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Président normal ou compagnon empressé ?

Justice au singulier - philippe.bilger, 13/12/2012

Pour assumer une présidence normale, il ne faut pas, le moins du monde, risquer d'être dépendant des affres du compagnon empressé.

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Je ne me réjouis pas des maladresses de ce président de la République, je m'en désole. Parce qu'il y en a un certain nombre depuis quelque temps et qu'à la longue même les plus bienveillants vont finir par s'alarmer.

Son courrier adressé à la juridiction appelée à statuer sur l'assignation délivrée par sa compagne à l'encontre de deux journalistes et de leur éditeur pour diffamation et atteinte à l'intimité de la vie privée en est une indiscutablement (Le Monde, Le Figaro, Le Parisien).

Je n'évoque même pas la lettre transmise par Manuel Valls aux mêmes fins qui sont de discréditer les auteurs du livre "La frondeuse", dont l'enquête et les informations auraient été sujettes à caution. Cela confirme la réalité d'un dessein concerté. Beaucoup d'énergie pour si peu !

Cette malheureuse initiative du président de la République doit être appréhendée pour ce qu'elle est. En aucun cas, sauf par mauvaise foi, on ne saurait l'analyser comme une pression sur la justice ou une volonté d'en imposer aux juges. J'espère, et je suis sûr, que l'indépendance de ces derniers ne dépend pas de la réception d'une missive, même présidentielle.

Je comprends, en même temps, pourquoi cet épisode judiciairement insignifiant a suscité une polémique dans la mesure où immédiatement certains s'en sont donné à coeur joie pour comparer cette démarche avec les pratiques controversées de Nicolas Sarkozy dans son rapport avec l'Etat de droit et la justice. Il ne me semble pas que cette assimilation soit fondée puisqu'encore une fois, François Hollande a péché par une forme de naïveté plus que par perversion républicaine. Il n'empêche qu'il aurait pu, dû deviner que ce procès, aussi injuste qu'il soit, lui serait intenté.

A l'évidence, François Hollande ne parvient plus très bien à ajuster son comportement entre présidence normale et compagnonnage empressé.

Qu'avait-il donc à faire dans cette instance, même en y intervenant - il a insisté sur ce point - comme une personne privée et selon des modalités privées, du bout d'une lettre, alors que le débat aurait dû demeurer circonscrit, et encore !, à Valérie Trierweiler et à ceux qu'elle mettait en cause ?

D'une part, ce procédé intrinsèquement acceptable - rien en effet ne l'interdisait formellement - est apparu comme une intrusion, une envie trouble de de se mêler de ce qui n'aurait pas dû concerner le président de la République, aussi prudente et limitée qu'ait été son action.

D'autre part, cette dernière, appliquée à un tel sujet et pour une telle cause, a remis en lumière, a fait revivre ce qui aurait mérité de demeurer dans le silence - donc une procédure liée à sa seule compagne, accompagnée d'une sage abstention du président.
Il est manifeste que dorénavant tout sera à refaire et l'édifice fragile que des mois d'accalmie avaient construit tremble à nouveau sur ses bases. Il était fondamental que la prise de conscience par Valérie Trierweiler de ses devoirs s'accompagnât d'un bienfaisant immobilisme à son sujet, de la part du président de la République. Or, il a osé l'inverse.

Comme François Hollande finit par se perdre entre la normalité équivoque du président et les contraintes obligatoires pesant sur sa personne privée, il est allé au secours de Valérie Trierweiler plus comme compagnon empressé que comme chef de l'Etat nécessaire.

Si nous n'avons pas à nous mêler des choix d'existence du couple et de leur manière d'ancrer ou non leur relation amoureuse dans un statut officiel, conjugal, je suis persuadé, pour ma part, que leur vie commune telle qu'elle se veut pour l'instant est plus une source d'inadaptation et de malentendus que de clarté et de lisibilité. Valérie Trierweiler donne l'impression d'être souvent mal à l'aise parce que la certitude d'être aimée ne rassure pas forcément quand la structure est précaire et François Hollande n'aurait jamais éprouvé le besoin de venir, comme un chevalier blanc inutile et inopportun, en aide à sa compagne si cette dernière avait été son épouse. Il y a des sûretés qui au pouvoir dissuadent des imprudences.

Pour assumer une présidence normale, il ne faut pas, le moins du monde, risquer d'être dépendant des affres du compagnon empressé.


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