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Quel contrôle pour les avenants fixant la rémunération définitive du titulaire d’un marché public de maîtrise d’œuvre conclu a prix provisoire ?

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Eve Derouesne, Quentin Julia, 8/08/2013

Les marchés conclus à prix provisoires sont bien soumis à l’article 20 du code des marchés publics … mais une augmentation de près de 30 % de la rémunération du titulaire ne bouleverse pas nécessairement l’économie du marché. (CAA Paris, 25 février 2013, n° 12PA00864)
(CAA Paris, 25 février 2013, n° 12PA00864)


Dans le cadre du réaménagement du quartier des Halles – le projet « La Canopée » – un marché public de maîtrise d’œuvre a été conclu le 28 novembre 2007, entre la ville de Paris et un groupement composé d’architectes, d’ingénieurs et de consultants en bâtiments, pour un montant initialement fixé à 120 millions d’euros. Le forfait initial de rémunération de l’équipe de maîtrise d’œuvre est fixé à 19,6 millions d’euros hors taxes. En application de l’article 19-III du code des marchés publics, ce marché de maîtrise d’œuvre est conclu à prix provisoires.

Un troisième avenant, conclu en janvier 2011, a fixé le forfait définitif de rémunération de la maîtrise d’œuvre à 25 182 948 euros hors taxes, soit une augmentation de 28,48 % entre le montant du forfait initial et celui-ci. Pour l’essentiel, cette augmentation trouve son origine dans l’augmentation du coût prévisionnel des travaux qui est porté à 155 millions d’euros et dans l’adjonction de certaines missions.

Le préfet de police de Paris, estimant que cette augmentation bouleversait l’économie générale du marché, a déféré ce troisième avenant devant le tribunal administratif de Paris.

En effet, en application de l’article 20 du CMP, deux hypothèses d’avenant sont régulièrement ouvertes aux parties :

- en cas de sujétion technique imprévue ne résultant pas du fait des parties et, dans cette hypothèse, le montant de la modification en résultant est indifférente ;

- dans tous les autres cas, dès lors que l’avenant ne bouleverse pas l’économie du marché ni n’en change l’objet.


En l’espèce, pour le préfet, aucune sujétion technique imprévue n’était constatée et, partant, l’avenant devait être annulé.


Le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande du préfet, au motif que la majeure partie des prestations complémentaires retenues par l’avenant litigieux résultaient d’une estimation au plus juste des besoins et des coûts au moment du lancement du projet et non de sujétions techniques imprévues. En conséquence, le tribunal administratif a considéré que, compte tenu du caractère notamment prévisible des dépassements constatés, cette augmentation de prix induite par l’avenant litigieux bouleversait l’économie générale du contrat et annule celui-ci.

La cour administrative d’appel de Paris annule ce jugement.

Dans un premier temps, elle expose tout de même que les marchés de maîtrise d’œuvre, y compris ceux conclus à prix provisoire, sont soumis au régime de l’article 20 du code des marchés publics (aucune disposition du code des marchés publics, aucune disposition de la loi du 12 juillet 1985 dite loi MOP ou de son décret d’application, ne les y soustrayant).

Ainsi, suivant son rapporteur public (pour une lecture de ses conclusions, AJDA 2013 p.1102), la cour rejette l’argumentation des requérants selon laquelle (i) il s’agit d’une actualisation et non d’une augmentation au sens de l’article 20 et (ii) l’application de l’article 19 du CMP est un régime dérogatoire ; l’article 20 n’étant applicable que dans les marchés passés à prix définitifs (i.e ceux soumis à l’article 18 du CMP).

Toutefois, dans un second temps, la cour relève qu’un avenant, qui, en fixant le forfait définitif du titulaire du fait de l’acceptation d’un coût prévisionnel des travaux supérieur, a augmenté de 30 % la rémunération du maître d’œuvre, ne bouleverse pas pour autant l’économie du marché. Partant, il n’est même pas utile à la Cour d’examiner si elle est en présence de sujétions techniques imprévues.

Cet arrêt présente également l’intérêt de donner une illustration du seuil acceptable pour un avenant procédant à l’augmentation de la rémunération du titulaire.

L’on croit pouvoir noter dans la motivation de l’arrêt un lien de causalité certain entre le caractère à prix provisoire du marché et l’acceptation d’une augmentation de 30 %.

Il n’est pas certain que dans l’hypothèse d’un marché à prix définitif, la cour aurait retenu le même raisonnement. En effet, même s’il n’existe pas de règle, la tendance jurisprudentielle est plutôt à l’acceptation de seuils plus bas.

En effet, il est prudent de considérer globalement que lorsque l’écart excède 15 %, le risque d’un bouleversement de l’économie générale du contrat soit constaté par un juge est significatif et qu’à partir de 30 % ce risque devient majeur.


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