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Un homme s’accuse et tout bascule

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 19/12/2012

Il est arrivé dans le prétoire encadré par deux gendarmes gantés, un troisième se tenant à distance respectueuse quelques pas derrière lui. Il a décliné son identité, "Sagno, David" et il a raconté son histoire. En mars 2008, il s'est … Continuer la lecture

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Il est arrivé dans le prétoire encadré par deux gendarmes gantés, un troisième se tenant à distance respectueuse quelques pas derrière lui. Il a décliné son identité, "Sagno, David" et il a raconté son histoire.
En mars 2008, il s'est présenté dans un commissariat des Hauts-de-Seine pour, dit-il, "laver (sa) conscience. Aux policiers qui l'écoutaient, il a avoué avoir tué deux femmes, au pont de Neuilly, quelques années plus tôt. Parmi elles, Marie-Agnès Bedot, pour le meurtre de laquelle Marc Machin avait été jugé et condamné à 18 ans de réclusion criminelle.
Les précisions qu'il a données sur la scène de crime, connues des seuls enquêteurs, et surtout son empreinte ADN retrouvée sur les vêtements et sous les ongles de la victime, ne laissaient pas place au doute: En février 2012, David Sagno a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de Marie-Agnès Bedot et de Maria-Judith Araujo.
Cité à la barre des témoins au procès en révision de Marc Machin, il s'exprime d'une voix calme, incroyablement calme. Ses mots sont choisis, ses phrases limpides.
-J'étais seul ce matin là. La veille, j'avais beaucoup bu. J'ai croisé cette femme, je l'ai dépassée, j'ai décidé que ce serait elle qui devait servir à des rituels magiques. Il n'y avait pas d'autre raison. Ça s'est passé au pont de Neuilly, à l'abri des regards. Je l'ai tuée, je lui ai volé ses affaires, elle avait un peu d'argent, 80 euros environ. Après, je suis allé chez les sœurs de la Charité, je faisais la plonge là -bas. L'après-midi, j'ai beaucoup bu et je suis allé au cinéma. J'ai recommencé pour Madame Aranjo dans les mêmes circonstances, toujours pour de la magie noire. Je ne savais pas que Marc Machin avait été condamné, je ne le connaissais pas. Je me suis rendu pour être pardonné par ma famille, par les familles des victimes."
Il dit encore qu'il "présente ses excuses" à Marc Machin.
La présidente lui demande:
- Ces crimes, vous les avez commis seul?
- Oui
- Des questions?
-Pas de question, répondent en chœur les parties civiles, l'avocate générale et la défense de Marc Machin.
- Avez-vous quelque chose à dire, Monsieur Machin?
- Non, enfin, non, je n'ai rien à ajouter. Je le remercie de s'être constitué prisonnier et d'assumer sa responsabilité. Je lui souhaite tout simplement bon courage pour sa détention.
Les trois gendarmes se rapprochent de David Sagno pour accompagner sa sortie. Il ne voit ni n'entend Marc Machin s'effondrer soudain et l'injurier à voix basse. La porte se referme et l'engloutit.
En tout, cela aura duré à peine quinze minutes. À cet instant, on ne peut s'empêcher de penser à tous ceux, policiers, juge, procureur auprès desquels David Sagno avait exprimé ces aveux. D'imaginer leur sidération, leur refus de croire, leur méfiance, face à celui qui venait aussi calmement et résolument leur dire qu'il était coupable et donc qu'ils s'étaient trompés. Il y avait un peu de ce vertige dans la salle de la cour d'assises: un homme s'accuse, tout est simple, et tout bascule.


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