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Montebourg explique Macron...

Justice au Singulier - philippe.bilger, 12/09/2019

On n'était plus habitué à un président qui, ayant vite abandonné l'esquisse du grandiose - le soir de son élection seulement -, a su au moins persuader opposants comme partisans que ses résultats, de quelque façon qu'on les juge, n'étaient pas "minuscules" et qu'il travaillait. Ce n'est pas rien.

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Il y a des rapprochements apparemment incongrus qui pourtant s'imposent.

Arnaud Montebourg, qu'on avait un peu perdu de vue, dans un entretien donné au journal Le Monde, déclare que pour lui "la mondialisation est terminée" et ajoute cette définition lucide de la politique: "ce sont des propositions grandioses pour des résultats trop souvent minuscules".

Dans son esprit cette définition souhaite vanter le caractère "modeste mais concret des entreprises et des marques équitables" ; elle m'a intéressé. J'ai envie de la rapporter à une interrogation concernant le président de la République : "Comment expliquer la remontée de la popularité de Macron" ? (Le Figaro).

J'avais déjà souligné la singularité des fluctuations à la baisse ou à la hausse des sondages le concernant, sans qu'on soit, comme lors des précédents quinquennats, confronté, la déception consommée, à des déclins quasiment irrésistibles.

Pour m'attacher plus spécifiquement au propos d'Arnaud Montebourg qui révèle autant de frustration pour son passé que de pessimisme pour l'avenir, je me demande si les 28 mois de la présidence d'Emmanuel Macron, qu'on les approuve ou qu'on les dénonce, ne représentent pas un contre-exemple pour cette politique de "propositions grandioses pour des résultats trop souvent minuscules".

J'allais tenter de démontrer que je n'avais pas trouvé lors de sa campagne la formulation de "propositions grandioses" puis m'a frappé comme une évidence qu'il nous avait tout de même promis rien de moins qu'un nouveau monde, ce qui valait bien le "changer la vie" de François Mitterrand en 1981. Slogans qui l'un et l'autre se sont avérés trompeurs et illusoires.

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Le nouveau monde n'a jamais pointé le bout de son aurore : il n'est même pas nécessaire d'y insister. Le pouvoir dans sa pratique, ses méthodes, ses réflexes et, longtemps dans son arrogance, n'a jamais cherché à déloger l'ancien dans lequel il s'est coulé avec la bonne conscience qu'instillent les trahisons de promesses auxquelles on ne croyait pas, qu'on savait impossibles.

Mais il serait de mauvaise foi d'évoquer "des résultats trop souvent minuscules" alors qu'avec Emmanuel Macron, on a quitté le terrain de l'immobilisme et que le travail accompli donne une preuve sinon de sa qualité du moins de sa quantité, de son intensité. Et les réformes projetées et en cours de négociation seront substantielles.

Qu'on m'entende bien : cette constatation n'est pas de nature à rassembler forcément autour de lui une majorité - pour l'instant seul le RN s'oppose véritablement, les autres partis ont encore trop à faire avec eux-mêmes pour mener une lutte politique efficace - ou à susciter contre lui une part importante de la France, elle est seulement une donnée, un fait. Il y a des résultats qui ne sont pas "minuscules" : ils font progresser ou régresser mais ils existent.

Comme l'histoire de la pratique présidentielle a été mouvement et infléchissement.

Arès l'affaire Benalla, la longue fronde si éclairante des Gilets jaunes et tant d'autres péripéties qui ont montré d'abord un Emmanuel Macron autarcique, soucieux d'autorité mais parfois vulgaire, expéditif dans ses propos, est apparue, au fil des mois, trop lentement mais de manière authentique, une personnalité qui a eu l'intelligence non pas seulement de dire qu'elle changeait mais de changer véritablement.

Ce que le président a découvert n'était que la normalité démocratique, l'écoute républicaine, la discussion avant l'action, la considération plus que le mépris, une série d'exigences et de principes qu'il aurait pu, dû intégrer d'emblée s'il n'avait pas été enivré un temps par une élection trop belle pour ne pas susciter une forme de vanité.

Le désarroi de ses opposants tient à ce que le président n'est pas François Hollande et qu'il ne commente pas les actes qu'il n'a pas accomplis. Il peut agacer, énerver, exaspérer comme il peut séduire, convaincre, dominer. Mais il n'est personne qui puisse mettre en doute la réalité de ses entreprises. Et les évolutions positives de son rapport aux citoyens.

On n'était plus habitué à un président qui, ayant vite abandonné l'esquisse du grandiose - le soir de son élection seulement -, a su au moins persuader opposants comme partisans que ses résultats, de quelque façon qu'on les juge, n'étaient pas "minuscules" et qu'il travaillait. Ce n'est pas rien.

Il me semble que ce pourrait être un chemin étroit pour être moins désabusés de la politique et redonner de la confiance à Arnaud Montebourg.


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