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Me Eolas rouvrira son compte Twitter !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 9/10/2015

Je ne sais pas si Me Eolas a interjeté appel de ce jugement. En revanche j'ai la certitude qu'après l'avoir fermé, il rouvrira vite son compte Twitter. Avec un autre parfum, j'espère.

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Je connais Me Eolas, je sais qui il est pour l'avoir rencontré à plusieurs reprises. A chaque fois, son amabilité sans effusion et son souci d'exactitude m'ont frappé.

Son blog qu'il nourrit avec constance, parce qu'à l'évidence il est un très gros travailleur, est au sommet des blogs juridiques et domine de très loin ses concurrents.

J'ai d'autant moins de mal à l'admettre que je ne me suis jamais situé sur son terrain et que j'aurais été incapable de mener à bien ce qu'il a entrepris et si brillamment réussi.

Il a été également très présent sur Twitter et c'est peut-être notre seul véritable point commun. J'ai eu droit parfois à certaines de ses acidités, directement ou indirectement, mais toujours avec une parfaite correction.

Il paraît qu'il a fermé son compte Twitter à la suite de sa condamnation, le 6 octobre, par le tribunal de Nanterre pour avoir diffamé et insulté publiquement, par un tweet, l'Institut pour la justice (IPJ).

Quand j'ai lu son tweet, j'ai été effaré : "Je me torcherais bien avec l'IPJ si je n'avais pas peur de salir mon caca".

Par quel processus intellectuel et psychologique un homme fin, délicat et courtois avait-il pu se laisser aller à écrire un tel propos scatologique et si grossièrement indigne du débat même le plus basique ? Qu'avait-il pu se passer dans sa tête et dans son inimitié pour que surgisse ainsi ce comble de vulgarité ? Si étrange, si incongru, si laid que je me demandais comment il avait pu être le fait de la personnalité que j'avais rencontrée et qui était aux antipodes d'une telle extrémité.

Me Eolas qui a été sans doute défendu avec talent par un autre avocat blogueur ne pouvait qu'être sanctionné même si, par exemple, traitée d'étron Marine Le Pen, elle, n'avait pas obtenu justice.

Mais la liberté d'expression n'est pas un pavillon destiné à couvrir n'importe quelle marchandise. Il y a des propos trop fréquents aujourd'hui qui, à cause de leur forme humiliante et dégradée, devraient imposer à leur auteur de s'excuser auprès de ce beau principe démocratique qu'est la liberté d'expression parce qu'ils le mettent en péril en le dévoyant.

J'admets volontiers être trop sensible à la parole, sa qualité, son esthétique, son apparente correction qui non seulement n'exclut pas la vigueur du fond mais la permet encore davantage, pour n'être pas profondément choqué par cet incident. J'attache tellement d'importance à cette idée que je crois juste et que j'enseigne par ailleurs : la parole et l'écrit ont d'autant plus d'audace provocatrice, pour la substance, que leur style les maintient dans l'élégance, autant que possible.

Je me suis demandé pourquoi une sorte d'indulgence amusée, presque satisfaite avait accueilli cette vulgarité et comme on n'était pas loin de célébrer la salissure causée à l'IPJ (Le Monde).

Me Eolas avait mille manières de contester une pétition pourtant indiscutable et qui avait eu trop de succès pour tous ceux qui n'aiment pas l'IPJ - dont l'immense tort est de se préoccuper des victimes, mais sans voix et sans influence, de la justice. Moi-même je ne partage pas toutes les positions de l'IPJ qui est pourtant d'autant plus nécessaire aujourd'hui qu'une politique pénale calamiteuse justifie son action, ses protestations et ses propositions.

Mais le fait que l'IPJ avait été ainsi diffamée et insultée a clairement fait plaisir à tous ceux que la détresse et les souffrances au quotidien n'affectent pas et qui croient les consoler avec la pureté et l'abstraction des principes.

Et il s'agissait, surtout, de Me Eolas qui a su parfaitement concéder, d'un côté, au savoir, à la rigueur et à la pédagogie ce qu'il estimait leur devoir mais de l'autre, avec cette subtile et biaisée objectivité de gauche, offrir aux progressistes de tous bords l'alliance rêvée d'une partialité idéologique et d'un habillage juridique.

Je ne sais pas si Me Eolas a interjeté appel de ce jugement. En revanche j'ai la certitude qu'après l'avoir fermé, il rouvrira vite son compte Twitter.

Avec un autre parfum, j'espère.


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