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La Justice entre Christiane Taubira et le peuple...

Justice au Singulier - philippe.bilger, 29/01/2015

Ce "relatif échec" admis par le président du CSM sera lourd de conséquence s'il n'est pas surmonté par une audace et un élan. Ceux qui conduiront, pour la Justice, à choisir le peuple plutôt que Christiane Taubira.

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La garde des Sceaux continue son chemin de croix, son chemin de soi.

Plus personne ne lui fait confiance qu'elle-même et le pouvoir, de plus en plus à bas bruit pour ce dernier.

Même Alain Juppé, lors de la première étape de son tour de France en vue de la primaire de 2016, a dénoncé sa politique pénale (Le Monde).

De la part de cette personnalité à "l'impitoyable modération", comme on se plaisait à le dire de Raymond Barre critiquant François Mitterrand, une telle charge a évidemment du prix et montre à quel point la droite intelligente et équilibrée a enfin cessé de choyer les vieilles lunes de la gauche judiciaire qui, un temps, avait pollué au-delà de son camp.

Un dossier accablant, et que l'absence de nuance, aujourd'hui, ne rend plus caduque puisque depuis les événements tragiques que la France a connus, plus rien n'est à garder d'une faiblesse érigée en dogme, la déclare "coupable d'aveuglement, de laxisme, d'incompétence". On n'a jamais considéré Valeurs Actuelles pour un hebdomadaire qui répugnait aux couvertures chocs mais quel retournement que de devoir admettre que, s'il y a outrance, le réel ne la dément pas.

J'ajoute qu'aux temps de l'idolâtrie pour cette ministre bienheureux "marqueur de gauche", on n'a jamais reproché aux publications dévotes leur soutien énamouré qui serait pourtant si aisé à pourfendre et à ridiculiser maintenant.

Laissons Christiane Taubira en face d'elle-même : nul doute qu'elle continue à s'admirer. C'est la force déplorable de certains êtres que de s'acquitter toujours.

Venons-en au peuple qui est directement concerné par le constat préoccupant fait par le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Celui-ci a estimé en effet que la saisine directe du CSM par les justiciables, introduite en 2011, est "un relatif échec" puisque 98% des plaintes avaient été écartées (Le Figaro.fr).

Cette voie de recours est ouverte à tout justiciable "qui estime qu'à l'occasion d'une procédure judiciaire le concernant, le comportement adopté par un magistrat" pourrait constituer une faute disciplinaire.

En quatre ans, 1278 réclamations ont été enregistrées mais seules 29 ont été déclarées recevables.

Au total, trois magistrats ont été appelés à comparaître devant une formation disciplinaire sans qu'aucun soit en définitive sanctionné.

Cette saisine directe du CSM par le justiciable est une avancée fondamentale et touche à ce qui est l'essentiel pour le citoyen : que les magistrats n'aient pas de pouvoir sans contrepartie.

Il existe certes déjà une responsabilité pénale, civile et disciplinaire des juges mais celle-ci renvoie davantage à des comportements personnels intrinsèquement répréhensibles qu'à la relation entre les magistrats et les justiciables, aux pratiques des premiers et aux doléances des seconds.

Il était inévitable que l'obligation, pour le requérant devant le CSM, d'identifier et de définir une faute disciplinaire réduirait considérablement la recevabilité. Comme si, entre le comportement professionnel satisfaisant et la transgression disciplinaire, il ne pouvait pas y avoir un certain nombre de degrés qui devraient pouvoir être ciblés à condition que soient scrupuleusement distinguées la normalité judiciaire des aberrations juridictionnelles.

Celles-ci, à mon sens, mériteraient d'être soumises à un CSM lui-même rénové - des magistrats imparfaits jugeant des juges dénoncés comme fautifs, quelle étrange chose ! - après qu'on ait lucidement pointé le zeste de disciplinaire au coeur des graves défaillances professionnelles et la médiocrité de l'action ou de l'inaction dans beaucoup de griefs disciplinaires, ces synthèses dans lesquelles l'incurie a un double visage.

Contrairement à ce que les syndicats laissent entendre, tous deux conservateurs sur ce plan, favoriser l'instauration d'une responsabilité plus adaptée à la grandeur et aux devoirs du métier de magistrat, avec une réforme des dispositions de 2011, ne réduira pas la considération due au service public de la justice et son influence démocratique.

Ce sera l'inverse. En effet, les citoyens se détourneront d'une hostilité populiste et globale à l'égard de la magistrature puisque ses éléments douteux, quel que soit leur champ de malfaisance, seront sanctionnés. Le respect s'attachera au pluriel puisque le singulier sera, s'il le faut, disqualifié.

Ce "relatif échec" admis par le président du CSM sera lourd de conséquence s'il n'est pas surmonté par une audace et un élan.

Ceux qui conduiront, pour la Justice, à choisir le peuple plutôt que Christiane Taubira.


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