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La Tunisie a-t-elle les moyens de finir la Révolution ?

Actualités du droit - Gilles Devers, 12/02/2013

On ne peut parler de la Tunisie que la boule au ventre. Le printemps arabe...

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On ne peut parler de la Tunisie que la boule au ventre. Le printemps arabe est devenu un slogan frelaté, synonyme de revival light des puissances occidentales dans le monde arabe, mais la révolution tunisienne, elle, est exempte du doute.

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Tout est parti du geste de Mohamed Bouazizi, ce commerçant ambulant, humilié et ruiné par les forces sauvages de Ben Ali, qui s’est  immolé par le feu le 4 janvier 2011 à Ben Arous. A suivi le courage de la population tunisienne qui s’est levée contre les armes de Ben Ali, les instructeurs de Sarkozy et les discours genre Delanoë saluant les réformes et désavouant le mouvement populaire.

Dans la semaine qui a suivi la chute de Ben Ali, les nouveaux dirigeants ont été tétanisés par les injonctions européennes et US, qui étaient simples : « calme-toi, ou on te zigouille ». Avec tout le miasme anti-muslim, à la pelle...

Ben Ali n’était pas un dirigeant politique. C’était un mafieux toxicomane, qui laissait sa délicieuse épouse tout faire, pourvu qu’il ait sa came et son fric. Quand il  est monté dans l’avion pour Ryad, le vrai système de pouvoir est resté, et le discours a été simple : « nous tenons l’économie et nous sommes le vrai pouvoir : soit le système perdure, auquel cas nous ferons un effort ; soit on se casse. Mais alors, l’économie ne tiendra pas, le chômage explosera et vous serez renversés dans un an ».

La coalition honorable issue des élections s’est embarquée dans un projet d’assemblée constituante… qui a fini de geler la prise de décision. Deux ans plus tard, le bilan est navrant : pas de constitution, pas de loi électorale, un gouvernement provisoire qui gère sans programme, aucun plan économique, aucune purge, aucune procédure pour rapatrier les avoirs de Ben Ali, aucune procédure pour obtenir l’extradition de Ben Ali, et un enferment dans le moralisme, avec tous les pièges à la clé. 

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Ministères, services, grandes entreprises… les structures du système ancien perdurent, et les Etats occidentaux maintiennent la pression, persuadés que la Tunisie est trop faible et va lâcher.

Notre « ministre » de l’Intérieur Valls parle de fascisme en Tunisie… Veut-il un rapport sur ce qui se pratique chez son allié qu’est l’Arabie Saoudite ?

Le gouvernement tunisien, c’est-à-dire les trois partis qui le compose, est entièrement responsable. Il n’a rien géré, et a tout laissé faire, des agissements si intéressés de la CIA aux exactions des groupes salafistes dévoyés. La mort de Chokri Belaïd est le fait de ses assassins, mais la responsabilité politique est cette incapacité à assumer le pouvoir. Il lui reste quelques jours pour se ressaisir, ou alors, ce sera la grande bascule.

Pendant trois jours, il était flagrant de voir tout le petit monde anti-tunisien frétiller de bonheur à l’idée d’un gouvernement de technocrates dirigés par un Hamadi Jebali, isolé, soutenu par les plus conservateurs des islamistes, pour redonner le pouvoir aux « technocrates » et donc aux réseaux de l’époque Ben Ali.

Le Congrès pour la République (CPR), de Moncef Marzouki, s’est ressaisi et a dit non. La Tunisie a besoin d’un gouvernement qui assume des choix politiques et qui, tournant la page fumeuse des valeurs, décide enfin de s’attaquer aux vrais problèmes, à savoir l’emploi et le logement, dans l’idée d’une juste redistribution des richesses. C’est la seule voie qui répond aux aspirations des Tunisiens, et il faut des élections pour remettre les compteurs à zéro. Après ces deux ans perdus, c’est loin d’être gagné car le discrédit est immense, et toutes les forces contre-révolutionnaires, toutes, sont à la manœuvre.

Mohamed Abbou, le boss du CPR, a laissé une semaine, pour qu’Ennahda sorte du flou. C’est dire que ça discute enfin. Dans ce schéma, Jebali et les ministres de la justice et des affaires étrangères dégagent. Le troisième parti de la coalition Ettakatol louvoie. Tout le monde redoute la violence des groupes extrémistes.

S’ils n’imposent pas de vraies réformes économiques et sociales, les dirigeants sont cuits. En ont-ils les moyens, après tout ce temps perdu ? Les faits parleront.

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Chokri Belaïd


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