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Riom : un nouveau procès historique (582)

Planète Juridique - admin, 12/10/2014

  Le verdict rendu le 10 octobre 2012 par la Cour d’appel d’assises de Riom dans le procès de Matthieu violeur et meurtrier de la jeune Agnès peut entrer dans l’histoire. La réclusion criminelle à perpétuité prononcée à nouveau contre … Continuer la lecture

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avocats006(1)Le verdict rendu le 10 octobre 2012 par la Cour d’appel d’assises de Riom dans le procès de Matthieu violeur et meurtrier de la jeune Agnès peut entrer dans l’histoire.

La réclusion criminelle à perpétuité prononcée à nouveau contre le jeune accusé est sous-tendue par la combinaison en sa défaveur de deux dispositifs juridiques.

En effet la Cour a commencé par décider qu’il y avait lieu de lui maintenir le bénéfice de l’excuse de minorité accordé par principe par la loi à toute personne qui commet un crime ou un délit alors qu’elle n’a pas encore atteint ses 18 ans. Ensuite la cour a estimé qu’il n’y avait pas lieu de lui reconnaitre la moindre circonstance atténuante.

La premiere décision lui faisait encourir la réclusion criminelle à perpétuité comme un adulte ; la deuxième permettait de prononcer le maximum de la peine encourue.

C’est donc la perpétuité qui a été prononcée comme cela aurait été le cas pour le pire des criminels majeurs.

C’est la deuxième fois dans l’histoire pénale française que, sur la base du droit pénal spécial des mineurs dont l’ordonnance du 2 février 1945 reste le pilier, qu’une telle condamnation est prononcée.

Elle fut déjà le cas à l’encontre de Patrick Diels accusé malgré ses dénégations en justice d’avoir tué deux enfants. On se souvient qu’après deux condamnations par des cours d’assises, chacune anéantie par la Cour de cassation, la troisième décision, une fois que l’on eut permis la publicité des débats et l’exposition au public des « preuves » contenues dans le dossier, Patrick Diels fut acquitté.

Matthieu ne contestait pas sa culpabilité. Sa défense avançait qu’il devait être jugé comme un mineur puisqu’il n’avait pas 18 ans le jour des faits et que ses troubles psychiatriques devaient lui valoir la reconnaissance de circonstances atténuantes.

Les faits sont indéniablement particulièrement graves et choquants, - qui ira le contester ? - et ce d’autant plus que le jeune Matthieu s’était déjà livré à un viol. Au moment de sa mise en cause on s’était interrogé sur les termes du suivi judiciaire, éducatif et psychiatrique, ordonné, mis en œuvre, mais insuffisant à prévenir un nouveau passage à l’acte. Spécialement une polémique s’était développée sur les faits que les responsables de l’établissement scolaire n’auraient pas été informés des antécédents de ce jeune et des soins nécessaires, les parents avançant avoir donnés cette conformation. Une médiatisation majeure avait donné à ces faits criminels une telle dimension que les pouvoirs publics s’en étaient alors saisis n’hésitant pas à changer certains termes de la loi obligeant notamment les magistrats plaçant un mineur sous contrôle judiciaire après des faits de viol à en informer les responsables scolaires (art. 138-2 CPP) ou permettant le placement en CEF jusqu’au jugement..

La décision de première instance rendue dans ce qui fut appelé l’affaire Agnès n’avait pas pu s’extraire de cette pression médiatique. Force est de constater que tel ne faut pas le cas à Riom dans le procès en appel puisque les médias furent tenus à l’écart et que le verdict lui-même, malgré son caractère exceptionnel, et les faits eux-mêmes étant estompés dans la mémoire collective, n’a au plus suscité que quelques lignes dans la presse écrite et un traitement très succinct sur les médias audiovisuelles.

On conçoit, on comprend, on se doit de respecter ce que peuvent ressentir les proches  de ce drame, mais se doit également de prendre un peu de recul pour interpréter la décision et en analyser la portée sachant qu’elle n’est peut être pas définitive dans la mesure où un recours en cassation a été annoncé.

PetitjugeEn effet qui dit décision exceptionnelle oblige à en cerner les termes

Ce principe dit de l’atténuation de responsabilité pour les moins de 18 ans est l’un des piliers de notre droit pénal spécial de mineurs. Nos société distinguent les enfants des adultes en estimant – c’est une donnée scientifique - que le plein discernement ne s’acquiert pas à la naissance. On estime généralement qu’à 18 ans tout individu est un adulte capable de décide de son sorte et du sort des autres via le bulletin de vote et de rendre pleinement des comptes sur son comportement. 

Notre pays se targue de ne pas juger pénalement (1) les enfants comme les adultes, la personne de moins de 18 ans étant au regard du droit national et international comme un enfant

En d’autres termes en retirant à l’audience le bénéfice de l’excuse de minorité la peine encourue par l’accusé passe immédiatement de 20 ans à la réclusion criminelle à perpétuité. On conçoit l’enjeu. On imagine le contexte : on entre dans la salle en risquant 20 ans, sur un vote  de la cour et du jury on encourt la perpétuité !

Durant 10 ans ; de 2002 à 2012 les pouvoirs n’ont eu de cesse que d’abaisser la majorité pénale de 18 à 16 ans. Ils se sont heurtés au Conseil constitutionnel qui tient depuis 2002 l'atténuation des mineurs de responsabilité comme un principe constitutionnel et aux termes des engagements internationaux de la France.

Ils ont alors eu pour stratégie de vider de son contenu le statut des 16-18 ans en s'évertuant à coups de reformes – notamment deux en mars et août 2007 – de faciliter le retrait de l’excuse de minorité. La loi est même venue dire que ce retrait était obligatoire pour le double récidiviste sauf – il fallait passer sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel ! - aux juges à en rétablir le bénéfice par une décision spéciale,  c’est-à-dire à oser assumer la critique médiatique et politique si le jeune réitérait. On sait que ces dispositions sont allées de pair avec l’instauration de peines plancher, applicables aux mineurs, la passivité de saisir le tribunal pour enfants sans passer par un juge des enfants – le flagrant délit pour les mineurs – et bien sûr l’instauration du tribunal correctionnel pour mineurs.

Le 15 août 2014 de nouvelles dispositions sont entrées en vigueur sur le retrait de l’excuse de minorité. Le parlement a effacé toutes les dispositions adoptées en 2007 pour en revenir à celle en vigueur en 1994. Elles étaient applicables à Riom.

Article 20-2, modifié par la loi n°2014-896 du 15 août 2014

« Le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs ne peuvent prononcer à l'encontre des mineurs âgés de plus de treize ans une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue. Si la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, ils ne peuvent prononcer une peine supérieure à vingt ans de réclusion criminelle.

Toutefois, si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs peuvent, à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation, décider qu'il n'y a pas lieu de faire application du premier alinéa. Cette décision ne peut être prise par le tribunal pour enfants que par une disposition spécialement motivée. (…)

Les dispositions de l'article 132-23 du code pénal relatives à la période de sûreté ne sont pas applicables aux mineurs.  (…) » »

Dès lors que le jeune avait 16 ans au moment des faits – l’excuse de minorité est absolue avant – elle admet que l’on puisse la retirer sur des considérations liées aux faits et à la personne. A 16 ans – l’âge retenu est celui au jour de s faits – elle devient relative, mais la loi nouvelle réaffirme que le retrait doit être exceptionnel, affirmation supprimée en 2007.

On restera choqué que cette décision puisse être référée fondamentalement aux faits, par définition graves. Le débat sur l’atténuation de responsabilité – ou alors les mots n’ont plus de sens --devrait être cantonnée avait ou non une psyché d’enfant ou d’adulte. ! L’expérience démontre que ce sont bien parce qu’ils sont des enfants que des jeunes commettent certains faits gravissimes dont ils ne mesurent pas nécessairement la portée. C’est bien ici qu’on quitte le droit des enfants. Pour en revenir à un droit des victimes.

Cette disposition évoque les célèbres propos, summum du cynisme ou de l’hypocrisie politique,  de l’ancien ministre de la justice Jean Lecanuet : « Je suis contre la peine de mort sauf pour les faits graves.

Reste que force est de constater qu’il demande de tenir compte des faits et de la personne, pas seulement des faits.

Le législateur a ouvert en 1992 une brèche dangereuse, celui de 2014 reproduit cette erreur.

Mathieu avait-il la maturité d’un adulte au moment des faits ? Telle était la question posée à  la Cour sachant qu’il avait objectivement 17 ans et 11 mois. Elle y a répondu positivement.

La Convention internationale sur les droits de l’enfant, ratifiée par la France, dans ses articles 37 et 40 oblige les Etats à se doter d’un droit spécifique pour les moins de 18 ans. Elle condamne la peine de mort, les traitements inhumains et dégradants, mais elle ne va pas jusqu’à interdire la prison à vie, mais demande aux Etats de mettre en oeuvre des dispositifs de révision.

Le droit français offre ce dispositif de révision. En pratique il est mis en œuvre. Il est rare que la peine prononcée soit executée en totalité, mais à l'inverse une libération anticipée n'est pas assurée. Certains en sont choqués, mais il faut rappeler – et les personnels pénitentiaires les premiers le disent – qu’un détenu sans espoir peut être dangereux. Tout simplement le temps de détention dans nos crédos affichés n’est paso qu’un  temps de privation de liberté, mais aussi nécessiter des soins et on peut penser que ces soins peuvent être bénéfiques. Tout simplement l’âge attenue la dangerosité.

Risquer la même peine qu’un adulte ne signifie pas qu’elle doit être prononcée même s’il est acquis que ceux qui demandaient le retrait de cette excuse avaient ce souci. On aurait pu affirmer que le jeune s’était comporté comme un  adulte sans pour autant le condamner au maximum.

Avec la prudence qui s’impose faute d’avoir accédé au dossier et n’ayant pas assisté aux débats, on constatera – c’est le deuxième point technique - qu’aucune circonstance atténuante n’a été retenue qui aurait permis de prononcer une peine moindre. Ainsi les troubles de la personnalité avancés et patents n’ont pas été pris en compte sur ce terrain, mais on peut penser qu’ils l’ont été sur le volet de l’évaluation de la dangerosité.

bd128On retiendra que dans ce domaine, comme dans d’autres, nous avons un art incommensurable, çà travers nos textes, à ne pas nous lier les mains par de s principes. Hypocrisie diront certains, pragmatisme permettant de permettre de faire du sur-mesure. Nous posons le principe qu’un enfant ne doit pas être jugé et condamné comme un adulte – et nous nous affichons que nous avons un droit pénal spécial – , mais nous avons des dispositions qui permettent de faire exception à ce principe quand  cela parait nécessaire. Flexible droit aurait dit le doyen Carbonnier.

Comme aux USA qu’on dénonce souvent sur ce point, la France permet dans son droit et concrètement conf ; la décision de Riom, n’hésite pas à prononcer la réclusion criminelle à perpétuité contre des mineurs.

On observera aussi que si nous savons reconnaitre très tôt la pleine maturité intellectuelle à un jeune au point d’être condamné à 16 ans comme un adulte nous ne lui reconnaissons toujours pas les droits des civils liés à ces responsabilités. Par exemple un mineur de 16 ans n’a pas le droit de saisir un juge pour demander à être émancipé. Il ne peut pas au vu  de la loi de 1091 créer une association. Etc.

En d’autres termes, des devoirs avant des droits. Comme nous l’avancions  dans notre rapport à la ministre de la famille (2) il serait donc temps pour être en cohérence d’avancer la capacité civile du mineur en posant une présomption de discernement quand notamment ils saisissent la justice.

  1. Au plan civil il en va autrement. Il a été jugé qu’un enfant de 4 ans qui avait crevé l’œil de son camarade de jeu engageait sa responsabilité civile personnelle  du fait des dommages causés parle bâton qu’il avait dans la main quitte à ce que ses parents voient immédiatement leur propre responsabilité civile engagée du fait de leur statut de parent
  2. « De nouveaux droits pour les enfants ? Oui, dans l’intérêt des adultes et de la société », janvier 2013, rapporteurs Dominique Youf et Flore Capelier,  in www.rosenczveig. com

 


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