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2002/2017 : La mainstream class a cassé le droit et banalisé les thèmes FN

Actualités du droit - Gilles Devers, 2/05/2017

Chacun voit midi à sa porte, et peut donc se tromper. À quatre jours du...

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Chacun voit midi à sa porte, et peut donc se tromper. À quatre jours du second tour, de grandes forces sont en jeu dans l’opinion, mais cela ne doit pas nous empêcher d’essayer de raisonner de manière calme, argumentée et réfléchie. Devant ma porte le 22 avril 2002, il y avait une réaction générale, profonde et tellement sincère. Pas un instant, nous n’avions parlé du programme économique ou européen du FN : la question était la défense du droit, à l’extérieur comme à l’intérieur, avec le défi d’une France qui tournerait le dos à l’État de droit, instaurant tous azimuts des politiques discriminatoires, en désignant comme bouc émissaire l’étranger pauvre, cause de tous nos maux.

C’était en 2002, et devant le constat du renforcement constant du FN, nous devons examiner le bilan 2017, ce du point de vue des responsables politiques, et non pas des électeurs, que l’on ne cesse de culpabiliser.

La légalité internationale

La grande tradition de la France, qui crée d’elle-même le « front républicain », on la trouve le 10 mars 2003 quand Chirac annonce que la France fera usage de son droit de veto au Conseil de sécurité pour empêcher l’agression militaire sur l’Irak, et le 18 mars, quand dans une déclaration fameuse, il rejette l’ultimatum du criminel de guerre George W. Bush, pour défendre la coexistence pacifique des peuples, « dans le respect de la charte de l’ONU qui est notre loi commune ». Merci Chirac. Ce jour-là, le vieux militant de gauche que je suis n’était pas déçu d’avoir voté Chirac contre Le Pen. Par la suite, Bush et Blair ont violé la légalité internationale pour détruire l’Irak : on en apprécie aujourd’hui toutes les conséquences.

Et que se passe-t-il ensuite ?

Ensuite, c’est l’agression de la France et de la Grande-Bretagne sur la Libye, en violant ouvertement la résolution du Conseil de sécurité qui n’autorisait ni les soldats au sol, ni le renversement du régime. Une agression organisée sur commandement de BHL, avec unanimité de Sarkozy, Fillon, Juppé et Aubry qui était première secrétaire du PS (Rempart de quoi ?). Le retour du militarisme des agités, avec ce puant discours perverti par la glue morale : la guerre pour rétablir la démocratie, ben voyons... En faisant cela, ils ont tué l’esprit démocratique, car la démocratie, c’est d’abord le respect du droit international. Oui, tout part de là : le droit international, c’est l’égalité des peuples, c’est-à-dire légalité des êtres humains. À partir du moment où un être humain s’estime plus fort qu’un autre, on entre dans un processus vicieux, qui est la voie du crime.

Bilan : où en est la Libye ? Étudions ce qui arrive au peuple libyen, et à tous les malheureux soumis à la loi des mafieux... Les responsables français et britanniques ont-ils purgé leur faute, de destruction d’un peuple ? Rempart de quoi ?

Le même reniement du droit international s’est retrouvé avec la Syrie, en reconnaissant précipitamment, pour faire plaisir à nos clients que sont l’Arabie Saoudite et le Qatar, un Conseil national syrien comme seul représentant du peuple, alors que la Syrie est toujours membre de l’ONU, puis en finançant et en armant sans contrôle des réseaux djihadistes, et enfin en préparant une attaque militaire contre la Syrie sans mandat du Conseil de sécurité, écartée de justesse par le parlement britannique qui a fini de convaincre Obama. Rempart de quoi ?

Le mépris incroyable du droit international s’est retrouvé avec la Palestine, quand en juillet 2014, la France a été le seul État au monde à donner un appui sans réserve à Netanyahou qui attaquait par un déluge de feu la population de Gaza. Le seul au monde… Ca, ça n’était pas dans le mandat de 2012. Rempart de quoi ?

La légalité européenne

Le même mépris du droit international, on le retrouve au niveau européen avec la question des Roms, depuis 2007. Les Roms sont des citoyens européens, mais quels droits européens la France leur a-t-elle reconnus ? Ce quand El Blanco déclare que les Roms ont vocation à rentrer chez eux… Qui détruit l’Europe ? Qui renie les droits de l’homme ? Pour sa politique xénophobe à l’égard des Roms, la France a été dénoncée par les rapporteurs spéciaux de l’ONU. Rempart de quoi ? La Hollanderie a-t-elle changé quoi que ce soit ? Non, la gauche a légitimé un ostracisme viscéral vis-à-vis des Roms.

Et comme si ça ne suffisait pas, le dramatique couple Hollande / El Blanco a également tourné le dos à l’obligation d’accueillir les réfugiés, réfugiés qui étaient le fruit de leur politique de destruction des États. El Blanco est allé en Allemagne pour dire que la France n’accueillerait plus de réfugiés ! Et ça votre France ? Le rejet des réfugiés par une autorité politique, sans contrôle du juge ? Rempart de quoi ? Ah les misérables…

Ils ont détruit la France comme garant droit international, mais ils n’ont guère fait mieux en droit européen. Le Pen mise tout sur le rejet de l’Europe, mais qu’ont-ils faits pour défendre l’Europe ? Le 29 mai 2005, la France avait rejeté le référendum sur le projet de traité constitutionnel européen avec 54,67 % des voix, je le regrette, mais c’est ainsi. Mais il était démocratiquement malhonnête de faire adopter le 4 février 2008 par le Congrès réuni à Versailles le même texte, juste présenté de manière différente. Ce n’est pas l’Europe qui n’est pas démocratique, mais les dirigeants nationaux.

Malhonnêteté encore vis-à-vis de l’Union européenne, quand tous se retrouvent pour tacler les technocrates de Bruxelles, alors que la réalité est extrêmement simple : l’Europe se construit par la volonté des États. Rempart de quoi ? La France s’est battue pour faire voter les traités de Maastricht et de Lisbonne qui instauraient la vocation unitaire de l’Union européenne. Les traités portent la signature des responsables politiques. Une fois les traités signés, les dirigeants français se sont engagés la main sur le cœur pour dire qu’ils en respecteraient les termes, parce qu’effectivement l’endettement est un héritage morbide que nous laissons à nos enfants, et qu’il place les États sous la dépendance des banques. Aussi, la question n’est pas une fantasmée politique des technocrates de Bruxelles, mais seulement la valeur des engagements qui ont été pris par la France. La France a signé le pacte de stabilité et s’est engagé à plusieurs reprises à le respecter : sa signature a-t-elle à ce jour encore une valeur ? Il n’y a pas de critique valable des institutions européennes tant que l’on n’a pas répondu à cette question : la France va-t-elle honorer ses engagements ?

Il y aurait tant à dire sur la question européenne, mais quand même, il faut déplorer cette manière lamentable qui consiste à recycler sur le plan européen les politiques rejetés par le jeu français. Être nommé à la Commission ou élu au Parlement devrait être le signe d’une réussite, de responsables politiques qui émergent sur le plan européen. Or c’est trop souvent le moyen de donner à des emmerdeurs de quoi manger : Dati, Morano et les secondes classes de Pygmalion réfugiés au Parlement européen ; une feignasse intégrale comme Peillon au Parlement, ou encore le plus nul de tous nos ministres des finances, Moscovici, nommé en repêchage commissaire européen. Rempart de quoi ? C’est lamentable.

C’est lamentable, mais il y a plus grave.

Après les attaques terroristes du 13 novembre 2015 à Paris, Hollande le fébrile a instauré l’état d’urgence. Deux ans plus tard, aucune procédure sérieuse n’en a résulté, et la mesure n'était pas nécessaire. Les services publics maîtrisaient la situation quelques heures après cette attaque. Comme on passe son temps à critiquer le service public, je rappelle qu’à l’occasion de cette terrible attaque, tous les blessés ont eu la vie sauve, avec un savoir-faire exceptionnel des services d’urgence. Sur le plan du droit, l’atteinte terrible qu’a apporté François Hollande a été de faire une déclaration auprès de la Cour européenne des droits de l’homme en indiquant que, vu les nécessités de l'état d'urgence, la France s'autorisait à échapper à la Convention européenne des droits de l’homme. C’est du jamais vu : le rempart s’effondre. La base, c'est que les velléités politiques de Le Pen sont nulles et qu'on s'en fiche, car elles se fracasseraient sur la légalité européenne... et voilà que Hollande admet que la France puisse s'en extraire. Dans notre pays, la garantie essentielle des libertés publiques est de pouvoir saisir une Cour européenne, capable de pointer les débordements du parlement ou du gouvernement. Or, la déclaration par laquelle la France se permet d’échapper à la Convention européenne des droits de l’homme en fonction de ses priorités est un terrible précédent. Ce jour-là, du point de vue du droit, Hollande a véritablement cassé la dynamique européenne.

Et en droit interne ?

Rempart de quoi ? C’est à pleurer.

En 1981, le looser Giscard avait voulu jouer la carte de la sécurité en faisant voter la loi n° 81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes. Toute la gauche, et pas seulement des intellectuels défraichis, s’était mobilisée, et le combat avait été la défense des libertés contre les illusions de la sécurité. Où en sommes-nous ? Je vous épargne les innombrables lois - toutes aussi inefficaces les unes que les autres - pour en venir à ce simple constat : en 2016, El Blanco adopte le slogan de Le Pen, selon lequel la sécurité est la première des libertés. Alors à ce stade, El Blanco, tu es garant de quoi ? Nous sommes arrivés à une inversion complète de ce qu’était la société française en 2002, à savoir la défense du droit. Et ça, c’est le lourd bilan de cette classe politique. Validant les grands thèmes du FN, comment peuvent-ils aujourd’hui nous dire qu’ils sont un rempart ?

De Sarko à Hollande / El Blanco, ils ont détruit la notion de laïcité. Alors que la laïcité est un régime de garantie par l’État de l’expression des convictions religieuses, et surtout des minorités, ils en ont fait un outil de modélisation sociale et de stigmatisation de la minorité musulmane. Ils ont tous couru après le discours xénophobe de Le Pen de 2002, mais ne pouvant assumer un discours anti-arabe, donc raciste, ils l'ont intellectualisé, en remplaçant l'arabe par le musulman, et en détournant l'approche juridique de la laïcité, pour mieux imposer leurs vues : tu n'as rien à dire, moi je t'applique le droit. Sauf que le raisonnement juridique est tellement faux qu'il est inversé: la laïcité n'est plus un devoir de neutralité de l'Etat mais une obligation de comportement des particuliers, du grand n'importe quoi, nourri par les thèses pourries du FN. Cet été 2016, instrumentalisant la tuerie de Nice, le gouvernement a voulu imposer aux musulmans un cadre placé sous l’autorité d’un ancien ministre de l’Intérieur. Ces dirigeants incultes savent-ils encore ce qu’est la foi, ce qu’est l’intimité de la croyance ? En quoi la spiritualité d’une personne leur fait-elle peur ? Rempart de quoi ?

La boucle est bouclée, quand la pasionaria des droits de l’homme de gauche explique qu’il est normal d’être islamophobe, et qu’il ne se trouve personne pour la faire citer devant le tribunal correctionnel. Triste bilan…

En réalité, tout avait commencé en juin 2007, avec la formation du gouvernement. Historiquement, l’immigration relevait du ministère des affaires sociales, car il s’agit de la vie des personnes et de leur place dans la société. En 2017, Sarkozy avait créé le ministère de l’Identité nationale, soit une thématique FN (Rempart de quoi ?), mais ce ministère est devenu un déversoir xénophobe, et Sarko a dû renoncer. Or, au lieu de renvoyer la compétence au ministère des Affaires sociales, il a confié la question de l’immigration au ministère de l’Intérieur. L’étranger n’est donc plus un être humain dans la société, mais un trouble de l’ordre public. La brave gauche a vivement protesté, et c’était juste. Mais en 2007, quand Hollande a nommé El Blanco au ministère de l’Intérieur, il a confirmé la compétence sur la question des immigrés. La brave gauche a fermé son sifflet, alors que Hollande acceptait une commande du FN.

La boucle est bouclée quand le président de la République, devant la formation solennelle des parlementaires réunis en Congrès à Versailles, a demandé l’adoption du principe de déchéance de nationalité, qui est une authentique notion FN. Rempart de quoi ?

En 2002, Le Pen au premier tour avait réuni 4 804 713 voix, soit 16,86 % des voix, et au deuxième tour, 5 525 032, soit 17,79. En 2017, après 15 ans de rempart du front républicain, Le Pen a réuni au premier tour 7 679 494 voix, soit presque le double. Pour le second tour, il est acquis qu’elle fera plus que doubler 2002. Et que on voit-on : l’ensemble des acteurs de la vie politique depuis 2002, à part Mitterrand et Chirac, qui sont toujours en place, et viennent (1) culpabiliser les électeurs de ne pas avoir bien voté, et (2) demandent qu’on fasse confiance pour faire rempart votre Le Pen.

- Tu veux dire que le conducteur qui a mis le car dans le fossé, avec un lourd bilan, exige d’être le conducteur pour la suite de la course ? Y’a pas un petit problème ?


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