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Pour l’abrogation de l’infraction d’évasion

Actualités du droit - Gilles Devers, 3/11/2014

C’est l’histoire d’un jeune détenu, un lillois âgé de 24 ans, condamné il y...

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C’est l’histoire d’un jeune détenu, un lillois âgé de 24 ans, condamné il y a sept mois de cela à de la prison ferme. Son séjour a commencé à la prison de Sequedin, mais compte tenu de son bon comportement, il a été transféré au centre de semi-liberté de Haubourdin. Il restait détenu, mais dans un cadre moins strict que la prison, et l’administration lui avait confié un job au service du repas. Mais, très isolé pendant la journée, il a pris un coup de cafard, et a escaladé un muret. Le voilà en évasion… Cinq jours plus tard il s’est rendu à un poste de police municipale, ce 30 octobre, expliquant que pendant cette cavale, il était resté sur la tombe de sa mère : « J’ai dormi sur sa tombe ». Il ne s’est pas remis du suicide de sa maman, qui s’était pendue en 2009. Nouveau passage au tribunal, trois mois ferme et retour en prison.

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Je ne peux que déplorer un tel jugement,… effet d’une loi liberticide. Le comportement de ce jeune homme est contraire à la loi, certes, mais il honore l’esprit humain, et dans un pays de liberté, de tels faits ne devraient pas être sanctionnés. Le jeune homme n’a rien détruit, ni n’a blessé personne : il s’est contenté de faire le mur, pour aller se recueillir sur le tombe de sa mère. Or, ce qu’a sacralisé la loi, c’est l’obligation d’intérioriser la condamnation pénale et donc de l’accepter. La loi demande à un citoyen de renoncer à sa liberté ! Une abdication qui est un non-sens… C’est à l’Etat de se donner les moyens de la peine ; ce n’est pas au détenu de s’obliger à purger.

La France était restée dans le bon sens jusqu’à la malheureuse loi Perben du 9 mars 2004. Une loi qui a été une grande étape dans la logique sécuritaire, pour ne pas laisser le sujet au FN… On voit le résultat… Désormais, le douteux article 434-27 vous oblige à vous surveiller vous-même, en punissant l’évasion simple, c’est-à-dire commise sans violence, effraction ou corruption. Donc, vous êtes en prison, et la porte est ouverte : vous devez rester dans la cour, et ne pas mettre un pied dehors ! Plus besoin de surveillance : dans ce brave pays il faut savoir renoncer à la liberté. Brrr… La loi remplace la liberté par l’obéissance. Oh la tronche de la nouvelle devise : « Obéissance, égalité, fraternité ».

Une loi d’ailleurs parfaitement idiote : imaginez-vous un détenu ayant une occasion de se faire la belle, sans s’en prendre à rien ni à personne, et qui refuserait au prétexte du scabreux 434-27…

Comme souvent, nos amis belges savent nous rappeler ce qu’est la bonne civilisation. Le droit pénal belge ne sanctionne pas pénalement l’évasion simple. Ce qui revient à dire, que par fidélité au droit naturel, l’évasion est un droit, dès lors qu’il n’est commis aucun délit – destruction, violence, vol – pour atteindre ce but si noble qu’est la liberté.

Il faut donc souhaiter que nous revenions à notre tradition de liberté, en déjugeant les lois de contrôle social. La Cour de cassation se fera un plaisir de retrouver son excellente jurisprudence (5 mai 1998, n° 97-85271) : « Attendu qu’aucun acte de violence n’est établi à la charge du prévenu, lequel n’a fait que profiter, après être sorti du fourgon cellulaire, d’un moment d’inattention du seul policier chargé de sa garde, qui avait lâché ses menottes ; que l’intéressé a réussi à s’enfuir en passant par la grille d’enceinte du tribunal, alors ouverte, sans commettre aucun acte d’effraction ; qu’il en résulte que son évasion est le résultat d’une simple ruse, exclusive du délit. »

Cette loi me parait tellement contraire à ce substantiel principe de liberté qu’une petite QPC serait à coup sûr bienvenue...

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