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Inde : Victoire des peuples autochtones devant la Cour Suprême

Actualités du droit - Gilles Devers, 22/04/2013

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Nous nous situons dans l'État d'Orissa, en Inde, et plus précisément dans la vaste étendue des monts Niyamgiri. C’est le territoire traditionnel des Dongrias Kondhs, peuple indigène qui vit sur ces terres et les considère comme sacrées. 

Oui, mais voilà le sol est riche en bauxite, et l’État de l’Orissa détient 50% des réserves indiennes de bauxite. Or, l’Inde veut doper son développement économique… 

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En décembre 2008, le Ministère de l’Environnement et des Forêts a donné son accord pour la création d’une gigantesque mine 670 hectares, avec un investissement de 650 millions d’Euros, et en avril 2009, les autorités indiennes ont approuvé une joint venture entre Sterlite (filiale indienne de la société britannique Vedanta Alumina Limited) et la compagnie d’État Orissa Mining Corporation (OMC). Ce projet prévoyait l’extraction de la bauxite pour les 25 prochaines années via une mine à ciel ouvert dans les collines de Niyamgiri. Le gouvernement d’Orissa soutenait ce projet.

En face ? La population résidente, 8 000 personnes, les Dongrias Kondhs, expliquant que la mine allait remettre en cause tout ce qui leur permet de vivre : l'eau et la terre des cultures, toutes les voies de communication. Le conglomérat entonnait l’air mille fois entendu des retombées économiques pour le bien être des populations. Sauf que celles-ci répliquaient avoir toujours vécu là, de telle sorte qu’au-delà de la propriété du sol, devait être reconnu leur droit de poursuivre leur vie sur ces terres… comme elles avaient envie de vivre.

A la suite d’une forte campagne d’opinion, le ministère était revenu sur sa décision en août 2010. Au vu de travaux d’experts, il avait estimé que ce projet bafouait les lois relatives à l'environnement et aux forêts, ainsi que les droits fondamentaux des Dongrias Kondhs. La société britannique et l’entreprise d’Etat avaient saisi la Cour suprême, qui s’est prononcée ce jeudi 18 avril.

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Face à la pression économique et politique, les Dongrias Kondhs demandaient à la Cour de tirer des bases du droit indien des interprétation s'inspirant de Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones du 13 septembre 2007 (61/295). Ce texte n’est pas opposable directement en droit interne, alors même qu’il a été ratifé par l’Inde… les lois de transposition n'ayant pas été adoptées.

Mais ce texte comprend un article 8, qui laisse passer un message très fort :

« 1. Les autochtones, peuples et individus, ont le droit de ne pas subir d’assimilation forcée ou de destruction de leur culture.

« 2. Les États mettent en place des mécanismes de prévention et de  réparation efficaces visant :

« a) Tout acte ayant pour but ou pour effet de priver les autochtones de leur intégrité en tant que peuples distincts, ou de leurs  valeurs culturelles ou leur identité ethnique;

« b) Tout acte ayant pour but ou pour effet de les déposséder de  leurs terres, territoires ou ressources;

« c) Toute forme de transfert forcé de population ayant pour but ou pour effet de violer ou d’éroder l’un quelconque de leurs droits;

« d) Toute forme d’assimilation ou d’intégration forcée;

« e) Toute forme de propagande dirigée contre eux dans le but d’encourager la discrimination raciale ou ethnique ou d’y inciter.

Dans son arrêt du 18 avril, la Cour Suprême conclut qu’il revenait à la population habitante de décider. C’est la logique de l’alinéa 2 de cet article 8. Les assemblées des électeurs adultes (les gram sabhas) des deux villages concernés vont décider si ce projet va porter atteinte à leurs droits religieux et culturels, notamment à leur liberté de culte. Elles doivent aussi se prononcer sur toutes les revendications individuelles et collectives, concernant les zones d'extraction proposées. Les deux conseils devront faire part de leur décision au ministère indien de l'Environnement et des Forêts dans les trois mois. 

Une belle étape, mais ce n’est pas fini, car les pressions vont être vives. On voit bien ce que le groupe et les autorités d’Orissa peuvent tenter pour se rallier des opinions. La Cour souligne que la procédure de consultation doit être indépendante et libre de toute tentative d'influence de la part des initiateurs du projet, du gouvernement de l'État et du gouvernement central. 

Kumiti Majhi, l'un des représentants de ces population confirme les craintes: « Nous exhortons les autorités à mener une véritable consultation réellement libre, sans intimidation de la part des entreprises concernées ou des forces paramilitaires stationnées à Niyamgiri, et en présence d'organisations internationales de défense des droits humains – en plus du représentant de l'administration judiciaire prévu par l'arrêt de la Cour suprême. » 

Au nom d’Amnesty International, qui s’est beaucoup impliqué dans cette affaire, G. Ananthapadmanabhan salue la portée de cet arrêt : « Cette décision de la Cour suprême va fortement contribuer à renforcer le pouvoir d'action des populations indigènes confrontées à des menaces similaires de remise en cause de leur mode de vie par des projets miniers dans d'autres régions de l'est et du centre de l'Inde ». Mais il appelle a une évolution de la loi : « Une réforme en profondeur est nécessaire pour garantir la responsabilité de l'État et des entreprises dans la mise en œuvre du principe du consentement préalable, libre et éclairé. On ne peut pas demander à chaque communauté concernée de s'attaquer aux puissants intérêts des entreprises et de porter son combat jusqu'aux portes de la Cour suprême. » 

 

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