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Les meilleurs ne sont pas ceux qu'on croit !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 28/05/2020

Les meilleurs ne sont pas ceux qu'on croit. La crise terrible passée, Sebastian Kurz et Viktor Orban retomberont dans l'opprobre paresseux des détestations réflexe. Trump sera sans doute réélu parce que Joe Biden est infiniment maladroit. Jaïr Bolsonaro a révélé qu'il ne suffisait d'être espéré par un peuple pour être une chance pour celui-ci. Et Nicolas Sarkozy se console en donnant des conseils à Emmanuel Macron qui le flatte mais ne l'écoute pas.

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Mon titre fait référence à l'inégalité des pouvoirs face à la pandémie. Va-t-elle nous obliger à reconsidérer quelques idées reçues ? J'en doute d'autant plus que je ne méconnais pas le caractère trop immédiat - l'intuition d'un matin - et superficiel de mon approche. Mais je veux la mettre à l'épreuve face à mes lecteurs.

A considérer l'efficacité de la lutte européenne et mondiale contre le Covid-19, il me semble qu'on peut admettre qu'il y a des réussites qu'on n'aurait pas prévues et même, pour certains opposants, souhaitées, et des faillites incontestables.

Dans ces dernières, je placerai sans l'ombre d'un doute les gestions ratées du président Trump et du président Bolsonaro et pour les succès, en tout cas aujourd'hui, les actions gouvernementales entreprises sous l'autorité du Chancelier fédéral Sebastian Kurz en Autriche et du Premier ministre Viktor Orban en Hongrie.

Ce partage m'intéresse dans la mesure où je n'ai jamais tourné systématiquement en dérision le président des Etats-Unis et où, en revanche, toutes les bonnes consciences progressistes n'ont cessé de s'en prendre au caractère dangereusement "populaire" de Kurz et "autoritaire" de Orban.

Faut-il de surcroît faire allusion à des démocraties vantées comme la Suède qui ont pris des risques insensés en refusant le confinement ?

Cette discrimination offre le grand avantage de nous obliger à réfléchir, et peut-être bien au-delà de la pandémie, sur le rapport contrasté au réel des hommes au pouvoir.

A l'évidence il y a des personnalités tellement habituées à ce que rien ne s'interpose entre leur domination et son effectivité qu'elles sont déstabilisées, quasiment impuissantes face à des fléaux imprévisibles, atypiques, sans le moindre lien avec la "cuisine" politique. Elles sont alors dépassées, presque incohérentes, confrontées à un péril qu'elles tentent alors de juguler soit en niant son existence soit en le traitant sur un mode erratique.

Il est pathétique de constater, sur ce plan, une incompétence amplifiée par un aveuglement niais et une autoritaire désinvolture de la part des chefs d'Etat que j'ai mentionnés pour le pire. Ce qu'ils ne comprennent pas n'a pas le droit d'être.

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En revanche d'autres - dont Sebastian Kurz et Viktor Orban - sont au contraire stimulés par le réel éprouvant, voire tragique et se sentent alors des responsabilités accrues. Comme si sortant du jeu politicien avec ses équivoques, ils étaient au contraire mobilisés encore davantage face à un désastre, à une catastrophe aux effets dramatiquement lisibles et univoques.

Qui n'appelaient de leur part qu'une série d'actions et de mesures nécessaires à la préservation de l'intégrité de leurs concitoyens.

J'ose généraliser.

Il y a des Créon enthousiasmés par la difficulté, sublimés par les crises, meilleurs que par temps calmes, parce que porteurs au fond d'eux-mêmes d'une inépuisable énergie, ils s'accordaient miraculeusement avec les épreuves inédites, les bouleversements quasi sans issue, imposant des élans et des inventions sans commune mesure avec l'ennui tranquille des démocraties ordinaires si peu bousculées.

Nicolas Sarkozy a été l'homme des orages et, s'il pouvait décevoir dans les séquences où sa nature était trop exaltée par rapport à ce qu'elle avait à accomplir, il brillait au contraire dans les tempêtes, d'abord parce que celles-ci justifient le splendide narcissisme du capitaine qui a à les affronter pour son peuple. Il doit se mettre en avant, être le premier sous la mitraille du réel national, européen et mondial. Tout ce qu'il y avait de négatif chez lui dans le train-train devenait un formidable atout pour échapper au gouffre, si près, tout près.

En revanche je ne suis pas persuadé qu'Emmanuel Macron, espérant un quinquennat serein où il pourrait faire preuve de cette intelligence un peu condescendante - réformer à tout prix parce qu'il savait mieux que nous ce qui convenait à la France dont nous faisions partie -, n'a pas été gravement désarçonné par les multiples aléas dérisoires, personnels et/ ou politiques, sociaux et, depuis quelques mois, sanitaires. Sans l'offenser, il ne m'a pas paru appartenir à la catégorie des chefs d'Etat portés au comble d'eux-mêmes pour le meilleur, par tout ce qui est venu troubler le cours d'une domination démocratique imaginée sans nuages. Quelle réalité insupportable que celle qui a le culot de désorganiser l'impeccable ordonnancement programmé par un esprit supérieur au nôtre !

Les meilleurs ne sont pas ceux qu'on croit.

La crise terrible passée, Sebastian Kurz et Viktor Orban retomberont dans l'opprobre paresseux des détestations réflexes. Donald Trump sera sans doute réélu parce que Joe Biden est infiniment maladroit. Jaïr Bolsonaro a révélé qu'il ne suffisait pas d'être espéré par un peuple pour être une chance pour celui-ci.

Et Nicolas Sarkozy se console en donnant des conseils à Emmanuel Macron qui le flatte mais ne l'écoute pas.


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