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Les Français vont s'adresser au président !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 13/04/2020

J'ai l'impression qu'il nous questionnera le 13 avril bien plus qu'il n'affirmera. Ce sera moins un président s'adressant aux Français que des Français sollicités par un président qui s'avancera au jugé. Il est à la fois tout - c'est la monarchie républicaine - et rien : il faut pouvoir lui couper la tête symboliquement chaque jour.

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Alors qu'apparemment le déconfinement n'est pas pour demain, on semble craindre déjà les luttes sociales qui le suivront. Laurent Berger a pris les devants puisqu'il juge "indécentes" les propositions du MEDEF (Le Figaro) et d'une partie du gouvernement laissant entendre qu'il faudra travailler plus, supprimer les jours fériés et annuler des RTT (Morandini).

Il y a quelque chose dans la démocratie française qui est schizophrénique. Le président de la République va s'adresser aux Français ce lundi 13 avril à 20 heures 02 - pour nous laisser le temps d'applaudir le personnel soignant - et depuis cette annonce reportée du jeudi au lundi, on suppute, on imagine, on invente, on prévoit, en tout cas on attend avec impatience ce que le président va dire.

Alors que par ailleurs, dans un récent sondage, la confiance dans le gouvernement décline et qu'une majorité nette lui fait de moins en moins confiance pour la manière dont il nous protège du coronavirus.

Le paradoxe est donc qu'on lui prête à la fois des certitudes pour répondre à nos interrogations et à notre début d'exaspération et que probablement lui-même n'en a pas, contraint de juger au jour le jour les effets terrifiants et fluctuants du fléau.

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Le président est désiré omniscient, décisif, empli d'autorité, lumière, exemple, éclaireur alors que dans les tréfonds du peuple on devine bien que le pouvoir est comme nous. Angoissé, voire craintif, hésitant, dubitatif, incertain. Le président va être d'autant plus incapable de nous mener en ligne droite vers un but salvateur qu'il va se fonder sur nos propres réactions après son intervention pour se forger une idée de ce qu'il devra proférer lors de son allocution suivante.

J'ai l'impression qu'il nous questionnera le 13 avril bien plus qu'il n'affirmera. Ce sera moins un président s'adressant aux Français que des Français sollicités par un président qui s'avancera au jugé. Il est à la fois tout - c'est la monarchie républicaine - et rien : il faut pouvoir lui couper la tête symboliquement chaque jour.

L'union nationale est le rêve tactique de tout pouvoir et l'aspiration d'une communauté nationale qui fantasme sur la concorde et les bonnes volontés réunies. Je n'y crois pas tant la France, hors cohabitation - une apparente tranquillité mais armée - est aux antipodes de ce songe sur l'unanimisme.

En revanche, je trouve parfaitement invraisemblable qu'on n'ait pas été capable de constituer en France un comité scientifique incontestable, pluraliste, composé de spécialistes en virologie et en épidémiologie et non pas de compétents dans des disciplines périphériques pour faire échapper sa structure aux intérêts clientélistes, corporatistes et financiers.

C'est évidemment le problème des commissions. Il ne sert à rien d'y nommer des gens qui sont d'accord. On aurait pu espérer que pour nous sauver on ait fait une exception.

Que vont donc dire les Français au président ?


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