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Et pourquoi le Dr Bonnemaison ne serait-il pas renvoyé aux assises ?

Actualités du droit - Gilles Devers, 12/08/2013

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Le gentil Docteur Bonnemaison promis aux assises par le méchant procureur, alors qu’il voulait juste « soulager les douleurs des patients »  et « préserver leur dignité »… C’est reparti pour un joli délire collectif ? J’espère bien que non.22748448_3917429.jpg

Après le réquisitoire du parquet, on attendra la décision des juges d’instruction, mais franchement il faudrait infliger une sacrée torture au Code pénal pour que le Docteur Bonnemaison échappe aux assises : il y a eu intention de donner la mort, préméditation et passage à l'acte.

Le praticien risque une peine de prison longue, oui, car il est poursuivi pour huit empoisonnements commis en 2011 sur des personnes en état de vulnérabilité… Avec une attitude avisée devant la cour d’assises, il peut éviter la prison ferme, mais ce n’est pas gagné.

D’abord, s’il parait effectivement sympathique, ce qu’il a fait ne l’est absolument pas. Il est assez effrayant, quand tu es vieux et bien malade, de penser qu’il y a un toubib sur le secteur qui est entrain de lorgner si tu n’as pas l’air trop mal au point, auquel cas il décide de te zigouiller !

Donc, chères amies et chers amis, quand vous arrivez vieilles et vieux au service des urgences, pensez bien à ne pas trop vous plaindre, gardez bon œil, et si possible faites de jolis sourires, sinon un toubib va s’occuper de défendre votre dignité avec une bonne injection létale au petit matin. Le couloir de l’hôpital comme couloir de la mort, cette affaire est horrible, et on attend une réponse nette de la justice. Pour le moment, tout se tient et je fais confiance.9782294020872FS.gif

Ensuite, je m’inquiète un peu, surtout qu’il y a récidive, des déclarations de mon excellent confrère Maître Benoît Ducos-Ader, l’avocat du Docteur : « Nicolas Bonnemaison est prêt à se défendre devant un jury populaire s'il le faut, de façon à poser les vraies questions de l'euthanasie sans hypocrisie. Peut-être est-ce la seule solution pour montrer le chemin au législateur comme de nombreux médecins, professeurs, et hommes politiques de tous bords le tentent de façon de plus en plus pressante depuis des années ».

Ouaip… On serait donc encore sur la ligne annoncée dans les premiers temps par le Docteur Bonnemaison : « le souci d’éviter des souffrances extrêmes aux patients et de respecter leur dignité ».

Très bien… sauf que pour « éviter des souffrances extrêmes aux patients et de respecter leur dignité » il fallait appliquer la loi… et non pas la violer… ni en réclament une autre.  

La loi condamne comme faute professionnelle l’acharnement thérapeutique (CSP, art. L. 1110-5, al 2 et article L. 1111-13) et impose au médecin de soulager les douleurs (même article, al. 4), ajoutant que si ce traitement a pour effet secondaire d’abréger le cours de la vie, il ne peut y avoir de sanction pour le médecin. Situation qui n’a rien à voir avec le médecin qui décide de tuer. Impossible de confondre, surtout que les protocoles de prise en charge de la douleur ont des résultats excellents.9782950803917-soins-palliatifs-reflexions-pratiques_g.jpg

La défense apportera-t-elle la preuve que dans ces huit affaires, aucun protocole de traitement de la douleur ne pouvait être efficace ?  Je rappelle que chaque patient dont l’état de santé le requiert a droit à des soins d’accompagnement (Art. L. 1110-9). 

Ensuite, quand on respecte la loi, on ne se planque pas. Ce sont les malfaiteurs qui se cachent pour agir, et partent sans laisser de trace. La loi est là aussi d’une parfaite clarté. Engager les traitements qui peuvent avoir pour effet d’abréger la vie ou entrer dans un processus d’arrêt des soins devenus déraisonnables, sont des décisions lourdes, et il faut une méthode. La bonne tête du toubib ne suffit pas !

Le Code de la santé publique (Art. L. 1111-4 et L. 1111-13)  et le Code déontologie médicale (Art. R. 4127-37) prévoient une procédure pertinente : consultation de toute l’équipe, avis d’un autre praticien, information des proches, mise en œuvre progressive et contrôlée du processus, inscription  de toutes les étapes dans le dossier, correspondance avec le médecin traitant, travail en équipe à toutes les étapes… Au terme de ce processus, le médecin décide. Alors, pourquoi se planquer, agir en douce, mentir à l’équipe et aux familles… On est là en dehors de toute règle.

Le procès pour montrer l’absence de cadre législatif adapté et dénoncer l’hypocrisie ? Je fais le pari inverse : le procès montrera que la loi est bonne, et on attend des professionnels de santé qu’ils appliquent la loi.  C'est un minimum. 

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Si on est pas au courant, on peut se renseigner...



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