Actions sur le document

Non, la France n'est pas dans le fourgon...

Justice au singulier - philippe.bilger, 9/07/2014

Alors, de grâce, qu'Eric Dupond-Moretti ne mêle pas la grandeur et la dignité de la France, dans son Histoire, à Nicolas Sarkozy dans son fourgon.

Lire l'article...

L'outrance talentueuse d'Henri Guaino ne pouvait que s'accorder avec le talent sans nuance d'Eric Dupond-Moretti (EDM) : le premier cite le second qui s'exprimait ainsi sur un plateau de télévision :" Quand on met l'ancien président de la République dans le fourgon, c'est la France qu'on met dans le fourgon" (Le Monde).

La phrase est belle mais absurde.

J'aurais pu, au sujet de la récente garde à vue et de la mise en examen de Nicolas Sarkozy, faire un sort à d'autres déclarations d'avocats ou même d'un ancien bâtonnier de Paris, Yves Repiquet, qui pour soutenir un confrère, déplore l'utilisation abusive de la garde à vue (Figaro Vox). On trouvera toujours un avocat pour complaire à un autre avocat, quel que soit le fond du dossier !

Je tiens pour rien les soutiens prodigués par les amis de Nicolas Sarkozy : Hortefeux, Dati, Didier, Carignon, Karoutchi, Guéant, la droite forte... Une équipe qui fait frémir, tant elle respire le respect de l'état de droit !

Ces estimables personnalités ont-elles même une seconde songé à l'exemple lamentable qu'elles donnaient en noyant dans l'esprit partisan et le souci de leur avenir personnel ce qui aurait dû relever de l'exigence morale ?

Mais j'en reviens à EDM.

Parce qu'il est sain de s'attaquer à un géant dont toutes les paroles sont traitées avec onction médiatique et déférence judiciaire comme si sa défense corporatiste habilement masquée devait susciter l'adhésion à tout coup.

Comment a-t-il pu, parce qu'un ancien président a été mis en examen des chefs de corruption active, de recel de violation du secret de l'instruction et de trafic d'influence, oser dire que la France était dans le fourgon avec lui ? Confondre ainsi la nation avec son représentant déchu ?

Comment a-t-il pu, parce qu'un ancien président a subi, dans des conditions banalement éprouvantes et nécessaires, le sort policier et judiciaire que ses interventions officieuses pour troubler le cours de la Justice depuis sa défaite en 2012 imposaient, oser dire que la France était emmenée dans le fourgon avec lui ?

Comment a-t-il pu, après la désastreuse et discriminatoire apologie de Nicolas Sarkozy durant vingt minutes, oser dire que la France avait été atteinte parce que son ancien président, paraît-il justiciable comme tout le monde, avait bénéficié de ce privilège de pouvoir dénoncer une prétendue politisation de la justice quand lui-même l'avait portée à son comble durant cinq ans ?

Comment a-t-il pu, avec si peu de mémoire et de recul, oser dire que la France avait été convoyée dans le fourgon avec Nicolas Sarkozy qui, avant cette procédure engagée à la suite d'écoutes non équivoques, était déjà impliqué dans cinq dossiers qui constituent un triste inventaire républicain même s'il est aujourd'hui en cours d'information, un sixième "Bettencourt" ayant été clôturé par un non-lieu rendu pourtant par ce si partial et odieux ! juge Gentil outragé par Henri Guaino, vilipendé par les amis de Nicolas Sarkozy et malmené par EDM lors d'une émission de télévision (France 2, Le Parisien) ?

Comment a-t-il pu avec, dans sa tête de citoyen et d'avocat, Bygmalion, les sondages de l'Elysée, le possible financement libyen, l'arbitrage Sarkozy, Tapie, Lagarde, Estoup et autres, Karachi enfin, oser dire que la France était affectée par ce cumul et traînée dans ce fourgon parce que la justice y avait placé Nicolas Sarkozy se vantant d'être un Français comme les autres mais s'indignant de ne pas s'être vu octroyer un statut particulier ?

Comment a-t-il pu, sans précaution ni prescience, oser dire que la France était dégradée dans un fourgon parce que Nicolas Sarkozy s'y trouvait, alors qu'on vient d'apprendre qu'une nouvelle enquête a été ordonnée pour suspicion d'abus de confiance, Nicolas Sarkozy ayant fait régler par l'UMP l'amende personnelle de 363 615 euros qui lui avait été infligée par le Conseil Constitutionnel (CC) à la suite du rejet de ses comptes de campagne ?

Comment a-t-il pu, dans ces conditions, avec tant d'affaires en cours, quelle que soit leur issue, et au regard, pour le moins, d'un paysage dévasté sur les plans de l'éthique publique et de la rectitude personnelle, oser dire que Nicolas Sarkozy portait la France sur ses épaules quand le fourgon le conduisait vers ces "dames", les deux juges d'instruction ?

Quelle étrange vision de la France qui lierait sa lumière et son intégrité à celles terriblement mises à mal, d'un ancien président de la République englué dans ce que son quinquennat a fait surgir de délétère et ses suites d'obscur et de malsain !

Je perçois bien ce qu'on souhaiterait nous faire admettre : que la fonction résiste à tout, et même au défaut d'exemplarité de celui qui l'a occupée, qu'elle doit être respectée malgré l'irrespect que son titulaire lui a manifesté. Mais ce serait une grave erreur d'oublier que la République n'est un bouclier que si on l'a servie avec honneur, elle se gagne et se mérite, elle n'est pas acquise une fois pour toutes et quoi qu'on ait accompli. La France, elle, continue à faire rêver si Nicolas Sarkozy a déçu.

Henri Guaino commence lui-même à s'essouffler à force de soutenir l'insoutenable et de défendre l'indéfendable avec des fulgurances courageuses mais aussi des fuites et des approximations qui n'ont qu'un but : sauver à tout prix Nicolas Sarkozy pour pouvoir conserver l'estime de soi. Si l'ancien président est coupable si peu que ce soit, Henri Guaino perdra de son innocence (France Inter).

Alors, de grâce, qu'EDM ne mêle pas la grandeur et la dignité de la France, dans son Histoire, à Nicolas Sarkozy dans son fourgon.


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...