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Recomposition politique, plénitude de la Justice ?

Justice au Singulier - philippe.bilger, 17/05/2017

Si l'investissement présidentiel est celui auquel j'aspire et que la Justice apparaisse enfin comme une institution à la hauteur des attentes populaires parce que sublimée par le haut, nous pourrions pour une fois nous trouver dans une situation exceptionnelle où plus rien n'interdirait à la magistrature d'être fière du grand métier qu'elle exerce et de substituer à ses récriminations et doléances habituelles l'élan d'un corps enfin sûr de soi.

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A quoi servirait une recomposition politique si elle s'arrêtait seulement aux modalités et à la forme de la vie démocratique, au déverrouillage de débats et d'analyses trop souvent gangrenés par l'esprit partisan ?

Si elle ne touchait pas le fond des projets et la nature même de l'action.

On ne connaîtra le nom des ministres que le 17 mai à 15 heures. Et donc celui du garde des Sceaux. On évoque la possibilité de voir François Bayrou place Vendôme - personnellement j'en serais heureux - ou Jean-Paul Delevoye. Quel que soit le futur occupant de ce poste prestigieux, dont Jean-Jacques Urvoas, sous François Hollande, aura été le dernier et exemplaire serviteur, il est fondamental que la Justice - dans tous ses registres mais essentiellement pénal pour ce qui concerne ce billet - bénéficie de cette configuration exceptionnelle.

Celle d'un président de la République et d'un Premier ministre animés par un même souci de réforme et décidés à ouvrir d'autres chemins que ceux sempiternels et décevants de la droite et de la gauche classiques.

Mmm

Cette chronique désillusion sous toutes les latitudes justifie qu'on attende beaucoup de cette alliance inédite.

D'abord que la Justice, qui n'a pas été prioritaire dans le projet du candidat Macron, devienne, au même titre que les préoccupations économiques, sociales et financières, une cause nationale maintenant que le règne de la considération et de l'action doit succéder au temps des promesses. Le président de la République, son Premier ministre, bien au-delà de la nomination d'un ministre compétent et respecté, devront mettre leur poids dans la balance républicaine pour que, enfin, l'institution judiciaire ait droit à autre chose que des hommages formels généralement contredits tant par l'indifférence ou, au contraire, la volonté d'emprise que par des budgets en progression mais encore bien trop modestes.

A l'évidence une voie existe qui, entre un Nicolas Sarkozy qui mettait trop la main à la pâte judiciaire et un François Hollande se tenant éloigné de ce dont il se méfiait, permettrait au président Macron d'appréhender la Justice de manière en même temps bienveillante et informée. Il n'est écrit nulle part que le chef de l'Etat soit tenu à une forme d'ignorance à l'égard de cette "autorité" capitale en démocratie, et d'autant moins dans une période où l'exigence de moralisation de la vie publique est plus que jamais mise en exergue.

Cette recomposition devrait favoriser, surtout, la plénitude de la Justice. La droite comme la gauche n'ont jamais su, à mon sens, élaborer une politique pénale qui ne soit pas fragmentaire, inachevée, hémiplégique. Comme si l'une et l'autre s'étaient campées sur ce qu'elles croyaient être, pour chacune, l'essentiel en abandonnant le reste à leur adversaire.

La droite tellement à l'écoute du réel qu'elle est parfois étouffée par lui, si désireuse d'efficacité, adepte d'un pragmatisme basique et d'utilité sociale, attachée à la sécurité plus qu'aux libertés, pessimiste, doutant des facultés de rédemption, sans état d'âme face à ce que la répression impose. La générosité et l'humanisme lui manquent et au fond elle ne les regrette pas.

Pour la gauche, l'abstraction des principes, les élans du coeur, la société coupable et le transgresseur forcément pitoyable, la prison qui crée le mal et non pas le mal la rendant nécessaire, un peuple à changer s'il n'est pas assez sensible à l'idéalisme et à la compréhension. Le réalisme, la lucidité et la majorité des honnêtes gens lui importent peu.

Elle s'est appropriée l'humanisme et la droite a assumé la dure relation avec les délits et les crimes.

J'entends bien que cette vision contrastée est délibérément caricaturale mais il n'empêche que notre histoire politique a démontré l'inaptitude de la droite, pour la Justice, à élaborer ce qu'on pourrait qualifier une vision synthétique qui accorderait rigueur, sévérité d'un côté et dignité, espérance de l'autre. Et l'impuissance de la gauche à se sortir de son ciel des idées et de ses fantasmes en acceptant l'intrusion du réel et le douloureux constat que tous les êtres ne sont pas bons.

Qu'on examine les politiques pénales alternatives qui n'ont jamais satisfait pleinement le citoyen, et on remarquera que droite et gauche ont laissé sur le bord de la route ce qui leur aurait semblé indigne de leur philosophie et de leurs pratiques.

La recomposition est naturellement dévolue à cette révolution faisant surgir dans l'espace républicain une Justice non plus mutilée mais pleine et entière, capable de tenir les deux bouts de la chaîne pénale. Un humanisme mais vertébré, une rigueur mais équilibrée. Entre laxisme et brutalité. Entre "ce n'est pas leur faute" et "ils sont tous irrécupérables".

Je ne peux pas passer sous silence les quatre années catastrophiques de Christiane Taubira, pire exemple d'une idéologie déconnectée et méprisante. Repoussoir à mon avis pour Jean-Jacques Urvoas hier et pour notre prochain garde des Sceaux. Savoir ce qu'il convient d'éviter, c'est déjà beaucoup !

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Si l'investissement présidentiel est celui auquel j'aspire et que la Justice apparaît enfin comme une institution à la hauteur des attentes populaires parce que sublimée par le haut, nous pourrions pour une fois nous trouver dans une situation exceptionnelle où plus rien n'interdirait à la magistrature d'être fière du grand métier qu'elle exerce et de substituer à ses récriminations et doléances habituelles l'élan d'un corps enfin sûr de soi.


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