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La bande à Estoup

Justice au singulier - philippe.bilger, 7/08/2013

Je n'aurais jamais dû rencontrer Jean-Denis Bredin et Pierre Mazeaud. Je ne serais pas là à me ronger les sangs à leur sujet.

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Il faudrait ne jamais rencontrer les gens.

Si on ne les apprécie pas, une fois qu'on les a vus, qu'on a parlé avec eux, on ne peut plus les critiquer. La chaleur de la rencontre rend secondaires l'antagonisme des idées, l'envie de la joute et le besoin de sincérité. La réciprocité des regards est plus forte que tout.

Si on les respecte, si on les estime, on est pris dans une nasse effroyable quand le hasard de l'actualité, les aléas de la vie publique et l'agitation des affaires les mettent au premier plan et vous font découvrir des facettes étonnantes, décevantes, troubles de leurs personnalités. En tout cas contradictoires avec le surgissement spontané et initial de la sympathie.

Comment n'aurais-je pas pensé à ces étrangetés du coeur et de l'esprit face à l'arbitrage ayant alloué à Bernard Tapie 403 millions d'euros, dont 45 millions de préjudice moral ?

On ne doute plus du rôle prédominant de Pierre Estoup au sein de ce tribunal arbitral présidé par Pierre Mazeaud et avec Jean-Denis Bredin comme troisième arbitre.

Je n'ai jamais rencontré le premier mais les deux autres ne m'étaient pas étrangers. Leur caractère, leur rigueur et leur intelligence m'étaient apparus éclatants à chaque fois que le sort m'avait offert l'opportunité d'une proximité.

Depuis qu'il est clair que Pierre Estoup a pris la main sur eux et que celui-ci a eu de multiples contacts avec Me Lantourne et, à un degré moindre, avec Tapie, je suis confronté à des interrogations qui s'ajustent mal avec ce que je connais de l'avocat et de l'ancien président du Conseil constitutionnel.

Que ces deux personnalités aient accepté l'emprise d'un Estoup demeure un mystère.

Que Jean-Denis Bredin ait rédigé la partie de la sentence octroyant le scandaleux préjudice moral de 45 millions d'euros, sans frémir ni se révolter, me laisse désemparé.

Que Pierre Mazeaud ait délibéré avec les deux autres, sans qu'à aucun moment la grossière manipulation n'ait saisi l'honnête homme et le parfait juriste qu'il était, reste une énigme.

Il est évident que ce ne sont pas les 330 000 euros octroyés à chacun des arbitres qui ont suscité l'adhésion et l'abandon de JD Bredin et P. Mazeaud à cette entreprise éminemment discutable. En un sens, ce serait rassurant car cet appétit au moins serait compréhensible.

Je ne sais pas. Il y a trop de malhonnêteté de la part d'Estoup et trop d'intégrité théorique chez ses deux partenaires pour que la configuration soit aisée à appréhender.

Comment Pierre Mazeaud peut-il encore affirmer aujourd'hui sans craindre de tomber dans le ridicule ou dans l'indécent : "Tout ce que nous avons fait a été conforme à la loi, à nos consciences respectives et à l'instruction devant les juridictions de droit commun. Les discussions entre Nicolas Sarkozy, Christine Lagarde et Claude Guéant, ce n'est pas mon affaire." (le point.fr).

Une volonté forcenée d'arbitrage en amont et un arbitrage propre en aval ?

Un compte de fée !

Je n'aurais jamais dû rencontrer Jean-Denis Bredin et Pierre Mazeaud.

Je ne serais pas là à me ronger les sangs à leur sujet.


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