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Un CSM fort ou faible ?

Justice au singulier - philippe.bilger, 15/03/2013

Au risque de choquer, puis-je contredire cette idée apparemment indiscutée que l’honneur, la grandeur et l’efficacité de la justice seraient directement reliées non pas aux pratiques des magistrats – ce qui est évident - mais à l’amplification et au narcissisme de leur statut.

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Pour la Constitution, le Pouvoir va mettre en œuvre « le choix d’une réforme prudente » et le Parlement aura à examiner quatre textes « pour offrir à chacun plus de chances d’être adopté (Le Monde).
Le troisième aura pour ambition de réformer le Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
Avant de formuler un avis sur ce plan, je souhaiterais faire un sort à une nouvelle préoccupante et à une déclaration regrettable.
Christian Vigouroux, le remarquable directeur de cabinet de Christiane Taubira, va la quitter à la suite de dissensions internes et on ne peut que craindre le pire dorénavant. Je continue à m’interroger sur la nature concrète de la politique pénale envisagée par la garde des Sceaux et je me demande si l’avenir nous rassurera.
Odile Bertella-Geffroy, dont le comportement et l’action ont fait l’objet de plusieurs articles défavorables et suscité une mise en cause de l’Etat pour faute lourde de la part d’un responsable de la chaîne de restauration Buffalo Grill (Libération), n’a rien trouvé de mieux à déclarer que « je suis entrée dans la magistrature car je croyais en la justice. Je vais en sortir, je n’y crois plus ». Cette pensée, inspirée par le ressentiment, est absurde car elle laisse croire que l’exigence de justice et son incarnation judiciaire dépendent du sentiment personnel des magistrats et qu’il suffirait de la déception d’une juge et de ses revirements pour mettre à néant cette aspiration fondamentale, à la fois humaine et démocratique.
Pour le CSM, une promesse présidentielle va être tenue.
Ce n’est pas parce que les syndicats judiciaires revendiquaient une majorité des sièges pour les magistrats et, pour toutes les nominations, un avis conforme de cette instance que l’évolution projetée va être positive.
En effet, je rejoins totalement l’appréciation de l’ancien premier président de la cour d’appel de Paris Jean-Claude Magendie, qui critique ces dispositions parce qu’elles seraient cantonnées à « l’art de gérer les revendications catégorielles » et ne donneraient pas au CSM « une indépendance renforcée et une meilleure adéquation à la société civile » (Le Figaro). Il est en effet manifeste que l’augmentation du nombre de magistrats dans le CSM va au contraire amplifier le corporatisme, réduire le champ du possible, de l’impartialité et de l’équité et inscrire la justice moins dans un espace républicain que strictement professionnel et limité.
Les oppositions à ce projet de réforme pèseront peu et s’il est validé et voté, nous n’aurons par la suite qu’à constater les effets désastreux de cette fausse et dangereuse avancée.
Même pour le fait que « toutes les nominations de magistrats – siège et parquet – seraient désormais subordonnées à l’avis conforme du CSM ».
D’abord parce que, pour les raisons que j’ai dites, aucune confiance particulière ne pourra s’attacher aux choix et à la lucidité professionnels du CSM.
Ensuite, et surtout, parce qu’il dépendra dans son appréciation négative ou positive de la seule proposition du ministère de la Justice. A quoi servira ce pouvoir accru du CSM puisque les désignations des magistrats, pour les postes sensibles, continueront à être fondées plus sur la complaisance espérée que sur l’intelligence et la liberté ? Certes, il pourra rejeter tel ou tel candidat mais dans la guerre d’usure, le Pouvoir gagnera forcément et le CSM sera amené à valider, tôt ou tard, ce que le ministère confirmera avec satisfaction.
Que le CSM puisse se saisir d’office, enfin, de toute question de déontologie serait, paraît-il, « déjà une petite révolution ». Il ne faut rien exagérer. On verra à l’usage si le Parlement le permet. L’opératoire pourrait se révéler dérisoire.
Au risque de choquer, puis-je contredire cette idée apparemment indiscutée que l’honneur, la grandeur et l’efficacité de la justice seraient directement reliées non pas aux pratiques des magistrats – ce qui est évident - mais à l’amplification et au narcissisme de leur statut.
Ce qui favorise une vanité collective sans effet bienfaisant pour la société.



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