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Francis Heaulme reconnu coupable du double meurtre de Montigny-lès-Metz

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 18/05/2017

C’est la troisième fois que Francis Heaulme écoute un verdict qui le condamne à la réclusion criminelle à perpétuité. Pas un trait de son visage ne bouge. Il est près de vingt-trois heures mercredi 17 mai, et la cour d’assises de … Continuer la lecture

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C’est la troisième fois que Francis Heaulme écoute un verdict qui le condamne à la réclusion criminelle à perpétuité. Pas un trait de son visage ne bouge. Il est près de vingt-trois heures mercredi 17 mai, et la cour d’assises de la Moselle à Metz vient de le déclarer coupable des meurtres de deux enfants de 8 ans, Cyril Beining et Alexandre Bekrich, le 28 septembre 1986. Quelques heures plus tôt, alors que le président Gabriel Steffanus lui avait demandé s’il avait quelque chose à ajouter pour sa défense avant que la cour n’entre en délibéré, Francis Heaulme avait répété : « Montigny, c’est pas moi. »

Montigny, c’est vous, lui ont répondu la cour et les jurés, qui ont donc été convaincus que le déchaînement de violence qui s’est abattu sur deux gamins venus jouer dans leur « endroit secret » ce dimanche après-midi de septembre, au pied des voies ferrées qui longent la rue Venizelos, portait la signature du « Routard du crime », déjà condamné pour neuf meurtres commis au hasard de ses pérégrinations en France entre 1984 et 1992.

Ce verdict ne signe pas seulement la condamnation de Francis Heaulme. Il prononce symboliquement le deuxième et véritable acquittement de Patrick Dils. Son nom, qui a hanté ce procès de bout en bout, a encore occupé mercredi matin une bonne part de la plaidoirie de Me Liliane Glock. Une dernière fois, l’avocate de Francis Heaulme, a rappelé devant les jurés les aveux de Patrick Dils, alors âgé de 17 ans,  en garde à vue en 1987, le plan des lieux qu’il a dessiné, tous ces éléments qui avaient convaincu deux cours d’assises de le déclarer coupable du double meurtre de Montigny-lès-Metz avant de bénéficier d’un acquittement, en 2002, devant la cour d’assises du Rhône à Lyon.

De l’autre côté de la barre, celle des parties civiles, un autre avocat, Me Dominique Rondu, qui intervenait au nom de la grand-mère d’Alexandre Bekrich, avait lui aussi replacé le nom de Patrick Dils au cœur des débats. Affirmant que le procès ne lui avait apporté que « des hypothèses » et des « probabilités » sur la culpabilité de Francis Heaulme, il avait déclaré que sa cliente, Ginette Bekrich, ne voulait pas d’un « coupable de substitution. » « Si le doute devait l’emporter, elle saluerait votre courage », avait-il ajouté, comme un encouragement à l’adresse des jurés.

Les jours précédents, il y avait eu encore cet ancien policier, Bernard Varlet, racontant à la barre les conditions dans lesquelles il avait recueilli les aveux du jeune homme et affirmant soudain, sans susciter la moindre réaction du président et des représentants de l’accusation, la culpabilité de Patrick Dils. Et l’on se souvient, bien sûr, de la détresse de Patrick Dils lui-même, entendu dans les premiers jours de ce procès, lorsqu’il avait vu sous le feu des questions de certains avocats de parties civiles et de ceux de la défense, sa déposition se transformer en interrogatoire d’accusé.

A tous ceux-là, la cour et les jurés de Moselle ont dit « stop ». Patrick Dils n’est plus, ce mercredi 17 mai, l’accusé acquitté au bénéfice du doute que décrivait la présidente de la cour d’assises du Rhône, Yvette Vilvert, dans un entretien accordé au Figaro après son procès – et dont Me Glock a lu des extraits aux jurés dans sa plaidoirie – il est innocent, puisque le coupable est Francis Heaulme.

Par ce verdict, ils disent aussi à une mère, Chantal Beining, dont le chagrin de trente ans et la force les ont bouleversés, qu’elle a eu raison de se battre pendant tant d’années pour voir Francis Heaulme répondre du double meurtre de Montigny-lès-Metz. Contre l’avis de ses proches qui s’éloignaient d’elle, les réticences de la famille Bekrich, et surtout la mauvaise volonté de l’institution judiciaire qui s’agaçait de son acharnement, elle avait décidé, seule, de faire appel du non-lieu rendu en faveur de Francis Heaulme en 2007 par le juge d’instruction Thierry Montfort. Dans son réquisitoire, le procureur général Jean-Marie Beney, a d’ailleurs présenté ses excuses à Chantal Beining, en soulignant qu’elle n’avait « pas été reçue et soutenue comme elle aurait dû l’être par les représentants de l’institution judiciaire qui n’ont pas été à la hauteur, par défaut de rigueur de et d’engagement. »

Face à tant d’errements judiciaires, face à un dossier pollué dès son origine par les défaillances d’une enquête – des aveux recueillis auprès de trois suspects différents, une scène de crime qui n’a pas été « gelée », un médecin légiste inexpérimenté qui n’a pas pu, faute de thermomètre, dater précisément l’heure de la mort des enfants, des pièces à conviction essentielles, tels les vêtements des deux victimes, qui n’ont pas été conservées – auquel il faut ajouter la destruction ou à la disparition des scellés, la tentation a dû exister, chez les jurés, de jeter l’éponge. Ils en avaient la liberté puisque, quel que soit le sens de leur verdict – condamnation ou acquittement – Francis Heaulme, détenu depuis vingt-cinq ans et déjà sous le coup d’une double peine de réclusion criminelle à perpétuité, est condamné à passer le reste de ses jours en prison.

Ils ont choisi de suivre la conviction qu’avait exprimée devant eux à la fois l’ancien maréchal des logis Jean-François Abgrall, auquel on doit la résolution des autres crimes reprochés à Francis Heaulme, et celle des deux gendarmes, Francis Hans et Laurent Iltis qui ont été chargés de reprendre toute l’enquête après l’annulation de la condamnation de Patrick Dils.

Pendant sept heures de déposition pour l’un, quatre pour l’autre, ils avaient présenté l’ensemble des charges réunies contre Francis Heaulme : la certitude de sa présence sur les lieux, puisqu’il a lui-même admis avoir « reçu des pierres » lancées par des enfants, être monté sur le talus et avoir vu les corps des enfants morts ; le témoignage des deux pêcheurs qui datent précisément de la soirée du dimanche 28 septembre, leur souvenir d’avoir recueilli Francis Heaulme à bord de leur voiture, à quatre kilomètres de là, avec « des traces de sang sur le visage » ; et surtout la scène de crime elle-même qui, selon eux, porte « indéniablement la marque comportementale de Francis Heaulme. »

« Quelle est la probabilité pour que des gamins croisent ce jour-là la route d’un second tueur ? », s’était interrogé Francis Hans. Il n’y en a pas, ont dit la cour et les jurés.

 


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