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Sur Jean Rochefort, je me suis trompé énormément !

Justice au singulier - philippe.bilger, 11/03/2013

Si la vraie vie ne se résume pas à cette scène odieuse et même quand d'autres expériences vous ont marqués, comme je suis accordé à cette menace du collectif sur la personne quand la solitude souvent la sauve en dépit des apparences ! Comme Jean Rochefort, avec cette règle d'existence suscitée par le pire à l'âge de 14 ans, montre que dans le milieu artistique, il est quasiment seul avec son courage et son indifférence à l'esprit convenu ! Sur lui, je me suis trompé énormément.

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Je ne sais pas ce qui m'a pris ce soir là à On refait le monde sur RTL, avec Marc-Olivier Fogiel (MOF). On venait d'annoncer que Jean Rochefort avait décidé de ne plus tourner et, en quelque sorte, de se retirer. L'émotion artistique et médiatique était au plus haut, disproportionnée comme souvent, et les éloges pleuvaient sur Jean Rochefort comme s'il était déjà mort. Il y avait dans ces manifestations quelque chose, à la fois, d'indécent et de ridicule par rapport à la gravité et à la misère du monde.

Au moment où ce fut à mon tour de parler, j'ai tenté d'exprimer ce que je ressentais. Mon agacement aussi devant ses apparitions publicitaires, son côté British, l'affectation avec laquelle il me semblait cultiver son personnage en même temps ironique, décalé et à la longue prévisible. MOF, avec la liberté qu'il nous laisse, a paru un peu étonné devant ma critique même si j'avais reconnu le grand talent de l'acteur.

Les jours qui ont suivi, on a appris qu'il ne s'agissait pas d'une retraite parce que les médias avaient mal interprété ses propos.

J'éprouvais comme un malaise minuscule mais lancinant devant la réaction que j'avais eue et je détestais cette impression de m'être laissé gouverner par une humeur aigre sans véritable cause ni justification. Autour de moi, Jean Rochefort recueillait tous les suffrages et ce consensus n'était pas loin de me déstabiliser encore davantage.

Cette remise en cause jamais agréable à faire a connu son apogée - avec l'aveu intime d'une totale erreur de perception de ma part, ayant pris l'accessoire pour l'essentiel - quand j'ai lu son beau portrait par Jean-Pierre Lacomme qui a bien et beaucoup fait parler Jean Rochefort (Le Journal du Dimanche).

La nostalgie aussi s'en était mêlée avec l'omniprésence, dans ma mémoire, de son rôle dans Cartouche aux côtés de son ami Jean-Paul Belmondo. D'autres films, plus récents, auraient mérité de m'occuper l'esprit mais on croit se souvenir d'oeuvres alors qu'on se penche sur sa jeunesse et que c'est doux bien plus qu'amer !

Ce qui m'a touché au-delà de tout dans ce "Jean Rochefort par lui-même" en quelque sorte tient d'abord à la profondeur, à la finesse et au caractère universel de ses réflexions, notamment sur la mort et sur sa passion de l'échec qui, aussi paradoxale qu'elle soit, habite beaucoup plus d'êtres qu'on ne pense. Il y a des dilections tristes qui prennent une place infinie et, en tout cas, telle que le goût du bonheur n'en a plus pour lui.

Surtout, Jean Rochefort raconte une anecdote terrible dont il a été le témoin quand il était âgé de 14 ans, en 1944 :"La première femme nue que j'ai vue était enchaînée, couverte de croix gammées et de crachats... J'envisageais de la sauver, tel Don Quichotte. Bien sûr, je me suis dégonflé".

Il y a tout ce que j'aime dans ce récit : la révolte, la compassion, la lucidité, la dérision à l'égard de soi. Jean Rochefort donc, tout entier déjà.

Mais il manque quelque chose qui est fondamental. Puisque Jean Rochefort va au plus juste, au plus près :"De cette période m'est restée une inquiétude très grande vis-à-vis des hommes en groupe qui risquent de perdre objectivité, tendresse et lucidité... Du coup j'ai choisi de vivre dans la fiction."

Si la vraie vie ne se résume pas à cette scène odieuse et même quand d'autres expériences vous ont marqués, comme je suis accordé à cette menace du collectif sur la personne quand la solitude souvent la sauve en dépit des apparences ! Comme Jean Rochefort, avec cette règle d'existence suscitée par le pire à l'âge de 14 ans, montre que dans le milieu artistique, il est quasiment seul avec son courage et son indifférence à l'esprit convenu !

Sur lui, je me suis trompé énormément.


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