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Contre la terreur à Paris, il faut gagner la paix au Moyen-Orient, par Edgar Morin

Actualités du droit - Gilles Devers, 17/11/2015

Des textes qui éclairent, nous en avons bien besoin, et pas la peine d’être...

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Des textes qui éclairent, nous en avons bien besoin, et pas la peine d’être d’accord sur tout. Le débat est si nécessaire. Voici un article d’Edgar Morin, Contre la terreur à Paris, il faut gagner la paix au Moyen-Orient, publié dans Le Monde.

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9782021120943.jpgCe ne sont plus des attentats. Avec une action meurtrière massive menée en six lieux simultanés, la stratégie, donc la guerre est entrée dans Paris. Il y avait des partisans Daech ici et là. Maintenant Daech est chez nous. Il ne s’agit pas d’une guerre de religions. Il s’agit de la guerre d’une secte fanatique issue de l’Islam contre toute la société, y compris islamique, qui soit autre qu’un totalitarisme religieux.

Rappelons que si les forces de Daech sont endogènes à l’Islam, y constituant une minorité démoniaque qui croit lutter contre le Démon, c’est l’Occident, notamment américain, qui a été l’apprenti sorcier délivrant les forces aveugles qui se sont alors déchaînées.

Ajoutons que si nous sommes dans le droit, cessons de nous sanctifier. Continuons à dénoncer leurs monstruosités ici et là-bas, mais ne soyons pas aveugles sur les nôtres, là-bas. Car nous utilisons aussi, à notre mode occidental, tueries et terreur : ceux que frappent drones et bombardiers sont principalement non des militaires, mais des populations civiles.

Nous ne pouvons faire la guerre pour détruire Daech en France qu’en nous transformant en Etat policier militarisé. Alors que faut-il faire une efficace à Daech ? La réponse est simple : faire la paix au Moyen-Orient.

Le rôle fécond de la France aurait été, non pas d’accompagner de ses frappes les frappes américaines qui en aucun cas ne peuvent gagner une guerre, non pas d’accompagner une coalition débile parce que ne comportant qu’une partie des ennemis de Daech, mais d’œuvrer pour une coalition générale des moins barbares (y compris Russie, Iran et nous-mêmes) contre le plus barbare de tous. Il aurait été non pas d’exiger l’élimination de Bachar El-Assad comme préalable à la fin des massacres en Syrie, mais de demander la fin des massacres en Syrie comme préalable absolu. Et comme le tyran syrien est consolidé par la Syrie, combien de millier voire de centaines de milliers de morts faudra-t-il encore avant que Bachar ne disparaisse ?

Le bon rôle de la France aurait été de concilier MM. Poutine et Obama, les nations ou organisations sunnites et les nations ou organisations chiites contre l’ennemi commun le plus dangereux, Daech, et cela grâce à cessez-le-feu en Syrie et en Irak.

Il aurait été, non pas de faire chorus à la prétention stupide de reconstituer l’Irak, dont l’Etat et la nation ont été durablement désintégrés par la guerre de Bush, non pas de rêver à la construction de la Syrie, mais dénoncer des buts de paix qui, seule réponse possible au califat de Terreur, serait une Confédération du Moyen-Orient respectant les religions, cultes et cultures si diverses de la région, et par là arrêtant l’hémorragie des minorités.

Enfin, disons que la guerre contre Daech se gagnerait, non seulement par la paix en Syrie, mais aussi par la paix dans les banlieues. Rien n’a été fait en continuité et en profondeur pour une véritable intégration dans la nation par une école enseignant la nature historique de la France qui est multiculturelle, et dans la société par la lutte contre les discriminations. Ajoutons que la paix en Syrie éteindra le fantasme de purification et de rédemption par le don de soi qui, liant romantisme et fanatisme, a poussé et continue à pousser les jeunes gens sur l’atroce chemin de bataille.


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