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Xynthia : prison ferme requise en appel contre l’ancien maire et son adjointe

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 1/12/2015

L'avocat général Thierry Phelippeau a requis, mardi 1er décembre, une peine de quatre ans d'emprisonnement dont deux ferme contre l'ancien maire de la Faute-sur-Mer (Vendée), René Marratier, assortie d'une interdiction définitive d'exercer tout mandat électoral. A l'encontre de Françoise Babin, … Continuer la lecture

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L'avocat général Thierry Phelippeau a requis, mardi 1er décembre, une peine de quatre ans d'emprisonnement dont deux ferme contre l'ancien maire de la Faute-sur-Mer (Vendée), René Marratier, assortie d'une interdiction définitive d'exercer tout mandat électoral. A l'encontre de Françoise Babin, ex-adjointe à l'urbanisme, il a demandé à la cour d'appel de Poitiers de prononcer une peine de 2 ans, dont 9 mois avec sursis et 75 000 euros d'amende ; il a par ailleurs demandé 18 mois dont neuf avec sursis contre son fils, Philippe Babin, agent immobilier et ancien président de l'association chargée de l'entretien de la digue. Les prévenus ne sont "ni des boucs émissaires, ni des lampistes" a observé l'avocat général en ajoutant qu'une peine de prison ferme était nécessaire pour montrer "l'attachement de la société à la valeur essentielle qu'est pour elle la protection de la vie des personnes".

Si ces réquisitions sont moins lourdes que le jugement rendu le 12 décembre 2014 par le tribunal des Sables-d'Olonne qui avait condamné René Marratier à 4 ans ferme pour homicides involontaires et mise en danger de la vie d'autrui, elles dressent toutefois le même constat sévère sur la responsabilité du maire et de son adjointe dans le bilan tragique – 29 morts – du passage de la tempête Xynthia sur la commune de la Faute-sur-Mer. L'avocat général considère que la série de manquements graves aux "trois piliers que sont l'information, la prévention et l'alerte des populations" témoigne d'une "impéritie prolongée" et d'une "indifférence au risque" et constitue, pour les deux élus, "une faute caractérisée, détachable du service", qui les rend responsables sur leurs deniers personnels, des dommages et intérêts demandés par la centaine de parties civiles.

"C'est de façon délibérée que les prévenus ont occulté la prévention du risque", a insisté l'avocat général en dénonçant "la légèreté et l'amateurisme incompréhensibles" de l'ancien maire et surtout la "porosité entre intérêts publics et intérêts privés" qui prévalait à la Faute-sur-Mer où la présidente de la commission d'urbanisme était elle-même directement intéressée à l'aménagement et au développement touristique de la commune, via les activités de promotion immobilière de son fils.  Son "amnésie partielle" face au risque d'inondation était "utilitaire" a relevé Thierry Phelippeau, en dénonçant le manquement aux "obligations déontologiques" de Françoise Babin.

Désengagement de l'Etat et aveuglement de la population

Dans un réquisitoire aussi charpenté et rigoureux que celui de son prédécesseur des Sables-d'Olonne avait été brouillon et outrancier, l'avocat général n'a éludé aucune des questions posées par ce dossier : le conflit entre sécurité et contraintes environnementales, le désengagement de l'Etat dans l'entretien des digues, la lourdeur de ses procédures administratives, et sa faiblesse face à la puissance d'élus désireux d'assurer le développement de leur commune.

Thierry Phelippeau a d'ailleurs souligné que c'est à "l'initiative" des services de l'Etat que des zones classées inondables dans le Plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) avaient été rendues constructibles. "Une attitude étonnante et sans doute imprudente", a t-il relevé, tout en soulignant que cet assouplissement des contraintes d'urbanisme avait été accordé sous réserve de trois conditions – un rehaussement et une surveillance régulière de la digue, ainsi que la mise en place d'un dispositif d'alerte (plan de secours) pour la population de La Faute-sur-Mer – qui n'ont pas été respectées. L'avocat général a également évoqué l'aveuglement en partie volontaire d'une population qui, lors de l'enquête publique sur l'aménagement de cette langue de terre, s'était inquiétée des contraintes fixées par le plan de prévention, notamment la construction de pavillons avec un étage élevé, parce qu'elles étaient "susceptibles de gêner l'ensoleillement des pavillons existants".  

Et c'est ainsi que "maintenues dans l'ignorance du risque, trompées par la météo, les victimes sont allées se coucher" dans cette nuit du 27 au 28 février 2010. Quelques heures plus tard, une vague submergeait la digue et noyait un quartier de La Faute-sur-Mer, tuant des enfants, des parents, des grands-parents, âgés de 3 à 87 ans, nés à Paris, dans l’Essonne, en Vendée, en Algérie, dans le Calvados, en Seine-Saint-Denis, dans le Loiret, les Deux-Sèvres ou le Loir-et-Cher, tous saisis par la montée irrésistible des eaux dans le pavillon qu’ils avaient acheté au bord de l’océan.

Plaidoiries de la défense mercredi 2 décembre.


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