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En marge du décès d’Aaron Swartz, le site de Gale Cengage hacké à son tour pour libérer le domaine public !

:: S.I.Lex :: - calimaq, 14/01/2013

Aaron Swartz est mort, mais ses idées vivent encore ! Les hommages se succèdent, partout sur la Toile, avec notamment l’opération #PDFTribute par laquelle des chercheurs mettent en ligne leurs articles scientifiques ou l’ouverture d’une Aaron Swartz Collection par Internet … Lire la suite

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Aaron Swartz est mort, mais ses idées vivent encore !

Les hommages se succèdent, partout sur la Toile, avec notamment l’opération #PDFTribute par laquelle des chercheurs mettent en ligne leurs articles scientifiques ou l’ouverture d’une Aaron Swartz Collection par Internet Archive.

Mais d’autres ont visiblement choisi d’aller plus loin et de mettre en application les préceptes de désobéissance civile énoncés dans l’Open Access Guerilla Manifesto écrit par Swartz.

Gale

Pour avoir hacké la base de données JSTOR au MIT, dans le but de libérer des articles scientifiques et des textes du domaine public, Aaron Swartz risquait 35 ans de prison et 1 million de dollars d’amende.

Cette menace n’a pas empêché d’autres activistes de hacker à leur tour la semaine dernière les bases de données de la firme Gale Cengage et d’en exposer les contenus en téléchargement sur un faux site, intitulé ironiquement « Gale Digital Collections, Where The Public Domain Lives Online« .

Gale Cengage est une entreprise qui numérise les collections de grandes bibliothèques patrimoniales dans le monde, pour mettre en place des bases de données commerciales, dont le contenu n’est ensuite accessible que via les abonnements payants que souscrivent des universités. Cette démarche est plus que contestable, car elle détourne le domaine public de sa finalité naturelle d’être mis en ligne et elle instrumentalise le droit des bases de données afin de mettre en place de nouvelles enclosures sur le domaine public.

Les personnes qui s’en sont pris aux bases de Gale ont choisi de dénoncer ces pratiques avec un humour mordant, plaçant à la fois Gale et ses bibliothèques partenaires face à leurs contradictions. Un faux communiqué de presse a été envoyé sur la liste de diffusion Domaine public de l’Open Knowledge Foundation, comme l’organisation l’explique dans un billet sur son blog. Un certain « Marmaduke Robida », « Director for Public Domain Content » chez Gale Cengage UK, y explique que la firme a décidé de changer de politique et de s’engager dans la libre diffusion du domaine public :

Gale, membre de Cangage Laerning est ravi d’annoncer que tous ses contenus du domaine public seront diffusés gratuitement sur Internet. En ce Jour du Domaine Public, nous sommes fiers d’avoir pris une décision aussi avant-guardiste. En tant que bien commun, le domaine public que nous avons numérisé sera accessible à tous.

La stratégie globale de Gale s’inspire des recommandations du groupe de réflexion européen « Comités des sages » et du Manifeste du Domaine Public. En ce qui concerne les contenus du domaine public, Gale a décidé d’adopter un modèle économique de Freemium : tous les contenus seront accessibles gratuitement à travers des outils de base (Public Domain Downloader, listes d’URL, etc), mais les services additionnels seront payants. Nous restons confiants dans l’existence d’un marché pour ces produits [...]

Une campagne spécifique sera lancée en 2013 en direction des bibliothèques nationales et universitaires pour promouvoir l’usage de la Public Domain Mark. Nous sommes prêts à aider les bibliothèques engagées dans un programme de numérisation à remplir leur but naturel : rendre le savoir accessible à tous. Le domaine public ne doit pas être enfermé derrière des murs payants ou soumis à des conditions d’utilisation douteuses.

De larges pans des collections numérisées par Gale (ouvrages et journaux anciens) peuvent être téléchargées sur le faux site qui a été ouvert par le biais d’un Public Domain Downloader. Même si la diffusion du communiqué de presse est antérieure au décès de Swartz, il est clair que cette action partage la même inspiration que celle entreprise contre JSTOR : hacker le domaine public, lorsque la diffusion de celui-ci est entravée au profit de sa marchandisation.

Contacté par l’Open Knowledge Foundation, Gale a déjà réagi en démentant tout changement de politique et en annonçant qu’il allait engager des poursuites contre ce site, sur la base de la violation du droit des marques et des conditions d’utilisation de ses bases. La firme s’engage aussi dans une démarche de censure, en demandant à l’OKF de retirer son billet pour ne pas donner de retentissement à cette affaire (ce qui pourrait aussi arriver au présent billet, nous verrons…).

Par Caroline Léna Becker. Domaine Public. Source : Wikimedia Commons.

Cette action s’inscrit dans une série de gestes similaires visant à hacker le domaine public lorsqu’il est menacé. Outre le geste accompli par Aaron Swartz contre JSTOR, on peut citer en 2009 l’opération par laquelle le wikipédien Derrick Coetzee avait téléchargé 3000 images du site de la National Portrait Gallery de Londres, afin de les « libérer » sur Wikimedia Commons (où elles sont toujours). D’autres actions sont moins spectaculaires, mais tout aussi efficaces, comme le transfert massif de fichiers de Google Books vers Internet Archive ou la manière dont certains Wikipédiens « exfiltrent » des fichiers de la bibliothèque numérique Gallica de la BnF pour les poster sur Wikimedia Commons.

L’affaire Aaron Swartz marque sans doute un tournant majeur dans les consciences, pour rappeler l’importance de sauvegarder le domaine public et d’empêcher que des atteintes soient infligées à son intégrité. L’attaque subie par Gale est aussi un signal envoyé à toutes les firmes du même genre, pour leur indiquer que certains n’acceptent plus leurs pratiques et sont prêts à agir à leur encontre, même s’il faut pour cela franchir la ligne rouge du droit.

Les institutions culturelles devraient aussi méditer sur cet exemple, car dans leur immense majorité, les musées, bibliothèques et archives appliquent des restrictions sur le domaine public, quand elles ne s’engagent pas dans des partenariats public-privé qui ont pour effet de marchandiser le patrimoine et de nuire à sa diffusion.

A cet égard, l’exemple français le plus préoccupant est actuellement celui de la BnF, qui est en train de conclure dans la plus grande opacité des partenariats de numérisation, non pas avec Gale, mais avec une autre firme similaire, Proquest, développant le même type de produits payants à partir de contenus du domaine public.

A l’été 2012, plusieurs groupes militant pour l’accès ouvert au domaine public et aux contenus culturels (Wikimedia France, Creative Commons France, l’OKF, Veni Vedi Libri) ont adressé au Ministère de la Culture une série de recommandations Open Glam, afin d’alerter les pouvoirs publics sur la situation. Aucune réponse n’a été faite à ce jour.

Il est urgent que cette politique de l’autruche cesse et qu’une réelle discussion s’engage à propos du statut du domaine public en France.

In Memoriam Aaron Swartz.


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