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L'antisarkozysme a vécu

Justice au singulier - philippe.bilger, 5/11/2012

S'il y avait des déçus de FH en 2017, trouveront-ils enfin une droite intelligente, efficace et honorable pour justifier leur retour au bercail ?

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Un temps, j'ai détesté les dimanches mais ils sont devenus maintenant des moments magiques où par exemple, une synthèse de l'actualité peut se faire pour offrir tant de pistes à un blogueur...

Le cardinal Vingt-Trois a, paraît-il, enchanté la droite mais indigné la gauche en dénonçant le mariage homosexuel comme étant "une supercherie" et celui de "quelques-uns imposé à tous"(Journal du Dimanche).

Je n'ai pas l'intention de reprendre dans le détail un débat qui va vraisemblablement se terminer dans les premiers mois de 2013 par un bouleversement total des fondements de notre société et accessoirement des principes de la filiation et du Code civil. Il est illusoire de laisser penser qu'inscrite dans le marbre, cette révolution pourra être défaite, malgré l'engagement partisan de François Fillon et de Christian Jacob (20 Minutes). On peut remarquer incidemment que plus le mariage homosexuel se rapproche de sa concrétisation parlementaire, plus les Français, au fur et à mesure, semblent s'en méfier même si une légère majorité lui est encore favorable.

Ce que je récuse est la pauvreté de la réplique à chaque fois assénée à ceux qui ont le front de ne pas sauter d'enthousiasme à l'idée de cette irrésistible et, nous dit-on, nécessaire avancée. L'alternative laissée à ce qui est qualifié de réaction est limpide : être pour... ou être pour !

L'Eglise aurait le droit de s'engager sur certains sujets mais pas sur celui-là qui dépasse pourtant, et de très loin, le champ politique. Elle serait hostile à la laïcité, ce qui est un reproche absurde. Elle n'enjoint pas, elle alerte.

Ce serait une promesse du candidat Hollande. Quelques-unes ont déjà été mises à mal et l'intelligence vive du Président aurait pu comprendre que, comme son modèle Mitterrand a su s'abstenir pour la brûlante fracture citoyenne sur l'école libre, le mariage gay serait un changement trop bouleversant, et contestable sur le plan anthropologique et social, pour justifier une irruption à toute force dans notre espace démocratique et dans le royaume du bon sens.

Le mariage pour tous n'est qu'une appellation confortable et paresseuse qui ne démontre rien mais noie l'essentiel sous un universalisme de mauvais aloi.

Ou bien faut-il considérer que, l'antisarkozysme ayant vécu, on va retenir avec d'autant plus d'acharnement entêté un ou deux cataclysmes symboliques pour ne pas laisser apparaître que le socialisme n'est plus aujourd'hui que confronté à lui-même ?

Souligner que l'antisarkozysme n'est plus de mise ne revient pas à se priver, ici ou là, de piques qui vous font plaisir et que la personne de l'ancien président, surtout avec son ostensible discrétion, est susceptible encore de susciter.

Mais plus sérieusement, cette constatation met en lumière que pour le pouvoir comme pour le citoyen, une certaine manière de faire de la politique au travers du seul prisme du repoussoir sarkozyste n'est plus opportune ni adaptée.

A l'évidence, le président de la République, le Premier ministre et les ministres ont commencé à s'essouffler et à abandonner ce registre qui finissait par devenir contre-productif puisqu'il révélait leur inaptitude à redresser par eux-mêmes une situation dégradée. Certes il y a un héritage mais il est décent et habile, à un certain niveau et au bout d'un certain temps, de ne plus se réfugier dans le passé mais d'offrir des armes pour affronter le présent et préparer l'avenir.

L'antisarkozysme a été un progrès, il a servi d'argument, refusons qu'il devienne un prétexte. Le pouvoir, aujourd'hui, est nu en ce sens que ses responsabilités et ses faiblesses, ses forces et ses limites sont présentées aux citoyens en rase République - sans l'ombre d'une périphérie sarkozyste pour atténuer son possible triomphe ou son éventuelle faillite. Comptable, coupable ou valable, mais tout seul maintenant.

L'antisarkozysme a vécu aussi pour nous, les adversaires de toujours de l'ancien président ou les déçus de son quinquennat. Il n'éclaire plus, il fait radoter.

J'ai moi-même sans doute abusé, durant les tout premiers mois, de la référence à ce pouvoir pour mieux comprendre et analyser le nouveau. Il n'était pas sot de montrer comment François Hollande (FH) était différent de Nicolas Sarkozy (NS) et de valider la démarche de l'un par contraste avec celle de l'autre. Mais, pour n'importe quel citoyen et pour moi-même - je m'incrimine au premier chef -, la rancoeur politique et l'hostilité personnelle ne pouvaient plus continuer à nourrir substantiellement le dialogue démocratique sauf à manifester le caractère obtus d'une vision obsessionnellement attachée à un passé dépassé mais viscéralement encore trop présent. Le quinquennat de FH a quasiment une durée de six mois. Nous avons le devoir, dorénavant, de nous prendre par l'esprit et de nous obliger à regarder une réalité sans traiter avec une subtile condescendance les socialistes : ce n'est pas leur faute, ils feront mieux plus tard !

Aujourd'hui, le pouvoir a quasiment tous les pouvoirs et il n'abuse pas de cette omnipotence. Enoncer que l'antisarkozysme a vécu ne conduit pas, en appréhendant de plein fouet la politique de ce gouvernement et les inspirations présidentielles, à faire preuve d'injustice et de partialité. Seulement à en prendre la mesure sans succomber mécaniquement au jeu des comparaisons qui est la pire manière de s'approcher de la vérité.

A peine ai-je répété à plusieurs reprises que l'antisarkozysme a vécu qu'il fait peser son ombre négative ou positive sur le paysage français d'aujourd'hui, au moins à un double titre.

D'une part, il est clair que le président Hollande, après un début où il a cru trouver la pratique juste, ne sait plus maintenant comment se comporter, écartelé qu'il est entre un mouvement inspiré de Sarkozy et la volonté de ne pas laisser se dégrader son action en agitation et de ne pas faire céder la réflexion sous le poids de l'urgence - rythme habituel d'une présidence de la République. Il accomplit un voyage surprise au Liban - mimétisme - et semble différer des projets pourtant présentés comme mûrs - intelligence, approfondissement. J'espère que le futur lui permettra d'opérer une synthèse "hollandienne" du meilleur de Nicolas Sarkozy pour l'empressement à agir avec sa propre aptitude à n'agir qu'à dessein.

D'autre part, combien de fois m'est-il arrivé de maîtriser une exaspération devant ce que je considérais comme des propos offensants pour le président Hollande ! Quand je lis les réponses pour le moins vigoureuses et blessantes de Jean-François Copé affirmant que le président "n'est pas à la hauteur", mon premier mouvement d'indignation devant l'outrance est immédiatement suivi par un second : tout ce qu'a enduré à tort ou à raison NS, il est inévitable que son successeur le supporte (Le Parisien). Il y a eu des polémiques telles sur la personne de l'ancien président - j'y ai mis modestement du mien - et sur sa pratique tellement imparfaite de l'Etat, des attaques d'une telle violence et d'un tel irrespect, que FH ne saurait à aucun moment se plaindre de subir le même traitement. Il en a d'ailleurs conscience puisqu'il relève que "l'indulgence et le respect ont disparu mais qu'il le savait" (Le Monde).

Il y a eu, de 2007 à 2012, une libération de la parole publique - souvent pour le pire à cause de l'atypisme discutable de NS -, dont on ne cessera pas de subir les conséquences. Canalisée, elle servira la démocratie. Si la bonde est lâchée, à la longue elle l'engloutira.

L'antisarkozysme a vécu.

Il ne pourrait renaître que si NS, poussé par l'ambition de réussir après avoir échoué et de devenir exemplaire après avoir été décevant, prétendait revenir et si l'UMP commettait la folie de remettre son destin et celui de la France entre ses mains.

S'il y avait des déçus de FH en 2017, trouveront-ils enfin une droite intelligente, efficace et honorable pour justifier leur retour au bercail ?


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