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Cyril Hanouna président : rire ou pleurer ?

Justice au Singulier - philippe.bilger, 12/02/2020

Soit Cyril Hanouna qui nous fera rire. Soit une société qui en aura assez de la démocratie intermittente, molle, dépassée et donc impuissante. Et on pleurera.

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Il paraît qu'il est sollicité et il nous l'a dit lui-même (Morandini).

Il paraît même que la macronie aurait peur de sa candidature.

Aucune raison de ne pas aborder ce sujet car tout est possible dans ce monde erratique, surtout l'absurde (Le Point).

Qu'on m'entende bien : je n'éprouve aucun mépris ni condescendance à l'égard de cet animateur talentueux qui pour être parfois vulgaire a toujours montré un réel intérêt pour la politique. Je le dédaigne si peu que je lui ai déjà consacré deux billets d'un registre différent : le premier en date du 23 août 2017 : Hanouna, hélas ! et le second, le 10 novembre 2019 : Cyril Hanouna, vous avez eu tort !

CH serait présomptueux si en son for intérieur il se croyait appelé à un destin présidentiel et s'il n'avait pas cette distance ironique qui sied à un humoriste : percevoir que notre époque est capable de tout et même d'en propulser un sur des chemins qui ne seraient pas faits pour lui.

J'espère que CH n'est dupe de rien et qu'il fait semblant quand par petites touches il n'a pas écarté d'emblée l'inanité de cette perspective. Il aurait tort de songer à Coluche qui avait pour ambition de tourner en dérision le monde politique alors que lui peut donner l'impression de le prendre au sérieux, ce qui le placerait dans une compétition où il aurait tout à démontrer.

Cela dit, il serait léger de se débarrasser de cette tendance et de l'appétence qu'elle semble révéler pour des personnalités atypiques de la part d'une catégorie de téléspectateurs - et peut--être d'électeurs ? - sans s'efforcer de les appréhender sérieusement.

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Leur surgissement démontre que notre société a encore besoin d'intercesseurs singuliers entre le citoyen et le pouvoir et que les Gilets jaunes n'ont pas semé pour rien puisqu'un CH pourrait être identifié comme une conclusion caricaturale et outrancière d'un débat pourtant passionnant sur la représentativité politique et méritant mieux.

Pourtant il serait infiniment grave, alors qu'il s'agit prioritairement, pour la cause démocratique, de remobiliser un électorat indifférent ou hostile - un civisme ordinaire en défaillance grave - et de défendre une classe politique qui, si elle a eu des brebis galeuses, est pour sa majorité composée, de tous bords, par des hommes et des femmes honnêtes, dévoués et soucieux de l'intérêt du pays.

Parce que l'analyse est simple - pourquoi hier des Coluche, aujourd'hui des Hanouna sont dans une lumière presque plausible pour la joute présidentielle -, il ne faudrait surtout pas induire que le processus est fatal et en quelque sorte à favoriser.

L'attitude inverse reviendrait à faire mourir l'esprit républicain à petit feu avant de "l'achever". On ne peut pas impunément cracher sur la démocratie classique sans qu'elle dépérisse alors que l'urgence est d'exploiter les forces et les tensions qui l'ont mise en cause - et j'y inclus le pouvoir qui même en ayant dédaigné le RIC et en traînant pour le scrutin proportionnel, se soucie de cette préoccupation citoyenne - pour redonner sens à notre vie politique d'aujourd'hui.

Pour trouver une solution fiable à cet affrontement entre le peuple sur qui pèse le pouvoir et ce dernier qui l'impose, il n'est pas nécessaire, avec démagogie, de "pousser" une candidature de CH, qui représenterait ce qu'il y a de pire dans notre paysage : une légitimité portée par la vulgarité médiatique, apparemment proche des citoyens mais tellement éloignée d'eux par l'indécence somptuaire.

Il peut avoir toutes les qualités du monde mais il n'aurait pas celles dont la France a besoin plus que jamais. Elle n'aspire pas à un narcissisme du bas quand elle subit parfois celui du haut.

Reste que c'est un avertissement. La violence qui s'inscrit de plus en plus dans nos débats, les dégradations de permanences, les agressions de maires et de députés, la banalisation de comportements qui déshonorent la République au lieu de la servir, des petites escarmouches du quotidien aux tragédies parfois mortelles, constituent un signe délétère. Le destin nous prévient : si on laisse faire, le risque est double et l'alternative est claire.

Soit Cyril Hanouna qui nous fera rire.

Soit une société qui en aura assez de la démocratie intermittente, molle, dépassée et donc impuissante. Et on pleurera.


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