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Froome me to you

Justice au singulier - philippe.bilger, 20/07/2013

Froome me to you, tant qu'on n'aura pas démontré le pire, je veux continuer sereinement à m'enchanter du meilleur.

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Ce n'est pas parce qu'on a fermé les yeux durant des années et que les instances internationales, avec Lance Armstrong, ont été complices qu'il faut jour après jour distiller le soupçon et réduire à presque rien des exploits à l'apparence indiscutable.

Je comprends aussi le cyclisme - notamment les "coups de gueule" de Bernard Hinault - qui en a assez d'être sans cesse la cible privilégiée alors que tant d'autres sports, en particulier le tennis et le foot, exigent des efforts intenses, inouïs, qui pourraient eux aussi faire légitimement douter de la pureté de ces énergies infatigables.

Christopher Froome est un champion affable et souriant. Je n'en tire aucune conclusion en sa faveur. En revanche, son énervement et celui de l'équipe Sky devant leurs performances sans cesse remises en cause sont explicables et ne signifient en rien que l'un et l'autre auraient forcément des secrets honteux à cacher.

Les méthodes d'entraînement de cette équipe, le comportement habituel de Froome pratiquement jamais en danseuse, son pédalage extrêmement rapide rappelant, si je ne me trompe pas, les envolées en montagne du mythique Charly Gaul, les relatives faiblesses constatées certains jours, la fringale terrible qu'il a subie dans la seconde montée de l'Alpe d'Huez, les contrôles fréquents pour l'instant négatifs, même ceux à l'improviste lors du dîner des coureurs Sky, constituent autant d'indices qui ne rendent pas absurde d'espérer que Froome soit un sportif exceptionnel et pas forcément dopé.

Il y a une amplification de la suspicion, qui s'appuie sur des procédés et des mesures scientifiques permettant la comparaison avec les escalades de coureurs indiscutablement dopés et sur les capacités de dissimulation sophistiquées susceptibles d'être mises en oeuvre par telle ou telle équipe (Le Monde).

Christopher Froome n'a pas eu à surmonter l'épreuve d'un cancer et lui - pas plus que ceux qui l'entourent - n'a jamais été en facilité de s'abriter derrière les fraudes et les substitutions d'urine ayant profité à Armstrong.

Jusqu'à nouvel ordre, il me semble qu'on devrait continuer les actions de surveillance, la vigilance concrète et inopinée mais se garder de cette inlassable méfiance qui pourrit tout et blesse profondément des champions qui doivent démontrer bien au-delà de leur propreté apparente : ils seraient à chaque coup de pédale des coupables en puissance puisque leur innocence ne serait que suspendue avant la prochaine révélation.

Qu'on ne m'impute pas d'être indifférent à la loyauté du sport et à l'intégrité des corps mais, sans être passionné par le Tour de France sauf dans ses étapes de montagne et ses courses contre la montre, je voudrais au moins une forme d'équité qui durant quelques heures nous autorise sans honte l'émerveillement, voire l'admiration devant des comportements extra-ordinaires.

Je me souviens de ma brutale désillusion quand j'avais appris que mes idoles absolues, les Beatles, sous l'influence délétère de Bob Dylan, s'adonnaient à toutes les drogues. Cette addiction banale dans ce milieu me les avait rendus justement très ordinaires. Je n'avais pas aimé cette chute du rêve au réel.

Froome me to you, tant qu'on n'aura pas démontré le pire, je veux continuer sereinement à m'enchanter du meilleur.


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