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Michel Rocard plus clair qu'obscur...

Justice au singulier - philippe.bilger, 2/03/2012

Michel Rocard, on le constate, ne s'abandonne pas à l'optimisme et, pourtant, il ne désespère pas. Tant on a besoin, en cette période plus qu'en toute autre, d'intelligence, de profondeur et d'équité. On a quitté Bayonne.

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Comment imaginer que le PS, sous l'égide de François Hollande, aurait fomenté à Bayonne un traquenard dans lequel le président-candidat serait tombé ?

Pas davantage qu'on ne peut croire à une Marine Le Pen venant attiser l'hostilité de ses troupes à l'encontre du couple Montebourg-Pulvar tellement prêt à faire polémique de tout et dont la seconde serait le seul défaut du premier selon l'expression spirituelle mimétique de Pascal Boniface.

Ce qui s'est produit à Bayonne n'est pas à l'honneur de la démocratie et, si je suis convaincu de la nécessité de défendre Nicolas Sarkozy en ces circonstances (nouvelobs.com), celles-ci sont peut-être aussi la conséquence d'un quinquennat verrouillé sur le plan des déplacements officiels. Tellement encadrés qu'ils en devenaient ridicules, le président noyé dans une masse protectrice.

La cocotte-minute a explosé et le candidat, à Bayonne comme ailleurs, se trouve confronté à une ire citoyenne qui n'est plus entravée. En quelque sorte, l'effervescence démocratique imprévisible et menaçante a pris la suite de l'Etat rassurant.

Il me semble qu'il n'est pas absurde, en dépit des apparences, d'opposer à cette campagne présidentielle oscillant entre frénésie verbale et sérénité calculée le fond d'un long entretien accordé par Michel Rocard à Libération.

La grande nouvelle est qu'on a retrouvé Michel Rocard au meilleur de sa forme intellectuelle et critique. Sorti des multiples missions qu'il a toujours acceptées et des honneurs, à 81 ans il fulgure. Et, de surcroît, il est clair comme il ne l'a jamais été. Ayant même chassé ces fragments d'obscurité qui semblaient indissociables de sa pensée, comme une inévitable rançon.

La phrase choisie par Libération pour résumer cette double page de Rebonds :"On est dans l'imbécillité politique collective" n'exprime que très partiellement la richesse de ces échanges qui réalisent le tour de force d'être à la fois sans concession mais dénués d'esprit partisan même si est évoquée la préface que François Hollande a écrite pour son dernier livre : "Mes points sur les i, propos sur la Présidentielle et la crise".

L'essentiel du propos de Michel Rocard, à mon sens, consiste à définir ce que pourrait être un programme qui échapperait à la "vacuité intellectuelle". Il explique très bien que la démarche pertinente, pour un candidat, est d'établir le meilleur diagnostic possible et de faire preuve, en amont de la réalité qu'il aura à affronter, d'une totale lucidité pour identifier "l'absolu prioritaire et, bien sûr, le cap global. Après, on fait ce qu'on peut. Pour cette campagne, le diagnostic n'a pas assez été porté".

Ce que j'apprécie dans cette vision tient au fait qu'elle intègre le risque probable d'une "disqualification par les faits" d'un projet prétendant être exhaustif et fouillé, comme s'il était concevable de prévoir dans les moindres détails, dans la fixité de l'abstraction, ce qui précisément sera balayé par le fluctuant et l'incertain de la vie économique, politique et sociale. Michel Rocard décrit ce que devrait être la bonne méthode des candidats. On sait que l'ancien Premier ministre n'a jamais été pris en défaut sur ce plan qui semble l'avoir parfois plus passionné que la substance elle-même. C'est dire à quel point sa conception des orientations à élaborer en amont et de l'inventivité à assumer durant l'exercice du pouvoir est à prendre au sérieux.

Dans ses réponses, Michel Rocard apporte d'autres lumières, notamment pour réguler la finance et hiérarchiser les problèmes. La crise, selon lui, est loin d'être terminée et ses effets seront bien plus dévastateurs, et la récession plus grave, que beaucoup de responsables ne l'imaginent.

Michel Rocard, on le constate, ne s'abandonne pas à l'optimisme et, pourtant, il ne désespère pas. Tant on a besoin, en cette période plus qu'en toute autre, d'intelligence, de profondeur et d'équité.

On a quitté Bayonne.

 


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