commun, un point de vue que je rejoins. Elle y rappelle aussi qu’il peut y avoir un droit d’auteur du photographe.

 


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