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François Hollande en compagne !

Justice au singulier - philippe.bilger, 5/09/2014

Ces pages écrites dans l'urgence, composées dans le secret et publiées sans vergogne représentent à la fois une sale action et une indécence humaine.

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Quel gâchis que ce livre!

Je ne me suis pas contenté des extraits, je suis allé au bout et puis-je dire que je suis à bout ?

Il se murmure qu'aux côtés de Valérie Trierweiler (VT), Laurent Binet y aurait contribué, mais cela ne change rien à mon point de vue.

Ces pages écrites dans l'urgence, composées dans le secret et publiées sans vergogne représentent à la fois une sale action et une indécence humaine.

Et ce n'est pas l'étrange bienveillance quasiment corporatiste dont deux journalistes éminentes du Monde ont fait bénéficier l'ouvrage qui me fera modifier mon appréciation.

J'avoue à ma grande honte que si le président Sarkozy avait pâti d'un tel traitement, j'aurais peut-être approuvé celui-ci avec un contentement laid et sadique. Mais force est de reconnaître qu'il a su mieux choisir et aimer que François Hollande : Cécilia Attias a écrit sur son ex-époux avec délicatesse et dignité, à un moment qui ne prêtait pas à équivoque et à polémique. Et on n'imagine pas une seconde que Carla Bruni-Sarkozy, si son couple venait à se séparer, abandonnerait son art - faire entendre sa voix et ses chansons - pour se livrer à une telle charge vulgaire.

Je comprends l'attitude de ceux qui à gauche comme à droite s'indignent devant ce déballage. Stéphane Le Foll, Claude Bartolone, Thierry Mandon, Hervé Mariton et Nicolas Dupont-Aignan, notamment, ne le liront pas. Il n'y a que Brice Hortefeux, hypocrite, qui déplore tout en se félicitant de l'image négative donnée du président.

Pour ma part, contrairement à certains critiques, je préfère lire avant de juger.

Que cette chronique subjective et aigre soit le fait d'une favorite répudiée, ulcérée plus que jamais de l'avoir été, ne rend pas forcément absurde et partial l'ensemble de sa vision de François Hollande.

Que son entreprise ait été largement rémunérée et élaborée selon un processus qui révélait que VT avait évidemment conscience de ses effets ravageurs et qu'elle les désirait ne prive cependant pas de pertinence toutes ses analyses.

Le président de la République ne sort pas grandi par la relation de petites choses qui font de lui moins un homme normal qu'une personnalité tristement banale.

Etait-il toutefois absolument nécessaire de s'abandonner à cet exhibitionnisme dévastateur pour que la personnalité de François Hollande, pour ceux qui ont un peu le sens de la psychologie, soit enfin dévoilée ? Faut-il être d'une sagacité indépassable pour deviner ce qu'il y a dans l'être intime de notre président à la fois de faiblesse et d'autorité, de peur, de défiance et en même temps d'aptitude au bonheur et de goût de la séduction ? Est-il si difficile de percevoir que chez lui, comme chez tout séducteur qui sait ne pas pouvoir compter exclusivement sur lui mais sur l'aura et le pouvoir qui l'entourent, il y a eu et il y aura une part de misogynie ? Convient-il d'être bouleversé parce qu'on nous affirme qu'il lui arrive de mentir dans l'intimité et d'être lâche quand il choisit de répondre à une question gênante par une désinvolture de fuyard ?

Il est obsédé par les sondages qui baissent et par les médias, paraît-il. Quelle nouvelle !

Mais pour le reste qui est l'essentiel ? Le quolibet - les «sans-dents» - qui manifesterait sa dérision à l'égard des pauvres, son mépris de la famille Massonneau, sa sécheresse et sa volonté permanente de la laisser sur la touche, l'illégitimité qu'elle ressentait et qu'il aggravait, leur projet de mariage brutalement avorté parce qu'il avait commencé sa liaison avec Julie Gayet ?

Pour ma part, aussi déplaisant que puisse apparaître François Hollande à ses adversaires et sans doute à certains de ses soutiens - il lui en reste ! -, il me semble extravagant de lui imputer ce cynisme, cette haine, cette condescendance à l'encontre des humbles, de lui refuser sa sincérité contre la misère, sauf à donner à des échanges provocateurs privés, qui peuvent surgir chez nous tous, une dimension politique et sociale sérieuse.

La version de VT est-elle d'ailleurs exacte ? L'Elysée dément et conteste ces allégations. On comprend que François Hollande soit « atterré » : on le serait à moins, sans que cela valide en quoi que ce soit les coups ciblés de VT.

Même si elle a mis en lumière les ambiguïtés de l'histoire amoureuse et politique entre Ségolène Royal et François Hollande, j'attache cependant infiniment plus de crédibilité à celle qui a été sa compagne durant longtemps, la mère de ses enfants et qui est autant imprégnée d'humanisme que la journaliste. Ségolène Royal a formellement contredit cette image d'un François Hollande sarcastique et dédaigneux des affres de la misère en se fondant sur l'expérience qu'elle a eue de l'homme et du politique.

Ainsi, une compagne du président durant vingt mois à l'Elysée, majoritairement détestée par les Français, écrirait un livre et elle devrait être crue sur parole ? Oublie-t-on qu'elle a trouvé le moyen de commencer à affecter sa présidence par un comportement ridicule à la Bastille le 6 mai 2012, qu'elle a sciemment dégradé l'autorité présidentielle le 12 juin 2012 par son tweet de soutien à Olivier Falorni et qu'elle n'a cessé de répéter par la suite qu'elle était en train de s'habituer à son nouveau statut sans y parvenir à l'évidence ? Faut-il alors s'étonner que François Hollande, échaudé, ait eu tendance à se mettre à l'abri en tentant autant que possible de l'exclure, elle, de moments officiels importants et même d'une rencontre avec Nelson Mandela ? Est-il choquant de se mettre à la place de François Hollande en l'approuvant d'avoir favorisé sa tranquillité personnelle au détriment d'une emprise jalouse et d'une susceptibilité souvent blessée et à la longue encombrante ?

La pantalonnade de la rue du Cirque, ce qu'elle révélait de la vie intime du président, certes, n'était pas reluisante, et la France était moquée comme si elle était dans le placard de ce vaudeville. La souffrance, l'humiliation de VT étaient évidemment authentiques, mais heureusement passagères, puisque l'indécence de ce livre, pour une femme qui avait bataillé pour l'intimité de leur vie privée, montre qu'elle s'est guérie par une lamentable vengeance. On sait que l'arrangement financier dont elle a bénéficié lors de son départ de l'Elysée le 25 janvier 2014 n'était pas à son désavantage et qu'il semblait exclure tout livre de ce type et en de telles circonstances où elle jouit de son coup de force éditorial.

La focalisation sur les attaques perfides qu'elle distille l'ont fait réagir et affirmer qu'elle avait éprouvé « une vive admiration » pour le président et qu'elle ne regrettait rien. L'amante offensée qui a écrit cherche à faire illusion : ce serait la journaliste qui devrait avoir le dernier mot ! Et on a droit à « Je ne compte plus ses reniements. Sait-il encore où est sa gauche ? ». C'est tirer sans classe sur un véhicule quasiment reconverti en ambulance !

Mais l'apothéose est toute de nostalgie et de passion : « Puis-je seulement avoir été aimée autant que j'ai aimé » !

Comme c'est grand, sincère et émouvant ! Le fin mot de tout cela n'est-il pas, derrière la mousse apparente, de montrer qu'elle serait encore désirée par cet inconstant qui lui aurait transmis la bagatelle de 29 SMS le 3 juillet 2014 et qui aspirerait à « la regagner comme une élection » ? Avec quelle amère jubilation elle rapporte, si elle dit vrai, le comportement de cet inconséquent qui la harcèle maintenant qu'elle ne pèse plus sur lui par sa présence !

Tout de même, pour qui a ce livre entre les mains, la nausée vient d'abord de son existence.

François Hollande « ne lui demandait que d'être belle » : il pressentait que le pire était à venir.


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