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Au procès Orsoni, l’argent rend bavard

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 19/05/2015

Dans un dossier où les témoins sont rares, taiseux ou rétractés, l'argent semble propice à délier les langues. Lundi 18 mai, la cinquième journée d'audience du procès Orsoni a été consacrée à l'encombrant conflit financier qui, selon l'accusation pourrait constituer l'une … Continuer la lecture

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Dans un dossier où les témoins sont rares, taiseux ou rétractés, l'argent semble propice à délier les langues. Lundi 18 mai, la cinquième journée d'audience du procès Orsoni a été consacrée à l'encombrant conflit financier qui, selon l'accusation pourrait constituer l'une des clés de compréhension des deux assassinats et de la tentative d'assassinat jugés devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône à Aix-en-Provence.

En résumé, la très forte amitié qui a longtemps uni les familles Orsoni et Castola - Alain Orsoni et Francis Castola père étaient compagnons de lutte au sein du mouvement nationaliste, le second est le parrain de la fille du premier, ils ont fait des affaires ensemble au Nicaragua - aurait trébuché sur des histoires de dettes et de dividendes après les assassinats de Francis Castola père en 2005 et de Paul Giacomoni, en 2006. Entre ces vieux amis, pas de papiers, mais une parole.

L'affaire se serait envenimée quand Francis Castola junior, inquiet de ne plus percevoir sa part des bénéfices de la société d'exploitation de jeux au Nicaragua dont son père était co-fondateur, a demandé des comptes à Alain Orsoni qui lui a adressé pour toute réponse une lettre manuscrite dans laquelle il écrivait : "Le gibier n'a pas coutume de payer les cartouches du chasseur qui veut le tuer. J'exterminerai ta race, n'approchez plus de mon fils."  Ladite lettre a été retrouvée par les enquêteurs au lendemain de l'assassinat de Thierry Castola, en fouillant la chambre de ce dernier, à l'intérieur de la pochette DVD du film There will be blood, cela ne s'invente pas. 

A l'audience, lundi, il y a eu d'abord ce face à face tendu, entre Marcel Zonza, l'un des dirigeants de la société d'exploitation de jeux. "Alain, tu as blanchi dix millions de dollars sur des opérations de machines à sous", a lancé Marcel Zonza, avant d'évoquer un "trafic de cocaïne... tu sais très bien", puis d'accuser Alain Orsoni de ne plus avoir versé de dividendes aux associés. Ces accusations ont été réitérées devant la cour par la fille de Marcel Zonza - "Alain Orsoni a refusé de me montrer les comptes et a dit qu'il ne le ferait jamais" - puis confirmées par la sœur de Francis et Thierry Castola, Serena: "Je sais que Alain Orsoni nous a tout pris". 

La déposition de Serena Castola, entendue elle aussi en visio-conférence, a d'ailleurs fait passer un moment désagréable à la défense. Aussi solide et déterminée qu'était apparue vendredi 15 mai l'ex épouse de son frère assassiné, Shalimar, Serena Castola a d'abord confirmé qu'elle était bien partie civile à ce procès, tout comme sa mère. "Notez, greffier", a aussitôt ordonné le président Patrick Vogt. Ces trois femmes semblent en effet résolues à tenir tête au seul survivant homme de la famille, Francis Castola, victime d'une tentative d'assassinat reprochée aux accusés, qui avait exigé d'elles qu'elles retirent leur constitution de partie civile comme il l'a fait lui-même. "Dans la famille, c'est moi qui décide" avait-il imprudemment déclaré au juge. Sa mère, sa sœur et son ex-belle-sœur l'ont démenti.

Interrogée sur la fameuse lettre d'Alain Orsoni reçue par son frère Thierry, Serena Castola a affirmé que peu de temps avant son assassinat, celui-ci lui avait confié : "S'il m'arrive quoi que ce soit, je sais d'où ça vient. - Et vous avez fait le lien avec la lettre d'Alain Orsoni? lui a demandé le président. - Oui, a t-elle répondu sans hésiter.

Toute la difficulté, pour l'accusation, vient du fait que, pendant l'instruction, Alain Orsoni qui a été un temps considéré comme le commanditaire des deux assassinats et de la tentative d'assassinat reprochés notamment à son fils Guy, a finalement bénéficié d'un non-lieu sur ce volet criminel. Seules sont retenues contre lui les "menaces de mort".  Mais par son parcours, sa personnalité, son âge et l'incontestable présence physique qu'il dégage, Alain Orsoni attire toute la lumière. Des onze accusés, il est à ce jour le seul que les jurés identifient vraiment. A côté de lui, les autres font figure de pâles figurants.  Plus l'audience avance et plus l'on sent que l'essentiel du procès se joue dans cet équilibre périlleux d'un père à la fois miroir réflecteur et paravent de son fils.

 


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