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Il faut défendre le pape François !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 24/12/2014

Il faut défendre le pape François. Parce qu'il est un pape pour tous.

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Il faut défendre le pape François.

Parce que les personnalités exceptionnelles, bouleversantes, qui changent un monde et notre regard sur lui, sont rares.

Parce qu'il est un pape politique qui ne fait pas de politique.

Parce qu'il réconcilie au lieu d'exacerber.

Parce que tous les pisse-froid prédisent son échec au lieu de s'enthousiasmer pour ses combats.

Parce qu'il sait concilier la chaleur et le sourire de l'humain avec la rigueur, la vigueur du révolutionnaire paisible.

Je ne m'étonne pas qu'avec tant de motifs d'admiration, dans les "24 bonnes raisons de ne pas jeter 2014 à la poubelle", Libération n'ait pas jugé bon de le placer, lui, en tête de liste alors que nous avons évidemment Piketty, l'Espagne qui sauve l'IVG et autres dilections singulières.

Si j'ai envie de revenir à Noël sur ce sujet, c'est aussi parce que je commence à être lassé par ce prêchi-prêcha présidentiel et laïque qui, plus la situation est grave et la réalité indiscutablement angoissante, nous invite "à ne pas céder à la panique, aux amalgames, aux peurs" dans une sorte de sermon permanent du "pauvre" qui n'a aucune commune mesure avec l'exaltation des valeurs et l'exemplarité des attitudes (Le Figaro).

Il faut défendre le pape François qui, avec une roideur et une franchise indépassables, est en train de mener une charge contre la Curie, les cardinaux et les évêques réunis dans un même corporatisme de la foi. L'issue, si elle est favorable à sa cause, qui heureusement n'est pas perdue d'avance, transformera pour le meilleur les structures du catholicisme, de sa hiérarchie et de son gouvernement. On passera du conventionnel à l'authentique. Aucun glissement de la droite vers la gauche, comme le déplorent les obsédés de l'idéologie, mais un retour à l'incandescence et à l'essentiel.

Il n'est pas une des quinze plaies qu'avec une lucide et féroce bienveillance, devant une assistance contrite et médusée, le pape a rappelée qui ne soit aussi au coeur de toutes les institutions de la République, de la Justice, de l'univers politique, des instances sociales - de tout ce qui permet, par paresse ou par vanité, au pouvoir de se coaguler, à la domination de s'enivrer et au service d'autrui de disparaître avec bonne conscience.

Prenant connaissance de ces maux, dont le moindre n'était pas de présenter sans cesse "une triste figure", j'étais ébloui par la profondeur et l'absence de complaisance de cette analyse, de cette dénonciation qui n'omettaient rien - pas plus la pompe et l'inefficacité des actions que le culte des apparences avec le souci narcissique de soi.

Il faut défendre le pape François parce qu'il compte sur nous. Il n'a pas besoin qu'on vienne, avec un pessimisme suicidaire, craindre pour lui et souhaiter que quelqu'un de raisonnable parle à sa place. Pour rassurer et tout remettre en état (JDD).

Contre cette prétendue sagesse, cette frilosité confortable et conservatrice, au contraire acceptons, pour suivre son exemple, l'incroyable révolution qu'une audace non-violente, convaincante, novatrice, débridant les plaies et guérissant les doutes ne cesse pas de favoriser au jour le jour. Qu'on compare l'Eglise d'aujourd'hui avec celle qui attendait et espérait ce pape !

J'aime faire partie modestement de cette foule, de ce peuple sur lesquels il s'appuie, dont il magnifie l'importance pour s'en prendre aux blocages et aux prudences de la bureaucratie religieuse, du pouvoir, de l'appareil. A sa manière, le pape François se fonde sur la leçon de Jésus sur terre qui a su user d'une violence libératrice, de l'arme des mots pour vitupérer les faux-semblants et énoncer des vérités capitales, éternelles.

J'apprécie que contre les intégrismes qui tuent, le pape François soit certes un extrémiste, mais de la paix, de la compréhension, de la miséricorde. Et qu'il tente autant que possible d'insérer les absolus catégoriques dans la pâte des jours et les douleurs concrètes.

Il faut défendre le pape François parce qu'il dispense un enseignement pour notre démocratie. Les responsables de la France, aujourd'hui - je crains que ce soit un voeu pieux - et demain, pourraient être tentés de faire comme lui : contre la Curie, la masse, contre les élites, le peuple, contre les immobilismes, le référendum !

Mais si cette démarche a du sens de sa part, cela vient d'abord du fait que sa personnalité est à ce point emblématique, conforme aux vertus qu'elle propose, éloignée des vices qu'elle pourfend, qu'elle est naturellement perçue comme un modèle.

Dans ce qu'une démocratie plus modeste, moins autarcique, moins condescendante à l'égard de citoyens infantilisés, cherchera à instaurer à partir de 2017, qu'elle n'oublie pas qu'aller vers le peuple n'est pas tout. Qu'il convient aussi que celui-ci ait envie d'aller vers vous. Cela imposera une rectitude, une éthique, une coïncidence entre soi et ses actes, entre ses engagements et ses pratiques dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles ne sont pas incarnées par tous nos revenants, nos ambitieux ou nos plausibles.

Il faut défendre le pape François.

Parce qu'il est un pape pour tous.


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