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Jamel Debbouze a-t-il eu tort ?

Justice au singulier - philippe.bilger, 15/06/2013

Nicolas Sarkozy n'est pas Joe Dalton car il est bien réel. Jamel Debbouze n'a pas eu totalement tort et si, en effet, il n'y avait pas de quoi, pour lui, à être "super fier", il peut au moins se targuer d'une lucidité pour hier et utile pour demain.

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A l'occasion de la remise du prix de l'Audace créatrice à l'Elysée, Jamel Debbouze, président du jury, a, devant l'assistance et en présence de François Hollande, notamment déclaré ceci :" J'en profite pour vous dire que la France c'est mieux à vivre sous votre présidence, Monsieur le Président, c'est mieux que sous votre prédécesseur Joe Dalton, il était quand même très énervé, le pauvre..." (20 minutes, nouvelobs.com, lepoint.fr).

François Hollande a eu un sourire vite réprimé.

Puis, après cet épisode apparemment dérisoire mais qui prête cependant à réfléchir sur la bonne attitude à adopter en démocratie, une multitude de réactions en majorité hostiles à l'humoriste.

Faut-il le défendre ?

Je n'irais pas jusqu'à soutenir, pour continuer dans la provocation, que la comparaison n'est pas flatteuse pour Joe Dalton.

Même pour quelqu'un qui n'est pas familier de Lucky Luke, il est évident que la boutade de Jamel Debbouze est offensante à l'égard de Nicolas Sarkozy puisqu'elle fait référence, d'une manière moins drôlatique qu'humiliante, à son apparence physique et à sa taille, ce qui, pour la tradition française, est généralement considéré comme indélicat même si, durant son quinquennat, Nicolas Sarkozy n'a pas cessé d'être moqué sur ce plan.

A la fois par détestation mais aussi parce qu'il a tenté, souvent par des procédés ridicules, de faire oublier cette donnée de nature chez lui et qu'ainsi il l'a, au contraire, encore plus mise en évidence.

Jamel Debbouze a sans doute été vivement critiqué non seulement en raison de ce trait trop personnel mais parce que beaucoup se souvenaient de sa complicité décontractée avec Nicolas Sarkozy, souvent manifestée lors des matchs au Parc des princes. Son propos de l'Elysée a pu apparaître, alors, comme une trahison, un oubli de la chaleur d'hier au profit du Pouvoir d'aujourd'hui.

Peut-être convient-il de ne pas accabler Jamel Debbouze dont le parcours, depuis quelques années, est marqué par un humanisme vrai et sincère qui s'ajoute à un talent reconnu par tous.

D'abord - c'est mon point de vue et je serais probablement contredit par les inconditionnels de son prédécesseur - François Hollande, en dépit de la fracture opérée par la loi sur le mariage pour tous, fait tout pour que son style, sa personnalité, son langage permettent, suscitent une France "mieux à vivre".

Ensuite, Nicolas Sarkozy n'a jamais brillé durant cinq ans par la qualité de son allure et la maîtrise de ses mots. Plusieurs dérapages graves ont choqué. On ne saurait donc s'étonner de la contagion qui a gangrené les appréciations de ceux qui le jugent. C'est la monnaie de sa pièce et la rançon d'une vulgarité que l'arrogance du pouvoir exacerbait.

Enfin, et surtout, Jamel Debbouze aurait été indéfendable si Nicolas Sarkozy, depuis le mai de mai 2012, avait tenu son engagement - comme s'il était capable d'en respecter un !- et s'était plié à une discrétion de bon aloi non contradictoire avec ses appétences financières. On aurait à juste titre imputé au comédien d'accabler l'infortune.

C'est le contraire qui s'est produit. Son impatience, sa certitude d'être le meilleur, son mépris pour les rivaux au sein de son propre camp, l'occultation de sa défaite, son ressentiment plus lié à sa vanité qu'au souci de la France et, en dernier lieu, sa posture gaulliste grotesque quand on compare les histoires, les personnalités et les situations le conduisent, sur un mode compulsif, à se prétendre toujours au centre du jeu et à nous épuiser avec un effacement superficiel mais des manipulations, une nouvelle ambition ostensible. Il veut revenir et que personne à droite ne vienne lui porter ombrage, discuter sa légitimité de vaincu revanchard.

Dans ces conditions, nous sommes fondés, Jamel Debbouze comme les autres citoyens, à le prendre au sérieux et à tenter de prévenir un retour qui remettrait la France et la République en état permanent de crise nerveuse.

A-t-on envie de revoir sur la scène démocratique, au plus haut niveau, tous ces parfaits honnêtes gens qui nous ont gouvernés - à commencer par leur chef - et qui ont si mal usé de notre adhésion en 2007 ?

Nicolas Sarkozy n'est pas Joe Dalton car il est bien réel.

Jamel Debbouze n'a pas eu totalement tort et si, en effet, il n'y avait pas de quoi, pour lui, à être "super fier", il peut au moins se targuer d'une lucidité pour hier et utile pour demain.


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