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Monsieur le président, il y a une solution !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 2/12/2018

La seule solution qui vaille est cette solution politique. L'arrogance d'un Etat est le pire handicap pour faire fi du bon sens démocratique. Il faut abandonner la posture et tenter de réconcilier ainsi la France et son président. La France des oubliés avec celle des privilégiés. Puisqu'il ne doit y en avoir qu'une : indivisible.

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Si chaque Français est un sélectionneur en chambre et n'a que la compétence qu'il s'octroie, tout citoyen en revanche a le droit et la légitimité de conseiller le président de la République d'autant plus que le Premier ministre et beaucoup de ses ministres ne sont pas à ce point remarquables qu'ils puissent rendre impudente la moindre critique.

J'ai envie d'écrire chaque jour sur ce blog tant l'actualité déplorable nourrit la réflexion, tant la pensée est irriguée par un réel contrasté qui ne laisse pas l'esprit en repos.

A peine levé, émission spéciale sur Sud Radio.

Le ministre de l'Intérieur n'exclut pas l'état d'urgence.

Le président à la rencontre des policiers avenue Kléber. Hué et applaudi. Un groupe de Gilets Jaunes avec une jeune femme porte-parole délirante (LCI).

Réunion de crise à l'Elysée.

Si l'état d'urgence était instauré pour éviter les scandaleuses scènes de guérilla urbaine du 1er décembre avec des casseurs éparpillés en plusieurs sites de la capitale et portant malicieusement, pour certains, des gilets jaunes, qui serait choqué sinon les quelques professionnels du désordre et de la violence théorisés ?

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Hommage aux forces de l'ordre épuisées mais protectrices autant que l'éclatement parisien le permettait avec l'extrême difficulté, en divers lieux, de coagulations et de mêlées entre des casseurs, des Gilets Jaunes spectateurs, approbateurs ou même parfois casseurs.

Mais l'état d'urgence n'aurait qu'un temps et ne réglerait pas le malaise des profondeurs.

Si la Justice - il faut saluer la réactivité du procureur de la République de Paris qui a fait en sorte que l'appareil judiciaire soit adapté aux multiples interpellations dominicales - se décidait à édicter autre chose que du sursis à l'encontre de ces voyous (avec quelle obstination on cherche l'ultradroite quand l'ultragauche crève les yeux !) qui, par le biais d'Internet seront prêts à renouveler le pire, qui serait ému sinon les professionnels du laxisme et de l'empathie pervers ?

La sévérité judiciaire écarterait ponctuellement la malfaisance mais ne résoudrait pas le mal. Il est indéniable, quelle que soit l'approche qu'on adopte à l'égard des Gilets jaunes depuis le début de leur mouvement avec un faible pourcentage d'excités politisés et beaucoup de citoyens se disant laissés-pour-compte et abandonnés. Derrière leur fureur et leur ressentiment, il y a de la détresse sociale. Ils veulent attirer l'attention du pouvoir sur eux pour qu'au moins on les écoute mais jusqu'à maintenant le pouvoir, malgré les vagues apparences de ces derniers jours, est resté maladroitement sourd.

Il y a une solution, monsieur le Président.

Je laisse de côté les "ça sent la révolution", "c'est Mai 68 qui revient", cette envie de poudre de moins en moins républicaine, ce désir d'une démocratie devenue tellement haineuse qu'elle préparerait avec sadisme le lit d'une guerre civile.

Ce qui m'importe est de réfléchir sur les "Macron, démission", sur la revendication d'une dissolution, sur la proposition d'un référendum, sur les pétitions, aussi absurdes qu'elles soient, réclamant sa destitution, sur l'extrémisme allant jusqu'à exiger une expertise capillaire du président. On peut rire de cela ou plutôt s'en indigner mais cette vindicte si rapide et si intense qui n'est pas de même nature, plus politique pour certains, plus instinctive et irrationnelle pour beaucoup d'autres, alors qu'on n'a même pas atteint le terme des deux premières années du quinquennat, est révélatrice d'un climat délétère et suspicieux. Dont le président a, j'en suis sûr, conscience.

Son élection à la fois préparée et fulgurante, portée par un dégagisme qu'Emmanuel Macron a su exploiter avec maestria, sa victoire par KO face à Marine Le Pen, le dépassement de la droite et de la gauche au coeur de son projet et si séduisant pour tant de citoyens, le caractère, à la fois, de miracle et d'inéluctabilité de sa venue au pouvoir, ont entraîné dans son sillage une infinité d'adhésions qui attendaient vraiment un nouveau monde, étaient peu informées d'un programme au demeurant assez vague - si on excepte l'obsession de réformer et de réparer la France - et s'attachaient plutôt à une personnalité fascinante - telle une rock star de la politique - dont on n'espérait que le meilleur.

Et la réalité a pris le dessus, la dure loi des limites du pouvoir face à la grandiose épopée des promesses, la banalisation d'un être englué, ô combien, dans l'ancien monde, son indifférence plus prétendue qu'authentique à l'égard de la France modeste et sa posture profondément régalienne oscillant entre le trop loin ou le trop près ont fait des ravages. D'abord la fuite de tous ces électeurs sans ancrage véritable que la déception fondée sur une impatience de plus en plus exacerbée a conduit à quitter Emmanuel Macron, son verbe, la réalité de ses actions, l'explication de ses abstentions, le poids douloureux, parfois, de ses choix et, enfin, une cause qui les avait rassemblés en 2017 pour les faire s'égailler après une première année de mandat.

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Ces citoyens que le dépassement invoqué de la gauche et de la droite avait coagulés dans En Marche se sont retrouvés nulle part, sans le moindre bagage, loin des structures partisanes et syndicales démonétisées, et protestent, hurlent dans leur désert. C'est la rançon du formidable succès de 2017. Je tiens cette idée notamment de Robert Zarader dans l'entretien très lucide et pertinent qu'il m'a accordé.

Ce constat indiscutable donne alors l'impression à beaucoup d'un hiatus entre la France officielle et parlementaire et la France réelle. Il y a une surabondance du côté du pouvoir et de ses soutiens qui apparaît totalement en décalage par rapport à la grille démocratique d'aujourd'hui. D'où cette aspiration lancinante à une dissolution ou au retour au peuple.

Je vois mal ce qu'Emmanuel Macron pourrait en espérer puisqu'au mieux sa majorité parlementaire serait singulièrement réduite et qu'au pire, elle l'entraînerait dans une cohabitation qui ne lui assurerait pas forcément un succès en 2022 : n'est pas François Mitterrand qui veut !

Les élections européennes du mois de mai 2019, par ailleurs, sont trop importantes pour Emmanuel Macron - au point qu'il a accepté de modifier une argumentation qui le conduisait à un désastre par rapport au RN à cause d'une opposition simpliste entre progressistes et populistes - pour qu'il les pollue par une dissolution qui changerait la donne jusqu'à leur déroulement.

Monsieur le président, il y a une solution.

D'abord comprendre vraiment - pas du bout des lèvres et de l'intelligence - ce sentiment d'une inadéquation entre ce qui est et ce qui devrait être.

Ensuite prendre en charge sincèrement une part capitale de la France qui crie misère plus à raison qu'à tort au risque d'amplifier la coupure d'un territoire aujourd'hui tragiquement et socialement hémiplégique.

Enfin recevoir - lui, et pas le Premier ministre qu'il a pourtant mandaté - des représentants qualifiés et dignes des Gilets jaunes pour dialoguer avec eux et prendre conscience qu'il y aurait de la sagesse à proposer un moratoire et même qu'il n'y aurait pas la moindre capitulation dans un recul sur les taxes. Rien n'est plus aberrant que la formule ressassée : maintenir le cap ! Comme si celui-ci était forcément bon et non révisable. L'audace est parfois de céder.

La seule solution qui vaille est cette solution politique. L'arrogance d'un Etat est le pire handicap pour faire fi du bon sens démocratique. Il faut abandonner la posture et tenter de réconcilier ainsi la France avec son président. La France des oubliés avec celle des privilégiés.

Puisqu'il ne doit y en avoir qu'une : indivisible.

Monsieur le président, c'est la solution.


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