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Pour un Etat de l'urgence...

Justice au Singulier - philippe.bilger, 5/12/2015

Avec une Constitution ainsi enrichie, la France, par exemple, n'aurait pas été contrainte de perdre tant de temps entre le mois de janvier et le mois de novembre en ayant oublié l'urgence. Puisqu'elle aurait eu, pour la défendre, un Etat de l'urgence.

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Contrairement à ce qu'on croit, François Hollande n'est pas un président du juste milieu.

Quand il découvre une réalité après l'avoir ignorée ou sous-estimée, il a le zèle des convertis. Il passe sans aucun état d'âme d'un bord à l'autre et se moque des blessures qu'il inflige à son propre camp. C'est au contraire une manière efficace de se débarrasser des grincheux dogmatiques chroniques. Il y a eu les frondeurs et il y a maintenant les chipotages face à l'état d'urgence. Il arrive que les premiers s'abandonnent aussi aux seconds.

Le président de la République, sur le plan économique et social, avec son pacte de compétitivité, devenu de responsabilité puis de solidarité, est allé en effet plus loin que la droite ne l'aurait fait, avec un revirement spectaculaire, même si les résultats se font attendre.

Quand il a découvert, avec émotion et indignation, qu'on pouvait faire mal à la France, assassiner par pure haine islamiste et qu'il avait été naïf, et son gouvernement avec lui, après les massacres du mois de janvier, qu'il a pris conscience du fait que la loi sur le renseignement, bonne dans son principe, avait été mise en oeuvre trop tardivement et que les monstruosités du 13 novembre allaient affecter durablement la tranquillité de notre pays et multiplier les menaces, il n'a pas hésité à opérer une mue complète.

Chef de guerre pour nos interventions extérieures, il s'est enfin décidé à mener une guerre contre le terrorisme à l'intérieur de nos frontières en continuant à négliger les broutilles représentées par la délinquance et la criminalité ordinaires.

L'état d'urgence, qui ne pouvait pas ne pas être adopté, devra être prolongé autant que la situation de notre pays l'exigera avec la difficulté de rendre compatible ce processus exceptionnel et dérogatoire avec "le péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public".

Je ne crois pas que cela fera réfléchir François Hollande mais il est symptomatique que depuis le 13 novembre, surtout en région parisienne, les vols, les agressions et les cambriolages ont connu une baisse sensible (20 minutes).

Ce qui permet de penser qu'une démocratie s'en donnant véritablement les moyens, sans à l'évidence nous faire vivre sous un régime totalitaire, obtiendrait des résultats impressionnants contre tous les transgresseurs, crimes et délits confondus.

Au fil des jours, l'esprit de son remarquable discours devant le Congrès m'apparaît mieux.

Avec la révision de la Constitution, il ne s'agirait pas d'amplifier le pouvoir présidentiel mais de structurer un état d'urgence élargi et susceptible de prolongation avec des dispositions sévères soumises pour avis au Conseil d'Etat - notamment la déchéance de la nationalité étendue à tous les binationaux, nés Français ou naturalisés (Le Monde) - afin de couvrir du manteau de notre Loi fondamentale les mesures d'exception exigées par le caractère exceptionnel de certaines atteintes et agressions à l'encontre de la communauté nationale.

Ce serait en quelque sorte une opération de noble intégration comme la loi sur le renseignement a su prendre en charge l'officieux clandestin et efficace pour lui donner ainsi un statut plus respectable.

L'état d'urgence constitutionnellement à la disposition de l'Etat aurait à mon sens un double avantage.

D'abord il permettrait de remiser une fois pour toutes le débat lassant et indécent, face à l'horreur singulière ou collective perpétrée par le radicalisme islamiste, entre les libertés et la sécurité puisqu'il serait acquis que l'usage de cette disposition constitutionnelle réduirait heureusement les premières pour la sauvegarde de tous.

Surtout, comment concevoir demain et le futur encore plus éloigné si de paroxysme en paroxysme, les crimes terroristes condamnent l'Etat à une escalade répressive, ponctuelle, qui trouvera forcément un jour son aboutissement, sauf à faire revenir des pratiques abolies et récusées majoritairement ?

La Constitution, avec la refonte envisagée, pourvue d'un état d'urgence avec une armature rigoureuse, complète et valable à tout coup à l'encontre des actes terroristes, pour leur poursuite comme pour leur répression quelle que soit leur gravité évolutive, constituerait un socle de fermeté stable et définitif pour notre démocratie. L'Opposition pourrait approuver cette révision qui faciliterait la mission de protection de tous les présidents à venir. Nicolas Sarkozy n'a pas exclu l'adhésion de ses troupes si l'enjeu était clairement défini.

Avec une Constitution ainsi enrichie, la France, par exemple, n'aurait pas perdu tant de temps entre le mois de janvier et le mois de novembre en ayant oublié l'urgence.

Puisqu'elle aurait eu, pour la défendre, un Etat de l'urgence.


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