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La France a sa crise de nerfs !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 30/11/2015

La France a sa crise de nerfs. Le pouvoir est-il capable de lui prodiguer l'antidépresseur bienfaisant et adapté ?

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Un détail : un détour d'un quart d'heure à pied pour pouvoir rejoindre mon bureau.

Cette gêne est dérisoire mais elle vient s'ajouter, pour chaque citoyen, à une tragédie collective dont les suites vont encore se faire durablement sentir.

Aurait-il fallu supprimer l'immense rassemblement mondial et officiel programmé pour la COP21 ? Cette question iconoclaste a déjà été formulée et le pouvoir, pour des raisons compréhensibles, a décidé de maintenir ce qui devrait constituer, en cas de réussite, un pas capital pour l'écologie et pour lutter ensemble contre le réchauffement de la planète.

Il n'empêche.

S'il y a de l'espérance sur ce plan, il y a encore tellement d'émotions, de craintes, de peurs et d'angoisses sur le futur et sur la sécurité de notre monde, dans leur traduction la plus concrète et la plus éprouvante, à cause du terrorisme islamiste, qu'il me semble que c'est d'une certaine manière faire basculer trop rapidement notre pays d'un état à l'autre. Son traumatisme énorme est loin d'être guéri malgré la bonne volonté, pour une fois opératoire, du gouvernement et pourtant on n'hésite pas, certes pour une cause de sauvegarde noble et à long terme, à le bousculer à nouveau en lui imposant des incommodités et des contraintes qui seront évidemment beaucoup plus mal perçues que celles résultant du nécessaire état d'urgence dont la contestation, malheureusement, est en train de s'amplifier.

Si la France était une personne, cela ferait trop de stress à la fois.

Il suffit pour s'en convaincre de suivre à la trace ce qui se déroule depuis le 13 novembre et qui peu à peu révèle que gorgée de chagrins, de cérémonies, de discours, de volontarisme, d'avancées et de résistances, de bougies et de dévastations, de polémiques inutiles, d'injonctions patriotiques et de trop lâches compréhensions, notre communauté nationale perd ses nerfs. Je ne sais pas si depuis le 13 novembre la parole politique n'est plus audible, comme l'a déclaré Thomas Sotto, mais il est certain en revanche qu'elle est dépassée par la monstruosité des événements et ne fait pas preuve de la psychologie qui conviendrait pour rassurer, apaiser et stimuler.

Croire qu'une COP21 fera oublier le 13 novembre est une erreur. Notre Etat a deux obligations fondamentales : apaiser et combattre. Il est possible de tranquilliser un pays en cessant d'abord de l'exciter par une effervescence plurielle et sensitive qu'on encourage puis en lui montrant qu'au-delà du verbe, tout est mis en oeuvre pour éradiquer à l'intérieur et à l'extérieur ce mal aujourd'hui absolu qu'est Daech dans la hiérarchie des périls et des ignominies.

Faut-il vraiment continuer à gêner l'action du pouvoir par des interrogations aberrantes sur notre démocratie qui serait "en péril mortel" à cause de sa défense et non pas du fait du terrorisme ?

Convient-il de donner des gages à l'ennemi en tombant dans une sorte d'analyse qui laisserait croire à un parallélisme entre lui et nous ? J'ai dit ce que je pensais du remarquable et discutable Michel Onfray sur ce terrain. Alain de Benoist prend sa relève en osant soutenir "que faisant la guerre chez eux, ils la font chez nous" (Bd Voltaire). Il ne serait pas possible d'attendre un peu pour ne pas écarteler l'esprit entre des tendances contradictoires qui affaiblissent l'action publique et déstabilisent notre volonté collective ?

Est-il si urgent de se servir d'Emmanuel Macron comme bouc émissaire et de l'accabler comme Jean-Christophe Cambadélis et Ségolène Royal l'ont fait sur un registre différent et de manière aussi injustifiable ? Quand on n'est pas capable de gagner et que la tension s'empare de vous, Emmanuel Macron est le tiers propice à tous les dénigrements. Etranger profondément à la gauche de gouvernement, sa liberté de pensée et de parole fait mal à tous les conformismes de la gauche socialiste. Il est piquant de constater que celle-ci refuse la moindre interrogation sur les causes du processus ayant abouti au terrorisme alors que pour la délinquance et la criminalité ordinaires elle n'est pas loin de considérer que la société est coupable.

Surtout, attention à ces transgressions et ces comportements odieux qui naissent tout simplement parce que l'éthique, les sermons, les larmes, les délicatesses, les effusions, les interdictions et les restrictions irritent une minorité de casseurs qui n'éprouvent qu'une envie : utiliser les bougies du respect et de la mémoire contre la police qu'elle déteste.

La France a sa crise de nerfs.

Le pouvoir est-il capable de lui prodiguer l'antidépresseur bienfaisant et adapté ?


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