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Suis-je une girouette ?

Justice au Singulier - philippe.bilger, 24/01/2015

Je ne suis pas une girouette puisque Bilger, lui, - tant pis, une seconde je tombe en Alain Delon - se reconnaît dans ce qu'il dit et écrit, dans ses doutes et ses affirmations. Je n'en demande pas plus même si c'est peu.

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Qu'on ne s'inquiète pas pour moi !

Je ne suis pas devenu masochiste au point de lécher mes plaies et je ne parlerai jamais de moi à la troisième personne comme Alain Delon. Entre la cruauté inutile et le narcissisme délirant, j'espère trouver une voie sinon originale du moins acceptable.

Parler de soi n'est pas un crime si c'est pour répondre, une fois pour toutes, à un reproche récurrent qui m'est fait dans des circonstances souvent très diverses. Il me touche d'autant plus qu'il émane de personnes qui sont généralement bien disposées à mon égard et donc n'ont pas pour seule obsession, comme trois ou quatre sur Twitter, de me mordre les mollets quoi que je dise.

Récemment encore, gare Montparnasse, un homme très aimable m'a accosté et, se faisant le porte-parole de plusieurs selon lui, m'a mis en garde parce que, en m'écoutant, notamment sur RTL, on ne savait plus trop si j'étais de droite ou de gauche.

Je n'ai pas osé lui exprimer que je prenais plutôt cela pour un compliment mais, trop rapidement, je lui ai rétorqué que l'unité n'était pas à chercher à l'extérieur mais à l'intérieur, moins dans une cohérence fabriquée que dans une identité stable.

Quel étrange grief, en effet, que d'imputer à quelqu'un de ne pas se soumettre à une vision stéréotypée de la droite ou de la gauche et de refuser, dans ses propos, que la vie et l'analyse politiques soient une sorte de prison qui enfermerait obligatoirement dans une opinion, une conviction, un réflexe !

Comme s'il y avait, à partir d'une adhésion de principe à une vision intellectuelle, morale et sociale, réactionnaire, conservatrice, libérale ou socialiste, progressiste, une série de conclusions impératives, malgré l'imprévisible coulée du temps et de ce qu'il charrie sur tous les plans.

Comme si notre monde français n'était constitué que par la juxtaposition d'univers carcéraux dont nous serions avec un enthousiasme jamais questionné les prisonniers et qu'il y ait des barrières fatalement infranchissables entre les êtres d'un côté ou de l'autre, les idées ici ou là, les sympathies et les affinités d'aujourd'hui ou de demain.

Cette incommunicabilité structurée et délibérée a pour conséquence que l'écoute de l'autre n'est souhaitée que s'il appartient à votre camp, à votre cause et est situé du bon côté de la frontière. Alors qu'au contraire, s'aventurer sur les territoires de l'inconnu est la démarche la plus excitante qui soit pour l'intelligence et la découverte.

En réalité, derrière cette accusation d'être une girouette, un inconstant, bien plus qu'une suspicion du locuteur, est mis en évidence l'égarement de celui qui écoute, lit et est scandaleusement privé de sa grille habituelle, contraint de faire un effort pour accepter que dans ses préjugés vienne un peu de jeu, de liberté, de souplesse. On incrimine l'invention et la spontanéité parce qu'elles dérangent la fixité et les certitudes enkystées. On les blâme pour ce qu'elles apportent de meilleur et qui pour la plupart est le pire : un intolérable défi au confort intellectuel.

En même temps, il ne faut rien exagérer.

Sous l'inévitable et bienfaisante variété des points de vue qu'une pensée de l'immédiat se doit de sécréter, il y a une structure, des tendances sur lesquelles on se fonde et qui permettent d'articuler à la fois le nécessaire et le contingent.

Sur un plan politique, je n'ai que trop répété - mais il est vrai que certains ne vont jamais au-delà de Twitter pour s'informer sur quoi que ce soit - que le candidat Sarkozy de 2007 était exceptionnel, que le président a été décevant et qu'il n'a pas été pour rien dans la victoire de François Hollande en 2012 en faisant dériver vers ce dernier, à cause de lui, un électorat absolument pas socialiste.

Si la personnalité de notre président ne me hérisse pas comme celle de son prédécesseur et si je ne méconnais pas certaines de ses réussites, il est certain qu'à moins d'un revirement miraculeux qui donnerait à ce pouvoir toutes les vertus, notamment sur le plan économique et judiciaire, le retour d'une droite honorable - sans Nicolas Sarkozy qui, à la fois, l'a fait perdre et dévoyée pour la morale publique - aura mon suffrage.

Cette ligne, aussi discutable qu'elle puisse apparaître à certains qui n'ont jamais désirer tirer le moindre enseignement du quinquennat précédent et de l'attitude de Nicolas Sarkozy comme président puis comme vaincu, n'est pas brisée. Nette au contraire.

J'ajoute que, dans un domaine qui me tient à coeur et vise à ne pas dissimuler mon estime, mes admirations ou mes réserves, mes hostilités sous le vague de concepts, je suis demeuré fidèle aux unes et aux autres et je n'ai jamais non plus fait passer le sommaire avant le complexe.

Pour ne prendre que l'exemple d'Edwy Plenel qui est honteusement traîné dans la boue par des gens comme, notamment, Patrick Balkany si mal placé pour juger autrui (Le Point.fr), je m'en suis toujours tenu à cette appréciation favorable à l'ami et à la formidable qualité d'investigation de Mediapart mais goûtant peu l'idéologue. Même le subjectif a droit à la nuance.

Loin de moi la présomption de m'imaginer compris à l'issue de ce billet. Mais j'espère seulement avoir pu transmettre ce qui m'était cher au plus haut point : la détestation des prisons de l'esprit, la haine des exécutions sommaires ou des idolâtries erratiques.

Je ne suis pas une girouette puisque Bilger, lui, - tant pis, une seconde je tombe en Alain Delon - se reconnaît dans ce qu'il dit et écrit, dans ses doutes et ses affirmations.

Je n'en demande pas plus même si c'est peu.


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